- Culture
Le livre de la semaine
André Gounot, Denis Jallat et Michel Koebel (sous la direction de) , « Les usages politiques du football » , coll. Logiques Sociales (L’Harmattan)
La délicate question de l’instrumentalisation idéologique du sport amène souvent négliger à quel point le foot, par exemple, fut et reste aussi un acteur très consentant du théâtre politique. Ce recueil des textes, tirés d’un colloque strasbourgeois sur le sujet, démontre parfaitement que la neutralité isolationniste du ballon rond, souvent présentée comme emblématique d’un âge d’or quasi-mythique, n’exista jamais que dans les discours des instances fédérales ou internationales. Né d’une volonté éducative, porté et exporté par la révolution industrielle et l’impérialisme anglais, le « soccer » est devenu l’un des principaux véhicules des guerres symboliques et champs d’affrontement partisans. À ce titre, et alors que la future confrontations des bleus contre leur homologues germaniques fait couler beaucoup d’encre, pas toujours bienveillante envers nos alliés dans la construction européenne, il s’impose de lire le passionnant article de Jean-Christophe Meyer intitulé, un peu pompeusement, « Réminiscence historiques et football : les mémorables défaites de la Mannschaft (1950-2006) » . Ou comment, en dehors de toute logique sportive, l’équipe allemande rentra toujours sur le terrain pour expier la seconde guerre mondiale, y compris contre des pays neutres (voire plus) comme la Suède.
Et surtout l’occasion de vérifier, contre les idées reçues dans l’hexagone, de quelle façon les défaites servirent tout autant que les triomphes à reconstruire la fierté nationale Outre-Rhin, principalement en cristallisant un sentiment d’injustice face à l’amertume vengeresse des autres nations (avec évidemment le moment cruciale de la finale de 1966). Le lecteur survolera peut-être plus rapidement les questions mieux connues, très bien traitées, telles le match France-Algérie ou la victoire des bleus en 98, sans oublier le mondial argentin de 1978, dernier cas en date d’une hyper-politisation conflictuelle d’une coupe du monde, pour s’attarder sur les contributions disséquant la place du football dans la césure communautaire en Belgique ou la construction – et notamment discursive- d’une législation anti-hooligan en Suisse. Pour terminer, les amateurs de ce type de sommes universitaires pourront soulager leur addiction avec une publication similaire « Histoire du sport et géopolitique » (sous la direction de de Thierry Terret) , toujours chez l’harmattan, au contenu davantage omnisports, dont on conseillera néanmoins la synthèse « entre internationalisme et universalisme : la trajectoire géopolitique du football (1924-1938) » , abordant entre autrenotamment les rapports entre la FIFA et le CIO.
Nicolas Kssis-Martov