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Les couilles d’or de Javier Mascherano

Par Markus Kaufmann, à Buenos Aires
Les couilles d’or de Javier Mascherano

La dernière fois que l'Argentine était tombée folle amoureuse de sa sélection nationale, c'était en 1986. Le coup de foudre était signé Diego Maradona, ses cheveux longs et sa grande gueule. Au Brésil, les Argentins se sont à nouveau laissés porter par une vague de fierté nationale. Mais alors que l'on attendait Leo Messi et les Quatre Fantastiques, la mobilisation est née autour d'un symbole cette fois-ci chauve et discret : l'autoritaire et le courageux Javier Mascherano. Ne pas remporter de trophée individuel n'a pas empêché le numéro 14 de devenir inoubliable.

São Paulo, le 9 juillet 2014. L’Argentine et les Pays-Bas se battent pour une place en finale de Coupe du monde. On joue la 27e minute, et Alejandro Sabella se cherche des cheveux comme s’il venait de voir passer la mort, ou plutôt comme si Arjen Robben venait d’ouvrir le score d’un enroulé du pied gauche. Quelques secondes plus tôt, l’arrière du crâne de Georginio Wijnaldum percute le haut du front de Javier Mascherano. El Jefecito reste debout, fait sept ou huit pas hasardeux, essaye d’attraper le bras de son adversaire, puis s’écroule la tête dans la pelouse, inconscient. Alors que Leo Messi est le premier à appeler les médecins, Sabella jette un coup d’œil rapide aux schémas que lui propose son assistant Julian Camino. Il semble paniquer. Le constat est facile à deviner : Mascherano est irremplaçable, étant à la fois l’âme du groupe, le guerrier du milieu et le cerveau de l’équilibre tactique de l’Albiceleste. « Le leader d’une meute de loups » , comme le décrira Bastian Schweinsteiger à la veille de la finale. Alors que la civière entre en scène, Mascherano finit par se lever, rejoignant le bord du terrain alors que Dirk Kuyt, ex-coéquipier et ennemi d’un jour, vient l’encourager. Masche secoue sa tête dure et repart au combat. Une heure et demie plus tard, il sera élu homme du match.

Le grand football sans ballon

Si le Ballon d’or devait être décerné au plus grand héros de l’année, 2014 proposerait un casse-tête aussi solide que la défense de l’Atlético de Diego Simeone. En premier lieu, l’année nous a proposé les héros de tous les week-ends, Cristiano, Messi et Ibrahimović, surpassant les limites humaines et sportives de cette notion aussi absurde que leur talent : la « régularité dans l’exploit » . À ce jeu-là, pour les chiffres et les trophées, le Portugais a remporté la manche 2014. Puis, il y a eu les héros des plus grandes scènes, du bon moment. Manuel Neuer qui s’invente des poings d’acier pour sauver les dix dernières années brillantes du football allemand. James Rodríguez qui joue une Coupe du monde au Brésil comme s’il jouait avec une canette en bas de chez lui. Luis Suárez qui, sur un seul genou, élimine l’Angleterre et l’Italie avec spontanéité, vice et génie (et Diego Godín). Ángel Di María et Sergio Ramos qui secouent un Real Madrid pauvre en idées de jeu en finale de C1. Comme tous les ans, nous avons aussi vu des grands champions : Diego Costa en Espagne, Yaya Touré en Angleterre, Andrea Pirlo en Italie, Philipp Lahm dans le monde. Et enfin, il y a eu Javier Mascherano. Un héros qui n’a rien gagné. Ni sur le plan collectif ni sur le plan individuel.

Retour à São Paulo, plus exactement à la dernière minute du temps réglementaire. Arjen Robben trouve enfin un espace, et le divin chauve arme une frappe à bout portant. Sergio Romero, pris à découvert, ferme les yeux. Quelques secondes plus tôt, le gaucher à l’allure de ptérodactyle s’était faufilé dans la surface argentine, entre Garay et Demichelis, lancé par la déviation subtile du talon de Wesley Sneijder. Si Robben paraît à la fois si soulagé et si pressé, et qu’il pousse son ballon un petit peu trop loin sur son dernier contrôle, c’est certainement parce qu’il est étonné de ne plus voir l’ombre de Javier Mascherano sur ses pas. Alejandro Sabella avait tout misé sur la science tactique de son numéro 14 : placé entre Rojo et Lavezzi, le joueur du Barça avait reçu comme consigne d’annuler le rendement du gaucher volant. Mission accomplie à la fin de la première mi-temps : une passe réussie pour Robben, et c’est tout. Parce que tout le reste a fini dans les pompes jaunes du caudillo sud-américain. Mais cette fois-ci, à la 90e, Robben est passé. Et alors que Sergio Romero ferme les yeux et tend les mains, Masche court après le numéro 11, se jette au sol, tacle et coupe miraculeusement la trajectoire du ballon, qui file en corner. Une action sans ballon, comme un joueur à poil. Le lendemain, le sauveur de la patrie déclarera s’être « cassé le cul pour atteindre le ballon » . L’action héroïque d’une Coupe du monde mythologique.

