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Les leçons tactiques d’Arsenal-Barça

Par Markus Kaufmann, à l’Emirates Stadium
Les leçons tactiques d’Arsenal-Barça

Après 70 minutes combattues qui semblaient pouvoir accoucher d’un 0-0 capable de contenter aussi bien un Barça en manque de contrôle qu’un Arsenal sans finition, les hommes de Wenger ont finalement laissé filer le trident sud-américain au pire moment. C’est-à-dire à celui où ils semblaient réussir à capitaliser sur leur discipline défensive. Sans avoir eu besoin d’élaborer un jeu sophistiqué, le Barça de Luis Enrique a une nouvelle fois démontré qu’il maîtrise tous les registres. Malgré un plan de jeu concret et bien réalisé, Wenger et Arsenal ont connu une nouvelle nuit frustrante.

Highbury, le 12 mars 1974. À l’occasion d’une exhibition organisée en l’honneur de George Armstrong, tous les yeux sont braqués sur un Johan Cruyff flamboyant alors que le Barça éblouit l’Angleterre par son football futuriste : 1-3. Plus de quarante années plus tard, le talent des Blaugrana est toujours l’attraction de ses déplacements outre-Manche. En conférence de presse, Wenger parle même d’une « équipe presque parfaite » . Presque, parce qu’après 44 matchs, l’escouade de Luis Enrique a déjà encaissé 28 buts, soit le total de la saison passée en 60 rencontres. L’espoir est donc permis, malgré la raison. Tout Londres est persuadé d’avoir déjà vu le film, mais tout Londres y retourne avec le même enthousiasme naïf. Parce que si Wenger et Arsenal n’ont jamais éliminé le Barça, ce dernier n’a jamais gagné à l’Emirates. Et aussi parce que mardi, l’orgueil british n’a pas arrêté de se répéter que Messi n’a jamais réussi à marquer contre Petr Čech.

Mais si le décor est similaire, les acteurs ont (un peu) changé. En 2016, Arsenal assume parfaitement son aisance dans un football de transition décomplexé.

Si le Barça parvient à aller au bout de la compétition – ce qui serait historique – ce sera avec exactement le même onze que l’an dernier.

Fini les prétentions ibériques, le 4-2-3-1 qu’annonce Wenger est bâti pour les sorties de balles vives de Ramsey, la vitesse d’Alexis et Oxlade, le pilotage savoureux d’Özil et les remises de Giroud. Sans Cazorla, Arteta et bien évidemment Wilshere, le plan de jeu exige une discipline défensive irréprochable qui semble pouvoir se reposer sur la grande saison de Koscielny et le jeune retour (un mois) de Coquelin. Du coté du Barça, Luis Enrique pose ses pions avec la même confiance que la saison dernière. Si son équipe parvient à aller au bout de la compétition – ce qui serait historique – ce sera avec exactement le même onze.

Le film d’un premier acte ouvert

Mais s’ils connaissent leur texte par cœur, le début de match des Catalans est fait de maladresses et d’hésitations. Le pressing conservateur d’Arsenal – celui activé uniquement par Alexis, Giroud et Özil – est suffisant pour faire reculer Mascherano et Piqué. Et si les Gunners ne récupèrent pas le ballon en zone dangereuse, la moindre maladresse du Barça offre aux hommes de Wenger l’occasion de multiplier les démonstrations de sorties de balles. Après dix minutes brouillonnes faites d’intensité plus que de jeu, Masche se retrouve forcé à dégager le ballon au loin, Suárez, Rakitić et Alba ratent inhabituellement leurs transmissions, et ni Neymar ni Messi ne parviennent à trouver une prise pour transformer la possession barcelonaise en contrôle territorial.

Après 30 minutes, Arsenal a touché 11 ballons dans la surface adverse contre 2 pour les visiteurs.

