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Le jour où Lorient est descendu à un but près

Par Jacques Besnard
Le jour où Lorient est descendu à un but près

Les Lorientais ont connu plusieurs descentes avant de s'installer durablement en D1. La première lors de la saison 1998-1999 s'est jouée pour un tout petit but. Un scénario d'autant plus cruel que les Morbihannais avaient pris un pion à Nancy lors de l'antépénultième journée après que le gardien merlu était monté sur un corner à la dernière minute. La Breizh lose.

Les footeux qui ont connu la descente de leur club de cœur savent à quel point l’expérience est douloureuse. Passer de la Ligue 1 à la Ligue 2, c’est un peu comme troquer un bloc de foie gras contre une tranche de pâté de foie, boire un vieux mousseux sans bulles dans un gobelet en plastique après s’être délecté d’une coupette d’un champagne millésimé, se déchaîner dans la fosse d’un concert de Rage Against the Machine avant d’assister à un showcase de Christophe Maé avachi sur un tabouret. Ça pique. En l’espace d’un instant, on ferme les yeux, un peu groggy, en imaginant dans un mauvais cauchemar les futurs matchs du lundi soir. Fini les affiches au Vélodrome, à Lyon ou au Parc des Princes, bonjour les déplacements traquenards dans l’enfer de Francis-Le Basser ou à Bourg-en-Bresse. C’est déjà un coup de poignard lorsque les dés sont pipés bien avant la dernière journée, que dire alors de l’horreur de la première descente des Lorientais ? À égalité de points avec les Havrais après 34 journées et 3060 minutes disputées, les Merlus sont retombés en deuxième division le 29 mai 1999 pour un malheureux pion sur toute la saison. Rembinons.

« Pas de véritable ambition d’accession »

À l’époque, le FC Lorient n’est pas encore le club ancré dans le monde pro qu’il est actuellement. Montés de National en D2 en 1995, les Bretons ont réalisé l’exploit d’atteindre l’élite l’année d’avant en proposant un football chatoyant, à défaut de pouvoir compter sur l’argent. Le club avait le plus petit budget du championnat, mais les Merlus terminent seconds en ayant planté 68 buts dans la saison. « Mon plus beau souvenir date de cette époque-là. Le stade était plein, il y avait une ambiance terrible. Nous avions atteint une osmose sur le plan collectif, humain et du jeu. En somme, tout ce qui fait le charme du foot » , expliquait Christian Gourcuff juste avant de quitter le club. Au chômage avant cette fameuse saison, Ali Bouafia, lui, a connu une seconde jeunesse en humant l’iode vivifiante lorientaise : « J’avais trente-trois ans et j’étais en fin de carrière, je revenais d’une longue blessure et j’ai réussi ma plus belle saison. J’ai marqué quinze buts en D2, cela ne m’était jamais arrivé. Je suis tombé dans une configuration idéale, une harmonie collective exceptionnelle, on se trouvait les yeux fermés, c’était une partition parfaite au niveau du jeu. On s’est éclatés sur le terrain et les résultats ont suivi. Pourtant, à la base, il n’y avait pas de véritable ambition d’accession en Ligue 1. »

« On s’entraînait à gauche, à droite »

La saison suivante, logiquement, les Morbihannais s’appuient sur les cadres de la montée pour essayer de se sauver – et notamment la patte gauche de Stéphane Pédron –, tout en recrutant plusieurs joueurs dont quelques flops (l’international marocain Ismaël Triki et un attaquant brésilien, Emerson Ricardo Otacilio, muet toute la saison). Parmi les nouveaux, Pascal Bedrossian, aujourd’hui aux États-Unis, se souvient du manque d’infrastructures du club : « Le club sortait de l’ère de l’amateurisme, j’arrivais de Rennes et de Cannes, les budgets n’étaient pas si importants que maintenant, mais on voyait la différence entre Lorient et les deux autres. On s’entraînait à gauche, à droite, il n’y avait jamais de terrains fixes. C’était pas idéal. » Les débuts des Merlus dans l’élite sont donc difficiles tant la frontière D1/D2 est compliquée à franchir. Les Morbihannais ne gagnent qu’un match en quatorze rencontres : au Parc des Princes face à Marco Simone, Igor Yanovski et Didier Domi. Ils encaissent beaucoup de buts, mais marquent très peu. En novembre, l’arrivée de Patrice Loko (9 buts) en provenance de la capitale fait du bien aux Merlus qui cravachent toute la saison pour éviter la relégation. Les Lorientais mettent une pile à Sochaux lors de l’avant-dernière journée et gardent tous leurs espoirs avant le match couperet à Monaco.

