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Les leçons tactiques de Monaco-Juve

Par Markus Kaufmann
Les leçons tactiques de Monaco-Juve

« Monaco n'a jamais été inférieur à la Juventus sur les deux matchs », a déclaré Leonardo Jardim. Et le Portugais a parfaitement raison : son ASM s'est même montrée supérieure aux Italiens dans le jeu, à un penalty près. Mais pour Gigi Buffon, « il n'y a pas que la technique et le jeu ». Monaco a eu le ballon et les tirs, mais pas les occasions. Faut-il en vouloir aux limites de l'animation offensive monégasque ? Ou est-ce le mérite de la défense turinoise ?

Jardim dessine le même 4-2-3-1 qui lui avait permis de porter le danger sur les cages turinoises dans les 20 dernières minutes du match aller. Deux milieux centraux : Toulalan à la place de Fabinho, et Kondogbia, plus libre. Deux ailiers « toniques » : Bernardo Silva et Ferreira Carrasco, un Moutinho entre les lignes avec le sale boulot, et Martial en pointe. En face, Allegri choisit un 3-5-2 qui se transforme rapidement en 5-3-2. Barzagli est aux côtés de Bonucci et Chiellini, Lichtsteiner et Évra sur les ailes, Marchisio et Vidal autour de Pirlo, et la belle paire Morata-Tévez. Mais le début de match n’a pas dû plaire à Allegri : Chiellini glisse et écarte le ballon de la main au bout de 40 secondes de jeu (une telle faute tactique, brillante en termes de culot et de timing, méritait-elle plus qu’un jaune ?). Plus tard, El Guerrero Vidal donnera une passe en retrait à Berbatov, et Morata arrivera à annuler un deux-contre-un prometteur. Hier soir au stade Louis-II, personne n’a reconnu la passivité de la Juve, et personne n’a reconnu non plus l’élaboration offensive de l’ASM.

Jardim, de l’organisation à l’élaboration

Depuis son arrivée, la France lui répétait qu’il était moche. Qu’il jouait petit bras. Et lui, il peaufinait son organisation. Monaco marquait peu de buts, mais en encaissait encore moins. Du coup, la France a attendu le moment où il n’allait plus avoir le choix, le moment où il allait devoir attaquer. Ce moment, c’était hier. Et Jardim a surpris tout le monde, à commencer par la Juve. Le pressing est intense et les transmissions sont rapides : l’ASM emballe le match dès les premières séquences. Exemplaire, son pressing a de quoi rendre les Parisiens jaloux : Moutinho ne calcule pas ses efforts pour aller chercher la relance turinoise jusqu’aux pieds de Bonucci, Kondogbia fait un effet d’épouvantail au milieu (5 tacles, 5 interceptions), les ailiers Ferreira Carrasco et Bernardo Silva reproduisent le schéma vu à l’aller, Kurzawa (5 tacles, 6 interceptions) et Fabinho (6 tacles, 5 interceptions) anticipent les relances turinoises, et Monaco gagne la brève bataille de la possession. Les situations dangereuses se multiplient : deux frappes lointaines de Kondogbia, une percée folle d’un très habile Bernardo Silva à droite. Si Monaco surprend, ce n’est donc pas pour son organisation, que l’on connaissait déjà, mais plutôt pour la qualité de son élaboration, tout à fait surprenante. Hier soir, les hommes de Jardim n’ont jamais semblé limités dans la construction, et encore plus dans les derniers mètres.

Kondogbia futuriste, Pirlo dépassé mais décisif

D’une part, la science du seul Toulalan a suffi dans l’axe pour que Kondogbia puisse monter d’un cran, distribuer le jeu et même provoquer un penalty (non sifflé). D’autre part, les deux ailiers (gaucher à droite, droitier à gauche) ont permis de rester ouverts sur le jeu et de se connecter avec les autres. Les dribbles d’un excellent Bernardo Silva (2 tirs, 4 passes clés, 4 dribbles réussis, 2 fautes subies) et du rapide Ferreira Carrasco ont permis d’annuler la supériorité numérique qu’impliquait le 3-5-2 turinois (Lichtsteiner et Chiellini contre le seul Bernardo Silva, avec Vidal pour empêcher l’aide de Fabinho). Mais c’est dans l’axe que la Juve a carrément mis un genou à terre. Tévez et Morata laissent Toulalan, Raggi et Abdennour monter et servir Kondogbia, qui n’a plus qu’à se jouer d’un Pirlo dépassé. L’Europe n’oubliera pas le Français, impressionnant (3 tirs, 3 dribbles réussis, 5 tacles, 5 interceptions).

À la mi-temps, Monaco compte donc 58% de possession et 7 tirs à 2. Un chiffre résume à lui tout seul la souffrance turinoise : les 65% de passes réussies de Pirlo, dont la moyenne est de 89% en Serie A et en C1. Au centre d’un camp assiégé, le maestro n’a jamais trouvé le rythme. En phase défensive, il a paru très usé face aux longues jambes de Kondogbia. En phase offensive, l’attitude conservatrice de son équipe ne lui a jamais permis de jouer sa mélodie. Comme d’habitude, néanmoins, trois ballons lui ont suffi pour créer les trois seuls frissons produits par l’animation offensive d’Allegri : une jolie courbe dans le dos monégasque en direction de Lichtsteiner, une passe en profondeur pour Morata (comme à l’aller) et un ultime coup franc sur l’équerre. D’où une équation difficile pour Allegri : dans une demi-finale encore plus intense, peut-il se priver du génie de Pirlo et confier l’axe du milieu à Marchisio ? Aujourd’hui, le retour de Pogba semble salvateur, mais la Juve devra être bien plus ambitieuse dans le jeu pour se montrer cohérente au plus haut niveau.

