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Le général : « Je peux aider les Qataris à gagner la Ligue des champions  »

Propos recueillis par Christophe Gleizes et Barthélémy Gaillard, à Dakar
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Le général : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je peux aider les Qataris à gagner la Ligue des champions <span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Il est le marabout que les clubs de foot s'arrachent dans les faubourgs de Dakar. Lui, c'est « le général », nom et visage anonyme. Rencontre privilégiée avec le king de la divination, entre sacrifices de coqs, sorts de protection et victoires à la chaîne.

Les dirigeants des clubs de quartiers m’ont dit que tu étais un docteur agrégé en sciences mystiques. Quel est donc ton pouvoir ?

Tu viens me voir pour un match : je peux savoir si tu gagnes ou tu ne gagnes pas.

Comment tu le sais ? Comment tu le vois ?

C’est un don de Dieu (sourire). C’est un don que Dieu donne aux gens. Je ne peux pas parler pour les autres marabouts de Dakar, mais dans mon cas personnel, c’est juste que je sens. C’est de la sensibilité, c’est psychique. Le Bon Dieu peut me parler de quelque chose. Il va me dire : demain, on gagne 1-0. Le lendemain, on gagne 1-0 (un président de club acquiesce).

Il n’y a jamais de ratés ?

Si, parce que d’autres marabouts sont contre toi. Si le marabout d’un autre équipe connaît un autre secret, il peut inverser le score. Parfois, tu sais que ton équipe va gagner 2-0, mais au final, c’est toi qui perds 2-0. Le marabout de l’autre équipe, il peut connaître un secret pour tourner le score en sa faveur.

Tu les connais, les marabouts des autres équipes ?

Oui, on se connaît. À chaque fois, ce que je cherche le plus à savoir, c’est comment le marabout de l’autre équipe travaille. C’est ça que je cherche. Tant que tu ne sais pas comment il travaille, quel est son plan pour te couler, tu ne peux pas le contrer.

Quelle est l’étendue de ta gamme de services ?

Je peux tout faire.

Je peux te demander de faire rater son match à un joueur ?

Oui.

Qu’un joueur se blesse ?

Oui.

De faire en sorte que le gardien adverse mette un but contre son camp ?

Oui. Mais pour gagner un match, ma première tactique, c’est de protéger les joueurs de mon équipe. C’est ma spécialité. Avant de manger dans un plat, il faut qu’il soit propre d’abord. C’est la propreté qui compte.

C’est pour ça que les joueurs s’aspergent avec de l’eau bénite dans les vestiaires ?

Oui, c’est cela. Ok. Une fois que tu as protégé les tiens, il y a des tactiques plus offensives. Par exemple, chaque équipe a le nom des joueurs sur la feuille de match. Leur attaquant, on peut faire des choses pour qu’il ne soit pas à 100% aujourd’hui. Sur le terrain, il se retrouve à 20% de sa force.
C’est un peu comme si quand je te regarde tu avais une webcam qui me parlait…

Comment tu fais ça ?

Je prie. J’écris des noms sur une feuille et je les garde dans un frigo. Ou alors je place la feuille sous un meuble lourd. Parce que si le joueur est lourd, il ne pourra pas marquer.

Il faut bien connaître les autres équipes, savoir à l’avance qui sont les meilleurs éléments…

Certains le font, mais je ne m’occupe pas des meilleurs seulement. Si tu te concentres que sur les meilleurs, un autre joueur peut marquer le but. Le plus sûr, c’est de mettre tout le monde dans le même sac. Tu les gardes tous dans un endroit et, après le match, tu les ressors (rires). Vous comprenez ?

Oui, oui, on comprend..

Moi, si on reste en contact, je peux vous aider. Si votre équipe joue un match, moi je reste ici au Sénégal, je peux vous assurer la victoire. Un match, pour moi, ça se gagne à la maison.

Tu offres des services à distance ?

Oui. Il y a des marabouts, leurs connaissances restent ici au Sénégal. S’ils prennent l’avion pour aller en Europe, c’est fini. Mais avec moi, ça marche aussi au téléphone.

C’est toi qui as marabouté Zidane à la Coupe du monde 2002 ?

Non, non, c’est pas moi. Mais c’est vrai. Je peux sentir les problèmes ou les sentiments d’une personne à distance par téléphone. Si tu rentres en France, je parle avec toi, je peux te dire ce que tu fais, ce qui t’empêche de réussir.

Mais comment tu le sens ? Tu as une sensation physique ? C’est uniquement dans ta tête ? Comment ça marche ?

