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  • Lev Yachine
  • 22.10.1929 – 20.03.1990

Lev Yachine, le goal nouveau

Par Alexandre Doskov // Tous propos recueillis par AD
Lev Yachine, le goal nouveau

Non content de marquer l'histoire et de s'offrir des titres, des records, et une place dans la légende, Lev Yachine s'est aussi permis de transformer son poste. Un homme pour qui les cages étaient décidément trop petites.

À la fin des années 60, casquettes molles négligemment posées sur le crâne, une clope au bec, prêts à défier l’ordre et à faire sauter les carcans de la France gaulliste, les titis parisiens battent le pavé du centre de la capitale. Au même moment, avec le même œil rieur, le même couvre-chef, la même cigarette collée aux lèvres, mais 3000 kilomètres plus à l’est, Lev Yachine a lui aussi lancé sa révolution. Et pour le coup, rien à voir avec les frêles vagabonds du quartier latin de Paris. Du haut de son mètre 89, Yachine est plutôt du genre taillé comme une armoire, et s’est lancé dans une entreprise de réinvention du poste de gardien de but depuis qu’il a commencé sa carrière au Dynamo Moscou au début des années 50. À une époque où les portiers sont encore scotchés à leur ligne et n’envisagent pas d’être autre chose que des shot stoppers, Lev Yachine déclare : « Attendre passivement sur cette ligne blanche est facile, réducteur et même parfois ridicule. Pourquoi priver l’équipe d’un joueur de champ supplémentaire quand cela est possible ? Surtout que notre position nous assure une vision privilégiée du match. » Adios le football à « 10 joueurs + 1 gardien » , Lev Yachine a déposé son bulletin « 1 équipe = 11 joueurs » dans l’urne. La formule magique du gardien-libéro, un demi-siècle avant les sorties démentielles de Manuel Neuer et la grande mode du label « gardien moderne » .

Lev machine

L’URSS des années 50 et 60 a beau être un milieu un poil cloisonné, les exploits de Yachine ont largement dépassé le rideau de fer, même à son époque. Georges Carnus, gardien de l’équipe de France dans les sixties, se souvient avoir subi de plein fouet la vague Yachine : « C’était mon idole. À cette époque, c’était un gardien qui jouait avancé. Il sortait, il commençait à prendre des ballons à 18 mètres… Ça ne lui posait pas de problèmes. Ça a été le premier à jouer comme jouent les gardiens de maintenant. » Cette extension de sa zone d’intervention, Yachine pouvait se la permettre grâce à son physique, inhabituel à une période où les gardiens n’avaient pas encore les gabarits que l’on connaît. Autre conséquence des grands segments du Russe, une capacité impressionnante à protéger sa ligne et à dégoûter les attaquants adverses. Christophe Lollichon, l’entraîneur des gardiens de Chelsea, a grandi avec les images des exploits de Yachine et se souvient de la crainte qu’inspirait l’Araignée noire : « Il avait une envergure terrible à laquelle les joueurs de l’époque n’étaient pas habitués. Et il sortait dans les pieds en se jetant et mettait toute son envergure et tout son poids, avec une très grosse rapidité. » Georges Carnus, toujours aussi enthousiaste, confirme : « Ça devait être impressionnant pour un attaquant. Quand il se couchait, il traversait le but. À gauche ou à droite, il touchait le poteau. » Une carrure à laquelle il faut ajouter des qualités athlétiques hors normes, une détente de vainqueur de slam dunk contest, et une souplesse de reins phénoménale qui permettait au grand gaillard de se coucher très rapidement. Réputé monstrueux sur penalty, la légende lui prête environ 150 tirs au but arrêtés.

Russian relance

Mais Lev Yachine n’était pas seulement le plus grand de la cour de récréation, qui profite de son physique pour terroriser ses camarades et récupérer les meilleures notes en EPS. Travailleur sérieux et passionné par le jeu, il a développé une panoplie de gestes inédits pour les gardiens de l’époque. Sur les situations aériennes par exemple, note l’œil expert de Christophe Lollichon : « C’est un des premiers gardiens qui sortait loin de son but, notamment sur les ballons aériens. Il avait une faculté à boxer les ballons. Il ne les bloquait pas beaucoup, il les boxait très loin dans un style un peu archaïque » . Au cas où il parvenait à capter la balle, Yachine surprenait aussi ses adversaires en relançant immédiatement, ce que ne faisaient pas ses concurrents. Doté d’un jeu au pied au-dessus de la moyenne, il pouvait balancer de très longues sacoches avec précision, « dans un style un peu à la Jacques Tati. Il dégageait le ballon, et son pied partait vers l’avant, il faisait un super pas en avant. C’était impressionnant, mais pas vraiment dans le catalogue ! » s’amuse Chris Lollichon. Mais la principale invention du Russe, c’est la relance à la main, complètement inédite en son temps. Georges Carnus, témoin direct de cette évolution, a vu les gardiens de leur génération s’adapter : « C’est le premier gardien qui a commencé à dégager à la main. Après, tout le monde à commencé à dégager à la main. » Le tout avec un style incroyable appelé bras cassé, différent du bras roulé aujourd’hui privilégié par les gardiens, sorte de passe de handball que Yachine pouvait envoyer très loin.

L’héritage

Si les contemporains de Yachine en parlent encore avec une admiration non feinte, les jeunes générations de gardiens y sont en revanche beaucoup moins sensibles. « Je suis trop jeune pour parler de lui. C’est mon père qui m’en parlait, mais je n’en sais pas plus » , répond sobrement Grégory Coupet. Même son de cloche chez Mickaël Landreau : « Je ne peux pas en parler, je ne le connais pas. Bien sûr, je sais qui c’est, on en entend souvent parler, mais il y a un écart de générations. » L’après-Yachine a aussi donné lieu à de grosses évolutions dans l’entraînement des gardiens d’après Georges Carnus : « À partir des années 70, les clubs pros ont commencé à prendre d’anciens gardiens pour entraîner les gardiens. Moi, je suis un peu à Monaco, et je vois les jeunes du centre de formation, ils ne font pas le même métier que moi ! Ils travaillent comme des fous, je n’ai jamais fait d’entraînement comme ils font. » Christophe Lollichon, en tant qu’entraîneur, ne connaît pas les méthodes utilisées à l’époque par Lev Yachine et ses coachs. Mais il est persuadé qu’au-delà du football, la carrière de hockeyeur du Russe l’a aidé à se forger et à progresser : « C’est génial, de pratiquer d’autres sports. Il y a tellement de choses à en tirer pour un gardien. » Et si les exploits de Yachine s’oublient tristement, les bons souvenirs restent, comme ce match amical Stade français – Dynamo Moscou disputé en 1963 par Georges Carnus, alors goal du club de Paris : « Quand je l’ai vu, c’était un phénomène. En plus, il faisait presque 2 mètres. Quand on est entrés sur le terrain au Parc des Princes, pendant 50 mètres, je n’ai fait que le regarder. Mais à part parler russe… S’il avait parlé français, on aurait pu discuter ! » Et peut-être lui demander sa casquette de titi moscovite en souvenir. Un objet que les dirigeants soviétiques de l’époque avaient fait mettre dans un musée après la retraite de leur portier légendaire.

Et Yachine déchira le rideau
1963, l’année parfaite de Lev Yachine

Par Alexandre Doskov // Tous propos recueillis par AD

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