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Le mythe de la causerie d’avant-match

Par Aymeric Le Gall
Le mythe de la causerie d’avant-match

Empreintes de mystère, rarement révélée au grand jour, la causerie d'avant-match constitue l'un des derniers moments où footballeurs et entraîneurs peuvent se parler entre quatre yeux, sans avoir sur leurs épaules le poids lourd de nos regards indiscrets. Pourtant, certains ont récemment levé une part du voile qui entourait la question pour la démystifier. Alors, utile ou pas cette causerie d'avant-match ?

La part de mystère qui entoure le football professionnel tend de plus en plus à disparaître sur l’autel de l’information au public. Les moments durant lesquels joueurs et staffs techniques sont véritablement tranquilles, à l’abri des regards, des caméras et micros de télé sont de plus en plus rares. On épie leur moindre faits et gestes, leurs moindres paroles, à l’entraînement, durant l’échauffement, en match, à la sortie du terrain et parfois jusque dans le vestiaire. Pourtant, encore quelques instants sacrés échappent bien heureusement à nos regards pervers. La causerie d’avant-match en fait partie. Mystérieuse, emplie de mythes et légendes et rarement partagée avec les amoureux de ballon, la causerie est parvenue jusque-là à rester chasse gardée dans le petit monde du foot pro. D’où les fantasmes qu’elle procure dans l’esprit du public. Élément crucial pour remporter la victoire ? Instant béni où un homme parvient à galvaniser ses troupes par quelques mots bien choisis ? On imagine tous des causeries homériques, indispensables pour partir à bloc au combat. On connaît aussi, au niveau amateur, les causeries à très faible impact sur le résultat du jour et l’attention des joueurs. Et bien, à en croire Jocelyn Gourvennec, dans les colonnes de France Football, c’est peu ou proue la même chose chez les pros : « il faut en finir avec le fantasme de ces causeries. La magie du discours, le faiseur de miracles, je n’y crois pas (…) C’est vraiment un mythe. » Voilà qui est dit.

Savoir flairer le bon moment

Frédéric Hantz, ancien entraîneur du championnat de France et actuel consultant sur Canal +, est sur la même longueur d’onde que le coach costarmoricain : « Je le rejoins tout à fait. À 80%, je ne vais pas dire que la causerie ne sert à rien, mais disons que son utilité est assez limitée… C’est vrai que le fantasme de dire « le coach a tenu tel discours et c’est grâce à ça qu’ils ont gagné », c’est des conneries. » Mais si tout le monde s’en tape, pourquoi ne pas tout simplement y mettre fin ? C’est justement là qu’est toute la subtilité. Dans son interview, Gourvennec émet un bémol qui a son importance. « Bien sûr, il arrive qu’une intervention ait de l’impact. Mais de là à transcender tout le monde chaque samedi… » La voilà la nuance qui change tout. Un peu comme quand on ferme la baraque en sortant boire un coup le week-end : on sait bien qu’on ne va pas se faire cambrioler à chaque fois, mais le jour où ça arrive on est bien content de l’avoir fait. Difficile d’imagine un coach tenir un speech de fou chaque samedi, au point de faire sortir ses joueurs du vestiaire avec le couteau entre les dents et la bave aux lèvres. Mais parfois, selon le contexte, les mots d’un coach résonneront différemment dans l’esprit de ses joueurs et impacteront le déroulement et le résultat d’une rencontre. Là encore, Fred Hantz acquiesce : « Je pense que la causerie est importante deux ou trois fois dans la saison grand maximum. À un moment donné, un coach sent qu’un match est important et il veut faire passer un message fort. Et là, les joueurs le ressentent. La force du message va les toucher et va faire qu’il va y avoir une réaction sur le terrain. Je pense qu’il y a des entraîneurs qui ont sauvé des équipes sur une simple causerie mais pas tous les samedis. Il y a des contexte pour ça. »