C’est ici (il montre sa poitrine). C’est quelque chose qu’on ne peut pas expliquer (silence). Bon, imagine une caméra par exemple. C’est un peu comme si quand je te regarde tu avais une webcam qui me parlait… Je discute avec la personne à l’intérieur, je le vois ici. Mais on ne peut pas expliquer ça. Je peux aussi regarder ta main et te dire des choses.

Vas-y…

Tu as une copine, et vous vous disputez tout le temps.

Oui, c’est vrai…

Vous vous disputez à chaque fois. En une semaine, vous êtes contents ensemble quatre fois, et les trois autres jours de la semaine, c’est la dispute.

C’est assez bien résumé….

Hein ? Qu’est-ce qui me fait connaître ça ? Ta webcam.

Je voulais te demander, quel est le service qui coûte le plus cher ?

(Gêné) Les sacrifices. On ne peut pas jouer un match sans faire de sacrifices. Chaque match demande des sacrifices, mais bon, ça se différencie selon les enjeux. Les jours viennent et ne se ressemblent pas.

Pourquoi un sacrifice ?

Pour demander quelque chose à Dieu, il faut lui donner quelque chose en retour. Le mal que je manipule, s’il ne vient pas sur quelque chose, il peut me toucher moi, il peut venir sur mes enfants ou les gens de ma famille. C’est ça, la base du mystique. Il y a des conséquences. Moi-même, je fais attention. Avant de venir au stade, je me lave le corps mystiquement. J’ai fait des sacrifices pour moi aussi.

Tu sacrifies quoi ?

Par exemple des coqs, des chèvres. On peut aussi utiliser le lait caillé quand c’est moins important. Mais pas le lait fait industriellement, quoi, le lait qui sort de la vache. Le lait, on l’offre à un mendiant.

Cela compte comme un sacrifice ?

Oui.

Tu disais que tes dons étaient naturels. Tu les as depuis ta naissance ou tu les as développés progressivement ?

Il y a huit ans, je suis tombé malade. J’étais dehors avec un ami qui est en France à Paris actuellement. Quand il m’a quitté le soir, il y a un vent qui m’a surpris et qui m’a jeté avec force. Quand je me suis réveillé, j’étais par terre et je me suis inquiété. C’est là que j’ai commencé à tout entendre. On me disait que c’était le diable. Des voix qui me disaient fais-ça, fais-ci…

Qui sont ces voix ? C’est Dieu ?

Non, je ne sais pas, je peux pas le dire. C’est Dieu qui me les a envoyées.

T’es sûr que c’est pas juste la passion du foot qui te parle ?

(Rires) Moi, je joue au football, je suis un gaucher. Je ne joue pas dans une équipe, je joue dans le quartier, pour le plaisir. (Un dirigeant de club sort du stade Demba Diop avec la coupe et vient le saluer tout sourire) Tu as vu ? C’était un match qu’on devait perdre aujourd’hui pourtant. On n’était pas favoris de la finale. Il y a eu beaucoup d’occasions pour les autres, mais leurs attaquants ont tout raté.

Ok, tu as prouvé ce soir que tu étais un bon marabout, mais si le club que tu aides avait perdu, que se serait-il passé pour toi ?

L’autre jour, l’équipe senior jouait un match. J’ai dit à mon ami le président (qui acquiesce) qu’on allait gagner 3-0. Mais le marabout d’en face a contré mon sort et c’est nous qui avons pris les trois buts. Je ne sais pas comment il a fait. Ici, au Sénégal, il y a trop de personnes qui ne sont pas honnêtes. C’est ça le problème. Il suffit de payer un joueur de mon équipe et de lui donner une bouteille en disant tu amènes ça chez eux. Essaie de donner ça aux joueurs quand ils se lavent pendant leur regroupement. Dans chaque équipe, il y a des traîtres.
Parfois, j’ai des gens qui m’aident, d’autres marabouts avec qui je suis compatible. Il y a des prières qu’on fait quand l’arbitre siffle le coup d’envoi.

Ce sont eux qui tournent le sort…

C’est pourquoi quand tu perds, tu n’as pas le droit de dire que c’est Dieu qui ne t’a pas donné. Le problème, ce sont les traîtres.

Dans ton équipe, vous avez trouvé la taupe ?

Non, une prochaine fois.

Donc, le bilan des courses, c’est qu’on assiste à Dakar à une véritable bataille de marabouts, sur et en dehors du terrain…

Oui. Au moment où tu travailles, il y a des marabouts qui s’ingénient déjà à savoir comment s’introduire pour détruire ton travail. Moi, je crois au pouvoir que m’a donné Dieu. S’il me donne, je dis oui, on a gagné. Mais vient forcément un jour où Dieu ne te donne pas et tu perds.

