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Les grands entraîneurs sont-ils les meilleurs psychologues ?

Par Nicolas Jucha
Les grands entraîneurs sont-ils les meilleurs psychologues ?

Pep Guardiola, José Mourinho, Sir Alex Ferguson, Brian Clough... Tant d'entraîneurs avec des philosophies de jeu différentes mais qui ont connu le succès presque partout où ils sont passés. Leur point commun ? De grandes aptitudes à gérer l'état d'esprit de leurs joueurs. Et si être fin psychologue était le secret de la réussite en football ? Réponse avec un professionnel de l'INSEP.

« Il n’y a pas de place pour la critique sur le terrain d’entraînement. Pour un joueur – et pour n’importe quel humain – il n’y a rien de mieux qu’entendre « bien joué ». Ce sont les deux meilleurs mots jamais inventés en sport. Vous n’avez pas besoin de superlatifs. » Entraîneur qui a tout gagné, Sir Alex Ferguson n’a aucune leçon de management à recevoir, mais au contraire beaucoup à donner. En décembre 2012, quand il s’adressait à des étudiants d’Harvard pour expliquer ses secrets de gestion humaine, l’Écossais faisait de la psychologie une nécessité dans la réussite collective au plus haut niveau. Comme lui, de nombreux entraîneurs modernes se sont révélés fins psychologues autant que tacticiens : Pep Guardiola avec un montage vidéo extrait de Gladiator avant la finale de Ligue des champions 2009, José Mourinho coinçant Frank Lampard à la sortie de sa douche simplement pour lui dire « tu es le meilleur joueur du monde » en 2004, ou encore Brian Clough, le premier vrai spécialiste du choc psychologique.

Brian Clough, le roi du choc psychologique

Actuel entraîneur de Burnley, Sean Dyche a débuté comme joueur à Nottingham Forest sous la houlette de la plus grande gueule que le foot britannique ait connue : « Je me souviens qu’en pleine série de défaites, plusieurs jours avant un match important, il est arrivé à l’entraînement et nous a simplement dit : « Bon, on se voit samedi au stade, salut ! » Aucune consigne, aucune préparation, et on a gagné 1-0. » Pour celui que les médias anglais surnomme le « Mourinho roux » , le talent premier de Clough n’était pas technique, mais bien mental : « Il savait comment modifier l’état d’esprit de ses joueurs, quand relâcher la pression, quand la mettre. Si on pense rationnellement, ce n’est pas si idiot : les résultats n’étaient pas là, donc il a généré un choc psychologique. Plus d’une fois je l’ai vu nous engueuler après une victoire 3-0 ou nous féliciter après une défaite. Il savait juste comment maintenir l’état d’esprit. »

Responsable de l’unité psychologie du sport à l’INSEP, Cédric Quignon-Fleuret en a la certitude : la psychologie est l’une des clés de la réussite au plus haut niveau, même si pour lui, les méthodes à la Brian Howard Clough sont « dans certains cas de l’expérimentation » . Pour le psychologue clinicien, « à partir du moment où on essaie de jouer sur des ressorts psychologiques, cela peut fonctionner comme être contre-productif » , d’où l’importance de différencier deux choses : l’action ponctuelle d’un coach qui veut générer le fameux « choc psychologique » et « un suivi psychologique encadré par des spécialistes » , qui permet notamment à certains joueurs de faire part de leurs problèmes personnels dans des « espaces d’écoute » .