« J’ai pleuré pendant cinq minutes »

Dans cette Ligue 1 à 18 clubs, avant cette dernière journée, Lorient est quinzième et compte 35 points. Comme Le Havre, mais avec une moins bonne différence de buts (un but en plus pour les Havrais), et un point d’avance sur Auxerre.

En dix minutes, pourtant, les Merlus redescendent dans les bas-fonds de la première division. Les buts de Reyes pour Auxerre contre Rennes et celui des Monégasques par Victor Ikpeba changent totalement la donne. Lorient se retrouve dans la zone de relégation à égalité de points avec Le Havre. Heureusement pour les Merlus, Franck Rizzetto marque pour Metz face au Havre, plus vieux club français. En clair, pour rester dans l’élite, Lorient doit égaliser ou espérer un deuxième but messin. La nervosité règne sur les deux terrains. « On est menés 1-0 et il ne faut pas en prendre un second. On savait qu’ils étaient menés aussi. On le suivait en temps réel, c’était un match hyper tendu, ça a été très très usant » , se souvient l’ancien Havrais Nicolas Huysman. Les Normands ne lâcheront rien, les Bourguignons doubleront la mise, les Bretons n’arriveront jamais à revenir. Un soulagement incroyable pour les Ciel et Marine. « J’ai fait 530 matchs en Ligue 1 et en Ligue 2, c’est un moment très particulier, d’autant que ça s’est passé à Metz où j’avais joué trois ans. C’est comme un titre quelque part, un très beau souvenir. Je suis tombé en larmes pendant cinq minutes parce que c’était éprouvant mentalement. On n’a pas fait la fête, on était vidés avec une saison très compliquée. Ça se joue sur un but, c’était très cruel pour Lorient. J’en parle souvent aux jeunes pour leur montrer l’importance du goal average. Perdre 1-0 ou 4-0, c’est pas pareil » , assure Huysman, qui entraîne désormais le Royal Francs Borains en D5 belge.

Du côté lorientais, au même instant, c’est évidemment l’horreur. Ali Bouafia, blessé, n’avait pas pu jouer, mais il avait accompagné ses coéquipiers dans la tristesse de Louis-II. « Finir le championnat à Monaco, c’est pas un cadeau. Ça se joue à rien. On le savait que la tâche allait être compliquée. On a essayé, mais on a des regrets même si ce n’est pas à Monaco qu’on descend. C’est sûr qu’on repense à tous les matchs, aux buts qu’on n’a pas marqués, à ceux qu’on a pris. » Et notamment ce satané pion à Nancy.

Cette putain de montée d’Angelo Hugues

Le 5 mai 1999, lors de la 32e journée, on joue la 90e minute au stade Marcel-Picot et les Lorientais sont menés par les Lorrains à la suite d’un but du mythique Tony Cascarino. Dans la zone rouge, les Merlus doivent obligatoirement marquer sous peine d’être distancés. Sur un dernier corner, tout le monde monte. C’est notamment le cas du portier breton Angelo Hugues. Pas de bol, la défense locale se dégage et, sur le contre, le capitaine Frédéric Biancalani ne se fait pas prier pour marquer du milieu de terrain dans le but vide et assurer le maintien de son club. « On parlait d’un but, ouais peut-être que le but, il est là, regrette avec le recul Pascal Bedrossian avant de vite relativiser. Mais c’est un ensemble de choses qui auraient pu être fait dès le départ. On a laissé passer notre chance par manque d’expérience. On retrouve toujours des bouts de matchs où on aurait pu faire différemment. » Même analyse du côté de l’ancien international algérien Ali Bouafia : « Ce but nous coûte très cher. C’est rageant, mais c’est le football. On a aussi sans doute gagné des matchs qu’on n’aurait pas dû gagner, mais c’est sûr que la déception était énorme dans les vestiaires. C’était la fin d’une aventure magnifique de deux saisons. Il y avait des joueurs qui allaient partir, c’est toujours triste. En tout cas, on n’a pas à rougir de la première année du club en Ligue 1. J’ai fait partie d’une équipe qui a posé les premières pierres de ce qu’allait devenir le FC Lorient plus tard. Le club s’est servi de cette saison et de ce coup du sort. » Les Merlus remonteront deux ans plus tard avec Darcheville, Eli Kroupi et compagnie. Frédéric Biancalani et les Nancéiens, non plus, n’ont jamais oublié ce scénario tragique, puisque l’ASNL a connu une expérience amère similaire la saison suivante. « On descend pour deux buts au goal average et c’est Marseille qui se sauve. Donc ouais, je peux imaginer ce qu’ont vécu les Lorientais… » Parole de bourreau.

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