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  • Ligue des champions – Quarts de finale retour – Chelsea/PSG (2-0)

Les leçons tactiques de Chelsea-PSG

Par Markus Kaufmann
Les leçons tactiques de Chelsea-PSG

Thiago Silva n'en croit pas son masque. Le meilleur défenseur au monde, phare d'une défense conquérante tout le reste de l'année, a passé 90 minutes à défendre dans sa propre surface face à une équipe pourtant maladroite à l'élaboration du jeu. Le résumé de Matuidi est lucide au coup de sifflet final : « On n'aurait pas dû jouer si bas (…). On aurait pu garder le ballon un petit peu mieux. » Alors, José Mourinho a-t-il réalisé un coup de génie ? Ou Laurent Blanc a-t-il perdu le match tout seul ? Enfin, faut-il plutôt blâmer ses erreurs tactiques ou les performances de ses joueurs ?

Un jour, José Mourinho écrira peut-être un livre pour expliquer ce qui fait qu’il est capable de gagner un match de football avec n’importe quel effectif contre n’importe qui avec des longs ballons, des duels gagnés, des touches et des cafouillages. En illustration, il parlera longuement de ce Chelsea-PSG du 8 avril 2014. Si l’atmosphère de Stamford Bridge y est peut-être pour quelque chose, on ne peut s’imaginer que le PSG s’est transformé du jour en lendemain en une équipe dénuée d’intelligence tactique, s’adaptant sans broncher au schéma adverse avec un sourire niais, comme s’il ne comprenait pas ce qu’on était en train de lui proposer. Le symbole de cette supériorité restera David Luiz, l’homme aux innombrables erreurs tactico-neuronales, métamorphosé en monstre du milieu de terrain, capable à la fois de gagner le défi physique lancé par Matuidi et de penser à provoquer la suspension de Cavani en le faisant sortir de son match.

Que voulait faire Laurent Blanc ?

Défendre très bas, conserver le ballon quand c’est possible, et profiter des espaces. Peut-être que l’idée de Blanc était de maintenir le cap des 10-20 premières minutes, celles qui auront vu Lavezzi et Lucas anticiper les lentes manœuvres de la défense des Blues et intercepter plusieurs ballons. Une posture ni conquérante, ni lâche, qui aurait permis au PSG de faire ressortir le bloc à chaque maladresse londonienne. Après tout, il faut souligner que cela aurait pu marcher : Cavani et Lavezzi aiment jouer en contre, et le PSG a un grand gardien et de très grands défenseurs centraux. Cela a failli fonctionner, d’ailleurs. Et le début de match énorme de Lavezzi faisait croire à un bon choix. Mais cela n’a pas tenu plus de quelques minutes.

Forcément, une fois que Cahill comprend que Lucas et Lavezzi coupent les lignes de passe vers Azpi et Ivanović, il passe au-dessus pour aller chercher directement Hazard – puis Schürrle – et Willian. À cet instant commence le drame du PSG. Lavezzi et Lucas reculent, et Chelsea se donne le luxe de prendre le temps d’attaquer alors que les manœuvres de son milieu Lampard-David Luiz et de sa charnière centrale sont d’une lenteur inouïe. Ainsi, le PSG a non seulement pris le risque de ne pas jouer son jeu, mais a aussi permis à Chelsea de masquer ses défauts, à savoir un numéro 9 incapable de transcender son équipe et un milieu peu créatif. Dans cette configuration, Mourinho aurait même pu jouer avec un vaillant Mevlüt Erding en pointe et un Jérémy Clément courageux aux côtés de David Luiz.

Le choix de jouer en contre

S’il semble que Blanc a véritablement fait le choix de jouer le contre, et ne l’a pas subi, c’est parce que le PSG a paru organisé dans cette posture défensive. D’une, le pressing est lancé par Cavani, Matuidi et Verratti de façon systématique, dans les mêmes zones. De deux, Thiago Motta se charge de marquer individuellement Oscar entre les lignes, le suivant pas à pas dans l’axe, et ne participant pas à la récupération du ballon. De trois, la ligne défensive reste très compacte, et si Thiago Silva et Alex se chargent sans difficulté d’anesthésier le lion Eto’o, les latéraux parisiens font preuve d’une frilosité étonnante. Une frilosité qui ne pouvait être qu’ordonnée : Chelsea n’a jamais été mis en position de hors-jeu hier soir ! Résultat : le PSG n’attaque pas le porteur de balle, Oscar ne sort pas du marquage de Thiago Motta, et Chelsea est forcé d’attaquer par les côtés. Une bonne chose ? Non, quand on sait que c’est justement le seul endroit du terrain où les Blues sont nettement supérieurs aux Parisiens. Avec une défense si basse, Verratti et Motta se retrouvent dans l’impossibilité de s’associer avec leurs latéraux une fois le ballon récupéré, et déjouent (8 longs ballons chacun).

Qu’a fait José Mourinho ?

