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Lemerre par Leclerq

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Lemerre par Leclerq

En 2002, Roger Lemerre a quitté la France sans tambour ni trompette. C'est le moins que l'on puisse dire. Le président Ben Ali ne regrette certainement pas de lui avoir offert l'asile : victoire à la CAN 2004, qualification au Mondial 2006... Roger fait le job, comme on dit. Paraîtrait même que dans ses poches de survêt il a des antisèches pour neutraliser Samuel Eto'o ce soir. Daniel Leclerq sera forcément devant sa télé. Le messie de Bollaert connaît son Roger sous toutes ses coutures : il a été son adversaire puis son coéquipier ; l'a eu comme coach avant d'être son adjoint. A l'occasion d'un portrait paru dans le cahier Libé-So Foot lors du mondial allemand, le Druide nous avait longuement parlé de son "maître". Interview, donc...

Quel est votre premier souvenir de Roger Lemerre ? C’est quand j’ai débuté à Valenciennes, j’avais 17 ans et demi et les anciens parlaient de ce joueur de Sedan avec beaucoup de respect. J’ai ensuite joué contre lui. Pour moi, ça a été un exemple avant même de le connaître…Il avait une notoriété, c’était une référence en terme de professionnalisme, de sérieux, de rigueur. Quand on est jeune, on a besoin d’exemples, pour moi il en a été un. C’était un joueur élégant, facile d’une certaine manière. Son gabarit et ses immenses possibilités physiques lui donnaient un côté au dessus du lot, c’était presque humiliant pour ses adversaires, et il en jouait…Il avait une grande faculté à couper, rattraper, relancer…

Vous avez ensuite joué avec lui à Lens, à la fin de sa carrière… Effectivement. Bien avant de devenir mon maître, quand j’étais son adjoint en 97, je savais déjà, pour avoir joué avec lui et l’avoir eu comme entraîneur, que c’était quelqu’un qui rassemblait toutes les qualités humaines nécessaires dans un groupe. Il était intelligent, il voyait pointer la fin de sa carrière et se préparait d’une certaine manière déjà à l’après en prenant ses responsabilités, en s’attachant aux jeunes… Quand je suis arrivé de Marseille à Lens, il venait me chercher pour aller aux entraînements et me ramenait à la maison. Au premier entraînement, on est allés en forêt pour une heure de footing. Le groupe est parti devant, Roger m’a dit : « Viens avec moi, je vais te montrer le bois » . J’ai donc avant tout connu le coureur de fond ! Quand j’ai connu un pépin physique, il a joué avec moi les préparateurs pour me remettre d’aplomb, jusqu’à ce que je sois guéri…

Tout le monde le décrit comme un type increvable, qui ne s’arrêtait jamais… C’est pas faux. Un jour il me dit : « Tu joues au tennis Daniel ? » Je lui réponds que non, mais que j’aime bien regarder à la télé. Et lui me dit : « Allez viens, on va jouer quand même » . Tous les cours étaient pris alors on a tapé la balle sur la piste d’athlétisme. Les gens nous prenaient pour des fous !

Il a quand même fini par raccrocher… Oui, mais il a eu un comportement exemplaire pour sa dernière année à Lens, on ne reverra plus jamais ça, c’est lui qui a assumé tout le début de saison, et surtout la cohésion du groupe…Alors il était très déçu de ne pas avoir disputé la finale de la Coupe de France. Il n’a pas eu son jubilé, il ne méritait vraiment pas ça.