Derrière, Koscielny gagne tous ses duels, Alexis bloque une percée axiale de Messi et il faut attendre la 15e minute pour voir Iniesta libre de dialoguer avec son trident. Dans sa zone technique, Luis Enrique s’agite et pousse ses défenseurs à ne pas reculer pour dessiner enfin une longue possession dans le camp adverse. Alors que la protection de balle patiente de Giroud et la vision instinctive d’Özil les mènent facilement à la surface adverse, les paroles d’Henry résonnent silencieusement dans l’Emirates : « Aujourd’hui Arsenal n’a plus besoin d’avoir le ballon pour gagner des matchs de football. » Après 30 minutes, Arsenal a touché 11 ballons dans la surface adverse contre 2 pour les visiteurs. C’est finalement par l’attaque directe que Luis Enrique parvient à faire définitivement reculer les Gunners.

Si Messi ne passe pas – sous les « Paie tes impôts ! » du public – et si Neymar n’est jamais dans les bonnes conditions pour accélérer (bon travail de Bellerín et Oxlade), Piqué trouve très facilement Alves dans le dos de Monreal. Et quand les Gunners repoussent ces tentatives de jeu direct, ils se retrouvent vite assiégés par la conquête des seconds ballons d’Iniesta et Rakitić, et la science de Busquets. Tant pis si Neymar et Suárez ne peuvent porter le danger, Super Busquets prend de l’avance sur ses devoirs et épuise déjà Özil et Alexis. Au bout d’une demi-heure, Arsenal montre d’ailleurs des premiers signes de fatigue, et ils n’ont pas réussi à marquer. Car avec le ballon, les canonniers se montrent inefficaces : les mauvais tirs de Ramsey (8e), Bellerín et Oxalde (22e) font grimper la frustration dans le nord de Londres. À la 37e, l’ultime menace de sprint d’Oxlade est anéantie par un tacle guerrier du chef Mascherano. Alors que Pep Guardiola est en train d’orchestrer une démonstration de domination territoriale à Turin, Luis Enrique utilise la possession pour faire souffler les siens et épuiser l’adversaire, sans danger ni élaboration.

Fatigue et faute tactique

Mais ça fonctionne. Mis à part un coup de casque de Giroud, les 5 dernières minutes de la première période et les 25 premières minutes de la seconde sont largement barcelonaises.

En première période, face à une équipe entièrement regroupée dans son camp, nous avons réussi à les fatiguer et à provoquer une énorme dépense d’énergie.

À la suite d’une répétition de corners, Piqué se permet même de rester aux avants postes durant quelques minutes, avec Jordi Alba en libéro de secours. Arsenal n’a plus le rythme pour accompagner les chevauchées d’Alexis ni la force pour donner du soutien à Giroud (puis Welbeck). Özil a beau réaliser quelques miracles de son coup de talon magique, ces quelques décalages ne suffisent pas. En conférence de presse post match, alors que la qualité de jeu de ses hommes est remise en question, Luis Enrique répond ainsi : « Je suis très, très content de notre prestation. En première période, face à une équipe entièrement regroupée dans son camp, nous avons réussi à les fatiguer et à provoquer une énorme dépense d’énergie. En seconde période, on savait que cette gestion nous offrirait plus d’espaces et de solutions. Et ça a été le cas. »

Effectivement, le Barça monte d’un cran dès la 40e minute et Suárez passe tout près de l’ouverture du score avant la mi-temps. Et si le film du match pouvait nous laisser croire qu’Arsenal avait encore son destin entre les pieds après 70 minutes de jeu, les chiffres donnent raison à Lucho. D’une part, le Barça a tenu le ballon deux fois plus longtemps que les Gunners (41’30’’ contre 22’08’’) et a tiré plus de deux fois plus (16 tirs à 7). D’autre part, en seconde période, la domination est sans partage : 10 tirs à 3, 5 corners à 0, et enfin 10 fautes commises à 5. Un chiffre insignifiant ?

On a eu deux ou trois opportunités pour les empêcher de développer l’action du premier but, et aucun de mes joueurs ne les a saisies.