Une vocation défensive sans voix

Cette saison, la liste des 23 sélectionnés pour le Ballon d’or est composée de deux gardiens (Courtois et Neuer), un central (Sergio Ramos), les polyvalents Philipp Lahm et Javier Mascherano. Au-delà de ces cinq spécimens, le joueur le plus défensif est Bastian Schweinsteiger, ou Toni Kroos, et pas plus. Car le Ballon d’or est un trophée réservé aux buteurs flamboyants, joueurs offensifs claquants et autres joueurs-marques. Le but a des vertus marketing que les tacles et le placement n’auront jamais, et il est difficile d’attirer l’attention sans avoir le ballon. Historiquement, depuis 1956, le trophée a récompensé 5 fois les saisons grandioses de joueurs à vocation défensive : Lev Yachine en 1963, Franz Beckenbauer en 1972 et 1976, Matthias Sammer en 1996 et Fabio Cannavaro en 2006. C’est moins d’une fois tous les 10 ans. Cette année, pourtant, ce sera peut-être Manuel Neuer, et cela aurait pu être Philipp Lahm. Pour sa compréhension du jeu exceptionnelle, qui lui aura permis de faire au cours du même match à la fois le Dani Alves et le Xavi du Bayern de Pep Guardiola. Ou simplement pour son leadership au sein de la Mannschaft depuis dix ans. Mais pour que cela devienne imaginable, Lahm aurait dû marquer un but. Deux buts thuramesques en demi-finale n’auraient probablement même pas suffi. Il aurait fallu que Lahm, en plus d’être le meilleur, soit aussi le Götze de 2014. Le buteur unique de la plus grande des finales, convoqué dans la liste des 23 malgré son statut de remplaçant des phases finales. Contre le Brésil, dans le match de l’année, il n’est même pas entré en jeu.

Alors que Sergio Romero et Jasper Cillessen s’approchent des cages du destin à la fin du temps réglementaire de la demi-finale Pays-Bas – Argentine, Mascherano le capitaine sans brassard s’approche de « Chiquito » et prononce ces mots que toute l’Argentine – femmes et enfants compris – répétera pendant des semaines : « Aujourd’hui, tu vas devenir un héros » . Dans le vif, les caméras enregistrent un instant qui aurait peut-être été révélé seulement vingt ans plus tard par un Romero gros et vieux, au cours d’un entretien donné pour arrondir ses fins de mois. Mais nous sommes en 2014, et les caméras savent lire sur les lèvres. Mascherano devient une star pour tous ces leaders qui parlent plus dans l’intimité du vestiaire que devant la presse, tous ces Baresi, Zanetti, Puyol et Hierro, tous ces anti-Ballon d’or. Alors que tout le monde attendait la confrontation entre les deux buteurs sublimes Messi et Robben, Masche est élu homme du match pour s’être relevé, avoir éteint Robben, avoir signé l’action défensive du Mondial, et enfin pour avoir fait entrer son gardien dans un autre monde. Quatre coups d’éclat, tous sans ballon. Le quotidien argentin Olé lui donnera la note maximale de 10.

Les Quatre Fantastiques et le « joueur d’échecs en short »

Un héros est né : le jour de la finale, Buenos Aires se remplit de maillots floqués du numéro 14, les vidéos et les partages des montages représentant Masche en Rambo, Leonidas ou William Wallace deviennent viraux. Le magazine El Grafico choisit de faire de Mascherano la couverture de son numéro bilan. « L’effet Mascherano » . Pas de trace des Quatre Fantastiques, pas de trace de Messi. Les offensifs sont tous arrivés flamboyants et repartis humains. Di María, d’une blessure musculaire. Agüero, d’une condition physique fébrile. Higuaín, par peur devant la grandeur, et par malchance. Et Messi, par destin, ou autre chose. Finalement, le seul à avoir engendré des effets spéciaux, c’est Masche. En 2006, capitano Fabio Cannavaro avait réalisé une série de sept matchs de Coupe du monde sans erreur, et sans ballon. Le gladiator en short avait gagné un Ballon d’or. Capable d’équilibrer une Albiceleste qui ne tenait pas debout, Mascherano a plutôt été décrit comme un « joueur d’échecs en short » . Mais il ne gagnera pas de Ballon d’or. En fait, il a déjà été récompensé par cette formule le lendemain de la finale perdue dans le quotidien argentin Olé : « Médaille d’argent, couilles d’or » .

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Par Markus Kaufmann, à Buenos Aires

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