On a combien de chances de gagner avec toi ? À combien tu estimes ton taux de réussite ?

90%.

Tranquille…

Je suis très connu dans le quartier (les témoins confirment). Des hommes politiques viennent me voir à la maison, ils m’appellent quand ils sont à l’angle. Mais c’est parce que je ne m’occupe pas seulement de football. Les gens qui sont malades, les gens qui ont des problèmes avec leur mari, les gens qui veulent être riches, les gens qui passent un examen… Je peux aider pour beaucoup de choses. Les gens, ici, ils ne sont pas fous hein (les témoins confirment). J’ai de la crédibilité. Ils n’ont pas envie de perdre le peu d’argent qu’ils ont avec un gars au téléphone.

En Afrique, le football ne va pas sans mysticisme…

Ce n’est pas que le football. C’est comme les matchs de lutte sénégalaise. C’est derrière, dans les vestiaires que tout se passe. Lors des regroupements d’avant-match. Ce que tu as vu dans les vestiaires, c’est très secret.

Il y a des limites à ton pouvoir quand même ! Tu ne peux pas faire gagner n’importe qui ?

Pour faciliter le travail du marabout, c’est sûr qu’il faut avoir une bonne équipe. Je ne peux pas faire gagner onze vieux de 80 ans ans contre onze jeunes de 20 ans. Mais bon, on fait ce qu’on peut. Cette année, avec les seniors, on est allés en quarts de finale avec une mauvaise équipe. Sans moi, ça aurait été pire. Des équipes meilleures que nous ont été éliminées avant. Après, si on pouvait décider de tout, ça se saurait. Si je pouvais vraiment assurer n’importe quoi, le Sénégal aurait déjà gagné une coupe d’Afrique. Mais j’ai des connaissances.

Il faut te donner combien à peu près ? Combien ça coûte un marabout de ta trempe ?

Cela dépend du service demandé (selon nos informations, un match à élimination directe lors des tournois inter-quartiers peut coûter 200 000 CFA, suivre tout un tournoi peut coûter 1 million de francs CFA, ndlr).

Est-ce que tu peux faire gagner la Ligue des champions au PSG ?

(Il hésite deux secondes) Moi, je peux. Je peux, je te le jure…

C’est dur quand même comme défi…

Mais c’est facile. C’est une bonne équipe. Si tu m’avais dit de faire gagner Monaco ou Auxerre, je pourrais pas. Mais avec le PSG, c’est bon. Je peux aider les Qataris à gagner la coupe. Je te jure que c’est possible.

Toi, ce que tu apportes, en réalité, c’est un supplément. Ce qu’on appelle ici la « 12e force » …

Voilà, c’est ça, tu connais bien (rires). Parfois, j’ai des gens qui m’aident, d’autres marabouts avec qui je suis compatible. Il y a des prières qu’on fait quand l’arbitre siffle le coup d’envoi. Par exemple, s’il faut vite marquer un but, je dois réciter 2000 prières. Si on est quatre, pour que ce soit plus rapide, je distribue 500 à chacun. C’est comme ça qu’on fait.

Il y a d’autres techniques dont tu n’as pas parlé ?

Là, tout à l’heure, j’ai donné un truc à un joueur pour qu’il le mette dans le terrain.

C’était quoi ? Une sorte de petite amulette ?

Je ne peux pas le dire. Ce sont des sources secrètes. On ne peut pas trahir le secret. Quand je te parle, là, je ne sais pas où ça va aller. Si ça se trouve, tu vas tout répéter à mon ennemi.

En parlant de lui, le marabout que tu as battu ce soir, maintenant, il a perdu sa crédibilité. Après la défaite, il ne va plus avoir de clients.

Non, pourquoi ? Il a amené son équipe jusqu’à la finale. C’est déjà bien. C’est seulement qu’il est tombé sur quelqu’un de meilleur que lui encore (rires).

On peut te demander comment tu t’appelles ?

Le général. Les gens connaissent. Ils m’appellent comme ça.

À défaut de ton prénom, on peut avoir une photo de toi ?

Non.

Même de dos, anonyme ?

Non. Je ne veux pas. Je travaille discrètement.

Allez…

Si tu le fais, avant de rentrer en France, l’appareil peut s’éteindre. Moi, je m’en fous, je te donne une photo de mon visage de face si tu veux. À tes risques et périls. Même si tu me photographies de dos, tu peux tout perdre. La dernière fois qu’un mec m’a filmé avec son téléphone, je l’ai prévenu, il ne me croyait pas. La semaine d’après, il avait perdu son téléphone.
Émerse Faé : « J'ai juste fait mon travail »

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