Il est parti entraîner au Red Star et il est revenu à Lens. Il y a été votre coach, mais ça n’a duré qu’une saison… Oui, et il s’était beaucoup appuyé sur moi…Il nous a fait monter, ça a été très cruel de ne pas le garder. Il a eu des problèmes, a dit quelques vérités qui n’ont pas plu. On a un peu le même parcours, c’est ce qui m’est arrivé avec Valenciennes l’an dernier…C’est injuste, pour ne pas dire plus. Mais il ne fera jamais voir sa déception, quand il a de la peine il dit que tout va bien, mais en fait il en a gros sur le coeur. On est fait pareil, même s’il est au-dessus de moi…

Vous voulez dire que derrière le militaire se cacherait un romantique ? Un peu, oui. Chez lui il y a la rigueur, l’exigence et aussi la corde sensible, l’affectif. Roger c’est un affectif… Vous saviez qu’au Red Star, il a assuré les payes de certains joueurs ? Moi aussi je suis un affectif et je ne le regrette pas. Il y a ceux qui parlent derrière un micro de tout et de rien, et ceux plus terre à terre comme lui ou moi, qui jouent au foot et pensent le foot avec le coeur.

Vous étiez donc faits pour travailler ensemble. Et c’est ce qui s’est passé quand en 97 quand Roger est revenu à Lens pour sauver le club de la descente… Eh oui. Quand Lens m’a proposé de succéder à Roger, je l’ai appelé et je lui ai demandé combien je pouvais demander comme rémunération. Il m’a donné un chiffre et il m’a dit : « Surtout tu ne demandes pas de primes de match. Le salaire, et point final » . Partout où j’ai été, j’ai fait pareil : la prime de match, c’est le bonheur des supporters. Et pourtant en 98, si j’en avais eu, ça aurait été le jackpot !

Et quel regard vous portez sur le Lemerre sélectionneur des Bleus ? Vous savez, moi à Lens à un moment je me suis dit que c’était très difficile de se remobiliser…Roger, il aurait dû partir après le championnat d’Europe, en tout cas avant la Coupe du Monde. Il serait revenu, on l’aurait rappelé après !

Vous voulez dire que ça ne servait à rien de rester, qu’il ne pouvait qu’échouer ? A un moment donné, on n’a plus les moyens de redresser la barre. On dit qu’il a perdu la main, je ne sais pas si c’est lui…Du jour au lendemain, il est devenu sur la réserve alors que sa nature, c’est d’être 100 % positif, quelles que soient les situations ou les problèmes…C’est qu’il y a eu un problème quelque part.

Lequel ? Je ne sais pas exactement. Tout ce que je peux dire c’est que s’il s’était dit que c’était de sa faute cet échec en coupe du monde, il aurait démissionné. Il ne l’a pas fait. Des joueurs qui ont fait la Corée (sic), je suis sûr qu’aucun ne vous a dit que c’était de sa faute. Ils n’étaient pas dans le contexte, c’est tout. Ils étaient dépassés de partout, les trois matchs qu’ils ont disputés étaient affligeants. Ils étaient trop favoris, trop sûrs d’eux peut-être. Et le discours de Roger – « C’est bien mais il faut que ce soit encore mieux, il faut se remettre en cause » – n’est pas passé, les joueurs n’étaient pas prêts à entendre ce message…

Lemerre aussi était peut-être un peu blasé, non ? Non. Roger, il a réussi des trucs avec des équipes de guerriers dans des clubs simples, là ils étaient favoris, son discours tenait toujours, seulement le moteur avait l’air de bien tourner, il y avait de l’huile, mais pas l’essence. L’essence c’est le coeur, c’est lui qui donne la direction, et c’est pas l’entraîneur qui peut en mettre de l’essence, ce sont les joueurs.

Il a quand même su rebondir… Oui, mais Roger, la Corée il ne l’a pas digérée et il gagnerait demain avec la Tunisie qu’il ne le digérerait toujours pas…Il en veut certainement en priorité à la FFF, s’il a perdu la main c’est à cause d’elle, puisqu’elle n’a rien fait pour favoriser le fait qu’il reprenne le contrôle, il s’est retrouvé tout seul à gérer et à assumer une situation dont il n’était pas responsable. Pour lui, il y a eu un avant et un après 2002, c’est clair. Mais nous deux, on se sent, on se devine. Si demain je repartais dans le foot ce serait avec lui. Vous savez, on en a connu des déceptions mais on s’en sert toujours pour s’améliorer.

{ {Propos recueillis par Vincent Riou }}

David Pereira da Costa, le dix de cœur du RC Lens

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