Les joueurs de 2015 plus fragiles que ceux de 1990

Dans ce second cas, Cédric Quignon-Fleuret recommande d’intégrer au staff technique un intervenant spécialisé dont la fonction « ne doit pas être technique ni dans la provocation d’une réaction chez les joueurs, mais seulement dans l’analyse, la mise en place de méthodologies d’accompagnement d’un individu pour le rendre capable de résoudre par lui-même un certain nombre de problématiques » . Notamment les problématiques sociales du joueur moderne, « beaucoup plus protégé et donc fragile qu’il y a 25 ans » selon Sir Alex Ferguson. Plus protégé tout en étant exposé à plus de pièges selon Cédric Quignon-Fleuret : « Le football, c’est un monde à part, avec de grosses sommes d’argent qui peuvent arriver très jeunes. Il y a aussi une médiatisation largement supérieure à la réalité des autres sports. Les réalités des sportifs de haut niveau en football n’ont rien à voir avec celles de la plus grande partie des autres disciplines. » D’où l’importance croissante pour les entraîneurs aujourd’hui de ne plus se limiter au technique et au terrain, car comme le dit Sir Alex Ferguson, « vous ne pouvez pas perdre le contrôle quand vous gérez trente joueurs de haut niveau qui sont tous millionnaires. »

« Quand on dit que certains coachs sont de grands psychologues, on parle d’entraîneurs qui arrivent à comprendre les sentiments intimes de leurs joueurs, qui comprennent comment ils fonctionnent, et quels types de « provocations » peuvent générer des réactions positives » analyse Cédric Quignon-Fleuret. Il y a peu, l’ancien milieu offensif de Nottingham Forest Garry Birtles nous avait révélé un détail presque anodin, mais révélateur de l’acuité de Brian Clough : avant la finale de C1 contre Malmö, l’entraîneur demande à son joueur d’aller se raser. « C’était ma première finale, j’étais très nerveux. Je ne me rasais jamais avant un match, mais Brian Clough est venu me voir et m’a envoyé me raser à l’étage. Il voulait juste me faire penser à autre chose. » Les Anglais remportent le trophée, et Clough renforce sa légende.

Cédric Quignon-Fleuret (INSEP) : « Les meilleurs dirigeants doivent savoir user de psychologie »

Pour Cédric Quignon-Fleuret, il est clair que « certains entraîneurs ont des prédispositions au niveau du ressenti psychologique, des sensibilités accrues, mais il y en a aussi qui travaillent, se renseignent… » Et donc s’entourent ou discutent avec des psychologues professionnels pour mieux appréhender cet aspect de la préparation. « Les dernières générations d’entraîneurs sont plus sensibilisées à la dimension psychologique de l’entraînement et de la performance, mais cela reste très différent d’une fédération sportive à l’autre et peu développé dans le monde du football : les techniciens à qui j’ai pu parler admettaient l’importance du facteur psychologique, mais m’expliquaient qu’il n’y avait pas beaucoup d’intervenants spécialisés dans les clubs. »

Que cela soit volontaire ou subi, la psychologie n’en reste pas moins omniprésente dans le sport de haut niveau comme dans tout autre secteur d’activité. Et donc dans le travail de l’entraîneur : savoir prendre de la distance ou établir une complicité avec ses joueurs, privilégier les discours collectifs ou les discussions individuelles, calmer les hommes ou les inciter à la révolte avant un match… « Pas seulement dans le sport, mais dans tous les secteurs, les meilleurs dirigeants doivent savoir user de psychologie » , résume Cédric Quignon-Fleuret. Et parfois, savoir faire passer la psychologie au-dessus de tout, y compris des règles du groupe ? Sir Alex Ferguson : « Un de mes joueurs a été expulsé à plusieurs reprises. Il dépassait les limites quand il en avait l’opportunité, même à l’entraînement. Puis-je lui retirer ce trait de personnalité ? Non. Est-ce que je le veux ? Non, car si je lui retire son agressivité, il n’est plus lui-même. Il faut juste accepter qu’il y ait certains failles qui contrebalancent toutes les grandes choses qu’il peut faire. » Plus que de la psychologie, de la sagesse ?

JO : l’important n’est ni de gagner ni de participer

Par Nicolas Jucha

Propos de Sean Dyche et Cédric Quignon-Fleuret recueillis par Nicolas Jucha, ceux de Sir Alex Ferguson extrait du Guardian

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