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Les leçons tactiques de France-Brésil

Par Markus Kaufmann
Les leçons tactiques de France-Brésil

Dans « son » Stade de France, face à « son » Brésil, l'équipe de France a chuté. Elle a encaissé trois buts, elle n'a marqué que sur corner, et elle n'a pas autant maîtrisé le jeu que lors de ses dernières sorties. Pourtant, le bilan de cette rencontre n'est pas si noir pour les Bleus, et pas si rose pour les Brésiliens. Et puis, avec un genou à terre, on est toujours plus proche de la réalité. Et on y voit plus clair.

Daniel Passarella. Dino Zoff. Diego Maradona. Lothar Matthäus. Dunga. Didier Deschamps. Cafu. Fabio Cannavaro. Iker Casillas. Philipp Lahm. Parmi les capitaines des dix dernières équipes championnes du monde, cinq ont eu le temps de devenir sélectionneur national pour leur pays. Hier soir, ils étaient deux à se retrouver dans une bataille tactique, amicale toutefois : Dunga et Deschamps. Les deux milieux défensifs aux pieds éduqués qui avaient fait le bonheur de la Fiorentina et de la Juventus à l’époque d’une Serie A grandiose. Deux cerveaux mobiles qui savaient tout faire. Dunga mettait des transversales de l’extérieur. Deschamps, parfois, jouait déjà à l’espagnole. Parmi ces dix capitaines légendaires, seuls deux n’évoluaient pas dans l’axe : Cafu et Lahm, même si ce dernier aura aussi évolué au milieu l’été dernier. Tous ou presque étaient donc au centre du jeu. Pourtant, hier soir, c’est bien l’axe qui aura été négligé par les partitions des deux équipes.

Mirage de grandeur

Première minute. Les centurions français ayant regagné leur place dans les loges, l’attaque brésilienne part à l’assaut de la relance française. Willian ferme à droite, Oscar bloque à gauche. Firmino court tout au bout dans l’axe, Neymar court où il veut, et la paire Luiz Gustavo-Elias couvre le reste. Dès les premiers instants, Varane est forcé de passer par les pieds de Mandanda, qui ne s’avèrent pas si brûlants que ça, et laissent le jeu continuer sa route au sol. La France semble vouloir insister : entre Varane, Sakho et Mandanda, tout roule. Et puis, un ballon part un temps trop vite, et le Brésil met le pied dessus, prêt à partir « très vite devant » , comme l’a dit Deschamps. Parfois, on croirait revoir les images de la Coupe des confédérations 2013, lors de laquelle la paire Paulinho-Luiz Gustavo avait marché sur l’Espagne championne du monde.

Mais malgré Saint-Denis, ces Bleus-là ne sont pas champions, et le Brésil n’est plus le mirage de cette Coupe lointaine gonflée à l’angoisse patriotique de l’accueil du Mondial. Du côté français, le ballon ne remonte pas bien et le jeu respire trop peu, sauf quand ce magnifique Karim Benzema vient croiser son chemin, surtout dos au but. Serait-ce de la faute de la paire Évra-Sagna ? Du manque de repères de Schneiderlin ? Ou de la coexistence de la paire vertigineuse Sissoko-Matuidi ? Du côté brésilien, le ballon est souvent rapidement récupéré, mais rarement rapidement utilisé. Les manœuvres, lourdes au départ, s’allègeront au fur et à mesure que l’organisation et la fatigue française s’épuiseront. Mais il faut se méfier des conséquences hâtives venues d’un match amical pondu au milieu de l’intensité des compétitions européennes.

Dunga, hauts et bas

Certains noms ont changé, mais le schéma reste le même, mise à part l’absence de pointe fixe. En neuf mois, Dunga a-t-il eu le temps de donner naissance à une nouvelle logique collective ? Absolument. Mais la Seleção a une autre certitude : ce bébé n’est plus celui de Scolari. D’une, l’ex-milieu de la Fiorentina est parvenu à redonner de l’équilibre à la Seleção en mettant fin au règne des défenseurs. Sous Scolari, les manœuvres offensives étaient dictées par l’abus du jeu long de David Luiz et Thiago Silva, ainsi que par les positions élevées de Dani Alves et Marcelo. Résultat : Paulinho et Luiz Gustavo étaient constamment « sautés » . Hier soir, Filipe Luís et Danilo se sont contentés de leur rôle de défenseur latéral, et Thiago Silva et Miranda ont laissé Luiz Gustavo, Oscar et Neymar prendre la balle dans leurs pieds. Avec plus ou moins de succès.

Effectivement, de deux, la Seleção n’a pas progressé au niveau de la phase d’élaboration de ses actions, véritable désastre lors du Mondial. Face à un bloc français compact et bas lors des trente premières minutes, les Brésiliens semblaient en grande difficulté. Capables d’avancer ponctuellement à l’aide de la vitesse et des coups d’œil de certaines combinaisons entre Neymar, Oscar et Willian, ou alors via un long ballon de Thiago Silva, les Auriverde ne construisent pas de triangle au milieu. Ce Brésil ressemble encore à un bateau à vapeur rempli de charbon qu’on aurait poussé vers le large sans salle des machines. Lorsque cela va vite, c’est toujours grâce à la précipitation géniale des pieds d’un milieu offensif, mais jamais grâce à la structure collective de la flotte. Oscar est forcé de redescendre à la ligne médiane pour tirer le jeu vers le haut, alors qu’il devrait être plus souvent près de la surface en situation de le faire voler, comme sur le premier but. Et Filipe Luís doit jouer milieu gauche malgré les consignes de son coach. Mais alors, que serait ce Brésil avec Dunga à la place d’Elias ? Et Luka Modrić ?