Jouer sur ses points forts et les points faibles de son adversaire, comme toujours. Dès les 10 premières minutes, Mourinho met en place son système de jeu, avec bien plus de facilité qu’il ne pouvait l’imaginer. Point de départ : le PSG défend très bas, donc les attaquants bleus peuvent se rapprocher sans réfléchir de la surface adverse. Premier mouvement : pas attaqué, Cahill lance un long ballon sur le côté gauche, Jallet met en touche, le ballon est remis sur Hazard, qui obtient aisément une faute à quelques mètres de la surface, et un coup franc dangereux pour Lampard. Quelques instants plus tard, bis repetita : David Luiz met dans le paquet un ballon plus axial, Alex dégage de la tête vers l’aile, Oscar gagne le deuxième ballon face à Jallet, provoque et obtient un corner. Le PSG subira sans broncher ce type d’actions durant toute la rencontre, en reculant de plus en plus, dans une surface que Mourinho remplira intelligemment d’attaquants. Ou comment commencer le match aller sans attaquant pour finir le retour avec trois purs avants-centres.

Des erreurs de couleurs et de style

À l’heure d’habiller son PSG, Blanc s’est non seulement trompé de style, mais il a aussi choisi des couleurs qui n’allaient pas ensemble. Le style, d’abord : le PSG est fort avec le ballon et dans l’axe, mais laisse la possession à Chelsea et à Mourinho le luxe de déplacer l’enjeu du match sur les côtés. En clair, le PSG a joué comme s’il était en infériorité numérique alors qu’il avait la supériorité technique. Les couleurs, ensuite : si le plan de jeu de Blanc était de jouer le contre, il semble aberrant qu’il n’ait pas fait de changement majeur par rapport au match aller. Évidemment, il est très facile de faire les comptes à la fin du match, et personne ne peut prévoir ce qui aurait pu se passer avec une autre composition. Mais si l’on se penche sur la théorie, pas moins de quatre changements semblaient cohérents avec le nouveau plan de jeu. D’une part, le jeu long et le goût du combat physique de Cabaye auraient été, théoriquement encore une fois, bien plus pertinents que Verratti dans cette configuration. L’Italien n’y peut rien : ceux qui blâment le petit Marco font inéluctablement penser aux socios du Barça qui ne comprenaient pas pourquoi Xavi était incontournable avant 2008, ou encore à Massimiliano Allegri, qui trouvait Pirlo inutile dans son milieu musclé à trois. Verratti a perdu des ballons, notamment sur l’action de la barre de Schürrle, mais dans une équipe qui ne veut pas la possession, Marco paraîtra toujours moins fort qu’un Willian ou un Schürrle. Et pourtant…

D’autre part, le choix de Javier Pastore aurait été plus logique que celui de Lucas pour aller marquer le but de la qualification. Lucas est vif. Lucas est rapide. Lucas est même fort physiquement. Mais en une seule passe, quatre minutes après son entrée, Pastore aura été plus dangereux que le Brésilien en 85 minutes. Et pourtant, Lucas n’a pas vraiment fait une contre-performance hier soir. Il a même fait ce qu’il fait depuis le début de la saison. Tant qu’il ne s’améliorera pas dans ses prises de décision et la dernière passe, Lucas Moura restera un bourdon : des airs de frelon, énormément de bruit, mais aucun danger. Ses percées font penser à une mâchoire de lion dans un corps d’animal herbivore. Inutiles. Car dans une telle configuration de contre-attaques, finir à 97% de passes réussies est un scandale. D’autant plus qu’avec le choix de Lucas, Blanc ne compense pas le vide laissé par l’absence de Zlatan dans l’axe, car Cavani, complètement absent, semblait avoir oublié comment faire remonter un bloc. Enfin, il faut se pencher sur le choix des latéraux. Si le PSG avait prévu de défendre si bas et si souvent dans les airs, Marquinhos avait alors un bien meilleur profil que Jallet pour tenir le côté droit, et l’explosivité de Digne à gauche aurait été plus utile que la sortie de balle de Maxwell. En théorie, encore une fois…

Le PSG aurait-il pu jouer autrement ?

Justement, les nombreuses sorties de balle exquises du camp parisien laissent penser que oui, avec plus d’ambition, Paris aurait pu aborder cette rencontre de façon conquérante, même au Bridge. Certes, il y a eu Naples en 2012. Et il y avait déjà eu le Barça de Guardiola en 2009, qui n’avait absolument pas mérité sa qualification à Londres. En fait, seul Mourinho avait réussi à aller gagner le retour à Stamford Bridge, avec l’Inter. Et si les Italiens avaient aussi concédé un certain nombre d’occasions, ils étaient parvenus à les limiter par leur conservation de balle. Non pas cette possession dogmatique pour s’assurer une place au paradis des gentils du beau jeu, mais plutôt la conservation intelligente de celui qui veut éloigner l’adversaire de sa surface et éviter de subir des coups de pied arrêtés dans la zone dangereuse.

Terry a admis que Mourinho avait préparé un plan de jeu pour chaque résultat possible : 1-0, 2-0, 3-1, etc. Au moment du but de Demba Ba, José prend même la peine d’aller voir son attaquant pour lui rappeler de suivre Alex quand il devient l’avant-centre parisien. À chaque instant, Chelsea savait ce qu’il fallait faire. Après, les performances individuelles et la chance sont entrées en jeu. Après, seulement. Mais mis à part le non-match de Cavani, le PSG n’a manqué ni des unes ni de l’autre.

Émerse Faé : « J'ai juste fait mon travail »

Par Markus Kaufmann

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