Silence radio des coachs de Ligue 1

Tout est donc une histoire de sensation pour celui qui cause. Un subtil dosage entre conviction personnelle et ressenti irrationnel. La pratique se rapproche du pari. « Tu tente des coups, confirme l’ex-coach bastiais. Il y a des matchs que tu sens importants et donc tu tentes de faire passer un message. S’il passe c’est bien, ça veut dire que tu as une influence sur ton groupe. Mais il faut bien sentir le coup parce que si, par exemple, tu sens qu’un match est crucial, que tu fais ta causerie comme un taré et que, derrière, les joueurs ne te suivent pas, t’as tout faux. » C’est donc un jeu à quitte ou double. Un jeu qui peut diriger vers le jackpot mais qui peut tout aussi bien être destructeur. Le drame. « Quand tout le monde est en osmose, là tu deviens très utile au moment de la causerie, embraye Hantz. Tu le ressens dans le regard des joueurs, dans leurs attitudes. Mais si t’essayes de faire passer un match qui n’est pas clé pour un match qui l’est, tu peux perdre ton groupe pour le reste de la saison. Et à l’inverse, si tu manques la rencontre capitale, tu peux aussi perdre ton groupe. J’ai le souvenir d’avoir fait des causeries sur des matchs qui me semblaient hyper importants et les joueurs ne le voyaient pas ainsi et n’étaient pas réceptifs. C’est une frustration énorme mais c’est une réalité. » Une réalité dont les coachs parlent peu. Pour preuve, à l’heure de préparer cette enquête, aucun de ceux actuellement en exercice en Ligue 1 que nous avons contactés n’a souhaité répondre à nos questions. Déclinant poliment l’invitation, Rolland Courbis ne veut pas divulguer sa recette du succès: « Je sais ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire, mais je n’ai pas envie de faire progresser mes copains du camp d’en face. Même s’ils sont sûrement meilleurs que moi… Et ben qu’ils le restent ! » Du Courbis dans le texte.

La différence entre un bon et un mauvais chasseur

Renifler le bon moment est une chose, savoir se l’approprier pour réussir à faire passer un message en est une autre. Là, c’est la personnalité même du coach qui peut faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Tout est une question de charisme. « C’est pour ça qu’il y a de bons et de mauvais entraîneurs !, poursuit Frédéric Hantz en mode Inconnus. Un bon entraîneur est un entraîneur qui s’oublie, qui ne pense qu’à ses joueurs, qu’à son club, qu’à la performance. La pire des choses sur une causerie c’est de faire passer son stress à son groupe. Une causerie, c’est pas un état d’âme, c’est l’intelligence et le charisme du coach qui arrive à analyser une situation et à faire passer un message et une émotion. C’est un jeu d’acteur mais pas de menteur. Il faut croire en ce qu’on dit. » Et au jeu du charisme, tous ne sont pas nés sous la même étoile. Difficile de ne pas penser à l’espèce de gloubi-boulga servi par Roger Lemerre aux joueurs de l’équipe de France en 2002 avant leur match d’ouverture en Coupe du monde contre le Sénégal. « je t’ai donné un maillot, je t’ai donné un numéro, à toi de l’honorer » … Lien de cause à effet ou simple coïncidence, ce jour-là, les Bleus se ramassent en beauté : victoire 1-0 du Sénégal. À l’inverse, la causerie de Ghislain Printant avant la demi-finale de Coupe de la Ligue face à Monaco la saison dernière a quelque chose de puissante. Là encore, hasard ou réel impact, le Sporting se sort les tripes et vient à bout d’une équipe monégasque pourtant plus forte sur le papier. Et même si c’est par le biais d’une vidéo que l’entraîneur corse essaye de galvaniser ses hommes, ses rares mots semblent tout de même faire mouche auprès de l’auditoire.

Et l’auditoire justement, qu’en pense-t-il de ces causeries ? Pour Hantz, « c’est un moment qui leur casse les couilles. Même si ce n’est pas glorieux pour moi de l’avouer, j’ai vu des joueurs s’endormir ou écarquiller les yeux pendant que je leur parlais (rires) ! Il y a une différence entre ce que tu veux donner et ce que le joueur veut recevoir. » Ce à quoi Gourvennec ajoute : « Une causerie qui dépasse les huit minutes ne sert à rien. Les joueurs décrochent très vite. Certains au bout de cinq minutes… » « Après ça ne veut pas forcément dire grand-chose non plus, tempère l’ancien coach du Sporting. Tu peux avoir un joueur qui est très attentif lors d’une causerie et qui va passer totalement à côté de son match et inversement. Au final, le jeu appartient aux joueurs et l’importance d’un match, ce sont eux qui la fixent. Le coach n’est qu’un catalyseur ou un rassembleur d’énergie. Ton but en tant qu’entraîneur, c’est de pousser un joueur à 60% s’il est à 50. Mais tu ne mettras jamais un joueur à 100 s’il est à 50. Tout est là. Ton objectif n’est pas de transformer un âne en cheval de course. Ça, c’est impossible malheureusement. » Rarement décisive, parfois capitale mais toujours nécessaire, telle est la causerie d’avant-match.

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Par Aymeric Le Gall

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