Une Juve déconnectée

La Juve a attendu, mais n’est jamais repartie vers l’avant comme le voulait Allegri : « Pour passer, nous devrons marquer au moins un but. J’attends de mes hommes une nouvelle soirée magnifique, comme à Florence et Dortmund » . D’une part, l’équipe turinoise joue très bas, en partie parce qu’elle perd les duels au milieu de terrain, et en partie parce qu’elle veut éviter les contres monégasques. D’autre part, la Vieille Dame se montre bien trop « longue » , comme disent les Italiens : impatients d’aller marquer un but décisif, Tévez et Morata créent un trou immense entre leurs (bons) pieds et les pieds (plus fatigués) de leurs milieux. Une attitude passive de quelques joueurs (Vidal, Pirlo, Morata, Lichtsteiner, Évra) qui a mis en danger un groupe qui semblait pourtant avoir les armes pour aller marquer un but rassurant, comme à Dortmund. Devant, Tévez a montré sa grinta naturelle et l’Argentin est parfois parti seul contre tous pour ralentir la manœuvre monégasque, mais la Juve n’a jamais su utiliser ces récupérations. La Juve n’a pas joué pour marquer, n’a pas joué pour récupérer le ballon, et a donc semblé jouer pour rien.

Souffrance turinoise ? Ou défense à l’italienne ?

Qui sait si Buffon a vraiment passé une soirée tranquille ou s’est mis à repenser aux éliminations récentes contre Benfica, Galatasaray et le Bayern ? Toujours est-il que si les cages de la Vieille Dame sont restées inviolées hier soir, ce n’est pas grâce à l’organisation défensive des Bianconeri : Allegri peut surtout remercier ses défenseurs et son gardien. Collectivement, l’organisation défensive turinoise a grandement souffert. Le milieu n’a rien protégé, les latéraux ont laissé les Monégasques centrer facilement (plus d’un centre toutes les 3 minutes en première période), et l’attaque n’a jamais su faire respirer la manœuvre, subissant un 60% de possession de balle face à une équipe qui ne semblait pas en avoir les moyens techniques. Pour aller plus loin, les Italiens ont même moins bien défendu que les hommes de Jardim, qui ont seulement souffert des longs ballons de Pirlo sur les deux matchs (et le penalty en conséquence).

En revanche, loin de la production du jeu, le quatuor défensif 100% italien a eu une grande part de responsabilité dans le succès. Buffon, lui, est toujours moins spectaculaire et plus précieux. Barzagli, le revenant, a été intraitable. Bonucci, d’habitude surtout brillant au sol, s’est montré impérial dans les airs (10 ballons dégagés). Et Chiellini, fébrile en début de match, a su regagner sa sérénité pour finir par anticiper toutes les initiatives des avants-centres monégasques (5 interceptions). Conséquence : 2 centres réussis sur 18 tentés lors des 45 premières minutes pour l’ASM. Le 5-3-2 était bien pensé : deux centraux sur trois ont pu prendre soin de la fougue de Martial (5 duels aériens gagnés, tout de même, mais trop peu de ballons exploités). Privée de sa vitesse, l’ASM s’est montrée dominatrice dans le jeu, mais peu dangereuse dans les derniers mètres. D’où un besoin criant de plus de présence dans la surface adverse.

Llorente est un bol d’air

À la mi-temps, Jardim réagit : Toulalan sort (gêné à la cuisse) et Berbatov entre. Moutinho au milieu, Martial à gauche, Ferreira Carrasco à droite. Qui sait ce qu’aurait été la réaction d’Allegri si Berbatov avait marqué en début de seconde période (50e et 55e) ? C’est finalement Fernando Llorente et Roberto Pereyra, entrés pour Morata et Vidal, qui enlèveront la crispation du visage de la Vieille Dame. Les 20 dernières minutes sont ainsi celles qui collent le mieux aux paroles d’Évra : « On l’a jouée à l’italienne : c’est solide, c’est moche, mais ça passe » . L’ex de l’Athletic Bilbao a redonné un sens au jeu turinois : duels gagnés, conservation de balle autoritaire et surtout de la patience (Llorente : 13 passes en 18 ballons à 77% de réussite en 20 minutes ; Morata : 57% de passes réussies, 28 passes en 68 minutes). Comme quoi, un avant-centre peut bien changer le visage de sa propre défense. C’est suffisant pour que la pression monégasque, très fatiguée, lâche sa proie. Jardim ajoute Germain dans la surface, le changement tant attendu pour libérer Berbatov. Mais c’est trop tard : Pereyra, l’autre grand artisan de la victoire à Dortmund après Tévez, montre à nouveau sa capacité à tenir le ballon tout en brisant les lignes adverses. Un homme qui était fait pour ce match, en somme. Le rythme se perd, et la Juve obtient enfin son « non-match » : plus de touches que de passes. Après une prestation aussi décevante dans le jeu, mais convaincante dans le caractère, la Juve pénètre donc dans l’antre des demi-finales par la petite porte. Elle a maintenant l’effet de surprise de son côté. Et ce n’est pas de refus pour une équipe qui souffre tant de la pression eu Europe depuis trois saisons.

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Par Markus Kaufmann

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