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Le socialisme selon Slaven Bilić

Par Maxime Brigand
Le socialisme selon Slaven Bilić

Partout où il est passé, il était différent des autres. Sauf qu'il a aussi souvent réussi. Troisième de la Coupe du monde 1998 avec la Croatie, Slaven Bilić est ensuite devenu un entraîneur respecté en Europe et une icône aujourd'hui à West Ham. Peut-être simplement car il ne voit pas les choses de la même façon que ses semblables. Plongée dans un cerveau.

Slaven Bilić ne s’est jamais assis, que ce soit sur un terrain ou derrière une ligne. Il préfère parcourir sa zone technique, courir le long d’une ligne ou encore embrasser ses joueurs. Vivre son match, tout simplement. Avec lui, c’est toujours un peu plus qu’un match de football. Devant lui, toujours un peu plus que des joueurs. C’est une philosophie, un idéal et une façon de penser. Sur un terrain, Bilić était déjà plus qu’un pion : c’était un cerveau, de loin le plus développé de ses équipes, et un homme de lutte. Le résumer à sa simulation contre la France le 8 juillet 1998 qui a provoqué l’expulsion de Laurent Blanc serait l’insulter. Lui affirme n’avoir « jamais été un tricheur » , c’est tout simplement un joueur.

Il ne jure que par ça : le plaisir du jeu, la quête de la joie, et parle souvent d’amour. Mais surtout, l’entraîneur croate fascine, car il a réussi à refaire de West Ham une place attractive, au point que plusieurs observateurs n’ont pas hésité à affirmer la saison dernière « avoir envie d’acheter un abonnement pour voir jouer l’équipe de Bilić » . Cela a toujours été son objectif, car sa quête a toujours été de donner envie et de rendre ce qu’on lui donne.

En réalité, mon boulot n’est pas vraiment différent de celui d’un directeur de banque. On a tous les deux un objectif à atteindre. Il veut gagner beaucoup d’argent, je veux gagner des trophées.

Voilà ce qu’il disait à son arrivée sur le banc de West Ham : « En réalité, mon boulot n’est pas vraiment différent de celui d’un directeur de banque. On a tous les deux un objectif à atteindre. Il veut gagner beaucoup d’argent, je veux gagner des trophées. Nous avons un groupe de jeunes joueurs, motivés, avec un staff expérimenté et on aime travailler. On doit simplement les rendre heureux, s’assurer de leur motivation. Parfois, vous devez prendre des décisions quand ils font des erreurs, occasionnellement vous devez vous séparer de l’un d’eux pour atteindre votre objectif. Mais la seule différence qui existe est que le directeur de banque travaille en paix. Moi, j’ai des millions de personnes qui me regardent à mon boulot. Les supporters prient pour que je réussisse ou veulent me filer la peste. Voilà la réalité. » Ici, peu de tactique, de vidéos, simplement de grosses convictions.

De la représentation de Split

Car Slaven Bilić est avant tout un homme de Split avec tout ce que cela implique. « Il faut comprendre la nature de cette ville : on parle là d’un bouillon de culture et de passion. Ce qu’est devenu Slaven est un concentré de ce que Split peut offrir. Il a joué à l’Hajduk, il s’est battu pour le bonheur de nombreuses personnes et il a gardé dans le sang ce que Blažević lui a mis en tête pendant des années » , explique Dražen Lalić, professeur de sociologie à l’université de Zagreb et auteur d’un ouvrage référence sur l’histoire de l’Hajduk Split. À comprendre, d’abord, les discours de Miroslav Blažević, sélectionneur de la Croatie troisième en 1998, dont les mots teintés de nationalisme résonnaient alors comme ceux d’un homme en mission à une époque où les footballeurs croates étaient considérés comme « la première vitrine du pays à l’international » selon les mots du président de l’époque, Franjo Tuđman. Bilić, lui, voit davantage le foot comme un vecteur social.

Dans un club, on peut trouver une manière de fonctionner où chacun prend sa part de responsabilité, où tout le monde reçoit les bénéfices : les joueurs, le staff, les jardiniers, le cuisinier, les intendants… Mais socialiste… socialiste… Je ne suis pas Lénine !

Il se dit souvent « socialiste » , mais pas dans « le sens d’une alternative ou en opposition au capitalisme. Dans la Yougoslavie de mon enfance, où l’étiquette socialiste signifiait communiste, tu ne pouvais pas croire en Dieu. Moi, je suis croyant, et parallèlement, j’ai une conscience sociale. Je crois notamment que dans un club, comme dans n’importe quel groupe, société, on peut trouver une manière de fonctionner où chacun prend sa part de responsabilité, où tout le monde fait son boulot et où tout le monde reçoit les bénéfices, sa part de plaisir. Pas seulement moi, les joueurs, le staff, mais aussi les jardiniers, le cuisinier, les intendants… Voilà ce que je voulais exprimer… Mais socialiste… socialiste… Je ne suis pas Lénine ! »

« Je ne peux pas sauver le monde »

Reste que Bilić intrigue, car il est surtout une anomalie. On parle ici d’un homme cultivé, qui possède une licence de droit, dont le papa est doyen de la faculté de droit de Split et qui parle de foot avec philosophie. « Si tu sais partager ce que tu possèdes, tu vis tranquillement et avec honneur. Je suis un socialiste convaincu en ce sens. Je sais que je ne peux pas sauver le monde ; mais s’il faut se battre contre l’injustice, je préfère être toujours en première ligne. » Pour aborder ses joueurs, l’entraîneur croate lit souvent de la philosophie américaine, cite souvent William James, avec un paquet de Marlboro Light qui ne traîne jamais loin. Et ça marche, car il sait faire adopter son discours à ses joueurs et sa personnalité aux supporters. Il suffit de regarder les images de son départ d’Istanbul en juin 2015 pour comprendre.

Car, à la différence de beaucoup, Slaven Bilić ne jure pas par la tactique ou les grands mots.

Si vous décidez d’enseigner la tactique à l’école primaire, dix ans plus tard, toute une génération connaîtra tout à propos de la tactique.

Il tape où ça fait mal ou caresse dans le bon sens. « La tactique est importante, mais tout le monde peut apprendre la tactique. Si vous décidez d’enseigner la tactique à l’école primaire, dix ans plus tard, toute une génération connaîtra tout à propos de la tactique. Cela ne fait pas un bon coach. Un bon coach est une combinaison d’intelligence, d’expérience, de personnalité, de passion et de joie. » Et il sait aussi s’entourer dans son cercle proche, lie cette confiance autour de lui en invitant l’ensemble des employés du club à chacun de ses anniversaires et explique « qu’un homme et un âne sont toujours plus intelligents qu’un homme tout seul. Il faut juste savoir faire avec les joueurs. La première chose, il ne faut pas mentir. La seconde, il ne faut pas faire de promesses. Sur ce point, les footballeurs sont comme les femmes. Ils veulent simplement entendre ce qu’ils ont envie d’entendre et ignorent parfois que certaines choses sont impossibles. Je ne dirai jamais à un joueur qu’il aura sa chance plus tard. Car si je ne le fais pas jouer deux mois après, ma promesse sera brisée et j’aurai perdu un joueur. » Et, dans ses bras, West Ham est finalement redevenu West Ham.

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Par Maxime Brigand

Propos de Slaven Bilić tirés de la presse anglais et du SO FOOT n°113, ceux de Dražen Lalić par MB.

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