Et un, et deux, et trois facteurs d’échec

Mais face à ce bateau bancal, l’organisation minutieuse des Bleus n’a pas suffi. Hier soir, il a manqué trois facteurs pour que les Bleus concrétisent leur bonne première demi-heure et renvoie le Brésil à son étude éternelle de l’équilibre avec un énième 3-0 dans les valises. Et un, les Bleus n’ont jamais réussi à maîtriser le ballon, fatiguer les Brésiliens et contrôler le rythme du match. Hier soir, le (peu de) jeu bleu s’est développé en attaques rapides lorsque les espaces se sont rendus, par l’intermédiaire de touches de balle vives de Griezmann, Valbuena et Benzema, et d’appels fous de Sissoko et Matuidi. Mais c’est tout. La balle a peu circulé, le baromètre est resté très bas, tout comme les latéraux et Schneiderlin. La France a tenté de construire avec trop peu d’hommes pour maintenir une domination constante. La faute aux limites techniques de Sagna et Évra, peut-être, mais aussi à un plan de jeu conservateur et au pressing brésilien.

Et deux, le milieu de Deschamps a souffert d’un paradoxe : le concept Matuidi-Sissoko, trop défensif sur le papier, s’est perdu par excès d’ambitions offensives. Lorsque les Bleus ont un petit peu souffert lors de la première demi-heure – et peuvent d’ailleurs remercier l’excellent Mandanda – c’était toujours dans la même configuration. À savoir récupération française, départ à une touche de balle entre Valbuena ou Griezmann et Benzema, et le déclic : Matuidi et Sissoko foncent vers l’avant, pleins de verticalité innée, de générosité et de sens du jeu. Seulement, hier, ils n’étaient pas couverts. Un 4-1-5, sérieusement ? La France s’est alors souvenue des critiques adressées à Deschamps pour les consignes jugées trop défensives de Pogba. Voilà pourquoi. Sans le recul d’un deuxième pivot, le quatuor offensif français est voué au déséquilibre. Hier en deuxième période, les Bleus ont souffert sur toutes les transitions.

Déséquilibre et géométrie

Enfin, trois, les Bleus manquaient tout simplement de bons pieds et de tête haute. L’aisance de Paul Pogba, bien évidemment. Mais aussi la mobilité et la générosité de Yohan Cabaye : le Parisien n’a pas forcément sa place, mais le rôle qu’il occupait n’a pas été couvert. Au Mondial, cela donnait 100 passes par match à eux deux. Hier soir, en partant du principe que Matuidi est installé dans ce rôle si spécial d’ « ailier gauche récupérateur » , Sissoko et Schneiderlin n’ont pas relevé le défi de la gestion de la possession. Et ce n’est pas vraiment de leur faute. L’Alsacien, d’abord, a donné quelques satisfactions : agressivité et justesse défensive sur l’homme, présence aérienne, relance. Sur les buts encaissés, il semble avant tout abandonné par un déséquilibre collectif. Et en phase offensive, c’est l’absence d’un milieu constructeur à ses côtés qui a fait défaut. Et puis, il faut ajouter qu’il est encore aligné à un poste qui n’est pas vraiment le sien. Sissoko, lui, n’avait pas les bons instruments pour réparer la fuite de possession française. Il ne les a jamais eus, en fait. Sans un milieu capable de dialoguer avec lui, Mathieu Valbuena a rajouté une passe décisive à son tableau de chasse, mais a échoué dans le jeu : parfois imprécis, souvent pressé, le Moscovite n’a pas dessiné les jolies géométries habituelles.

Il reste peu de temps avant que la période des essais ne se ferme définitivement, et pour Deschamps, « c’est bien d’être dans la difficulté, cela nous permet d’apprendre » . Si le sélectionneur le dit, c’est bien parce qu’il sait que cette difficulté est tout à fait ponctuelle et relative. Les idées sont encore là, mais en fonction des hommes, elles sont plus ou moins mises en lumière. Les Bleus savaient déjà qu’ils dépendaient de Benzema et Varane. Hier soir, ils ont appris qu’ils ne peuvent faire sans un milieu constructeur. En attendant les prochains amicaux, certains ambitieux croisent les doigts pour voir émerger un trio aussi futuriste que tentaculaire, sorte d’hommage à la fulgurance d’Abou Diaby : Imbula, Kondogbia, Pogba. D’autres, tout aussi romantiques, aimeraient voir Gonalons tenter sa chance devant la défense, au nom de la science du jeu. Toujours est-il que c’est dans l’axe, là où Pogba règne, que les Bleus se cherchent en son absence.

David Pereira da Costa, le dix de cœur du RC Lens

Par Markus Kaufmann

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