Il est crucial. Sur l’action du premier but espagnol et cette construction Iniesta-Neymar-Suárez-Neymar-Messi, l’Atlético de Simeone, le Bayern d’Heynckes, le Chelsea de Di Matteo ou l’Inter de Mourinho – les derniers à avoir éliminé les Blaugrana – auraient trouvé l’énergie ou l’intelligence de réussir une faute tactique sur Neymar. Wenger voulait des musiciens en permanence « collectifs, résilients, solidaires, intelligents. » Il a obtenu les trois premiers adjectifs, mais il a manqué le tout dernier, le temps de quelques secondes. Alors que Piqué trouvera la lucidité pour aller chercher un jaune blanchissant à 0-1, les Gunners ont manqué de discipline (ou d’expérience ?) et c’est bien le gros regret qu’avance Wenger : « On a eu deux ou trois opportunités pour les empêcher de développer l’action du premier but, et aucun de mes joueurs ne les a saisies. »

Patience et vitesse

Le second regret de Wenger doit concerner le second but : une erreur technique de Mertesacker puis une erreur de jugement de Flamini (à peine entré en jeu) ont enterré tout espoir de miracle au retour. Enfin, le manager Français a un dernier regret moins ponctuel mais au moins aussi important : « On a manqué de patience à des moments inattendus. On a eu beaucoup trop de pertes de balles non provoquées par le pressing barcelonais » . Finalement, la seule composante où Arsenal a été régulier tout au long du match est celle du pourcentage de passes réussies : seulement 75% en première période et 76% en seconde. Un manque de maturité technique ? L’absence cruciale de Cazorla ? La dépense d’énergie qu’évoque Luis Enrique ? Ou alors l’énergie culturelle (et parfois négative) de ce public anglais poussant à aller toujours vers l’avant ?

Quelques secondes avant l’ouverture du score de Messi, alors qu’Arsenal développe un jeu de position, le stade gronde et pousse à l’attaque.

Si le jeu catalan n’est plus aussi poussé que sous le règne de Pep, personne n’a encore trouvé les moyens de l’empêcher de gagner.

Un centre pressé plus tard, les Anglais se font cueillir par El Tridente qui part signer un chef-d’œuvre de contre sous la banderole « Football should be an art » coiffée du visage de Wenger. Comme une fourchette géante, ce trident n’a pas besoin d’être aiguisé pour embrocher ses proies. Et si le jeu catalan n’est plus aussi poussé que sous le règne de Pep, personne n’a encore trouvé les moyens de l’empêcher de gagner. « Dans le football, on sait tous qu’il faut savoir dominer tous les registres… » , dira Luis Enrique pour refermer le faux-débat d’un Barça maître du contre. En 1974, le Times écrivait que « le jeu des Azulgrana a produit du vertige par la vitesse de son initiative » . Hier soir, l’Emirates a chaviré une seule fois. Et cela a suffi pour faire couler le navire.

La différence Luis Suárez

Observer Luis Suárez au stade a toujours été un spectacle à part entière, pour des raisons artistiques évidentes. Parce qu’il est toujours fascinant de voir un homme se livrer corps et âme au nom d’un combat. Parce que la brutalité du sport est belle et captivante.

Quand Messi marque sur penalty, Suárez bondit et frappe à nouveau le ballon dans les cages de Čech. Le Barça mène 2-0, mais ce n’est pas assez pour Suárez.

Et parce que l’intelligence instinctive de ses déplacements est un chef-d’œuvre permanent déguisé sous le costume d’une répétition d’initiatives spontanées. Suárez court partout. Suárez part se coller aux quatre défenseurs de l’équipe adverse. Sur chaque remise en jeu adverse, Suárez agite ses bras et crie sur ses coéquipiers pour exiger un pressing aussi agressif que possible. Suárez se plaint de l’arbitrage à chaque instant, fixe le public droit dans les yeux et a toujours un mot pour ses adversaires directs. Quand Messi marque sur penalty, Suárez bondit et frappe à nouveau le ballon dans les cages de Čech. Le Barça mène deux à zéro, mais ce n’est pas assez pour Suárez. Parce que ce n’est jamais assez. Une énergie contagieuse, la générosité de Samuel Eto’o, l’humilité de David Villa et une soif de victoires inimitable. Si Suárez est discret dans le jeu barcelonais et contribue à la baisse d’élaboration de la possession blaugrana, l’Uruguayen a démontré hier soir à Londres qu’il est aussi l’élément perturbateur qui nourrit discrètement l’ambition d’un groupe qui, sans lui, serait peut-être trop habitué à gagner.

Dans cet article :
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