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Le foot bédouin, la cinquième roue du carrosse

Par Chloé Rouveyrolles à Al Khader
Le foot bédouin, la cinquième roue du carrosse

Une équipe de bédouins tente de se faire une place dans le championnat palestinien. Vendredi dernier, ils jouaient leurs premiers matchs de la saison.

Au petit matin, une dizaine d’équipes d’amateurs avertis – certains jouent déjà en deuxième division – s’échauffent pour un tournoi amical au stade al Khader, près de Bethléem. Les effluves de déodorant bon marché pour hommes attaquent les narines. Une équipe a l’air plus concentrée que les autres. Eux n’ont jamais atteint la D2. Si ce n’était par l’entregent de leur coach – ex-joueur professionnel -, ils ne seraient même pas conviés à la fête. Les Desert Hawks (faucons du désert), un club fondé il y a moins de deux ans et qui réunit des bédouins de la tribu des Jahalin, commencent à peine à se faire un nom dans le football palestinien. C’est une success story qui pourrait être adaptée par Hollywood. Les bédouins sont généralement assez isolés du reste de la société. Ils ont été nomades pendant des siècles, et bien qu’ils soient sédentarisés aujourd’hui, ils vivent toujours de l’élevage, entre eux, avec leur propre dialecte et leur culture, et souvent dans des caravanes ou des tentes. Les jeunes bédouins voulaient faire du foot depuis un moment, « parce qu’on a le droit, comme tout le monde ! » , s’exclame Jamal, 27 ans, capitaine de l’équipe, en refaisant ses lacets pour la énième fois. La chance des 19 joueurs des Desert Hawks est d’avoir trouvé un tandem providentiel.

« Je ne vais pas aller les prendre dans mes bras à chaque fois qu’ils marquent un but… ils feraient un arrêt cardiaque ! »

Il y a deux ans, Jane Lewis, une touriste américaine, qui ne connaît presque rien ni des Bédouins, ni du football, débarque dans le village avec Yamen Elabed, un guide touristique qui s’est récemment pris d’affection pour les Jahalin. « J’ai été saisie par l’injustice de leur situation, je voulais faire quelque chose pour les aider, j’ai été voir le chef du clan, j’ai proposé d’acheter des ordinateurs et il m’a répondu que ce qu’il lui faudrait, ce serait plutôt une équipe de foot. Bon, je n’ai pas su trop quoi répondre à ce moment-là, mais j’ai décidé d’essayer » , raconte la New-Yorkaise, exceptionnellement présente pour cette rencontre. Depuis, elle a levé 35 000 dollars, commence tout juste à s’habituer à dire « football » au lieu de « soccer » , mais cherche encore la bonne attitude : « Je ne vais pas aller les prendre dans mes bras à chaque fois qu’ils marquent un but… ils feraient un arrêt cardiaque ! » Toujours est-il que dans les tribunes vides, elle réprime des cris de victoire et manque de se lever des gradins à chaque action. Yamen Elabed est, quant à lui, un Palestinien hyperactif qui passe son temps à tendre des bouteilles d’eau aux joueurs, leur taper dans le dos, vérifier que les chaussures ne gênent pas les joueurs, lesquels ont longtemps joué pieds nus avec des cailloux en guise de ballons. True story. Il se souvient que quand ils ont commencé à s’entraîner sur un vrai terrain, la lumière des projecteurs les aveuglaient, ils ne voulaient pas écouter le coach, ou ils refusaient de jouer « collectif » .

« Je n’avais jamais réalisé, mais un ballon ou des chaussures, ça a une durée de vie limitée ! »

Mais la route est longue : au stade aujourd’hui, personne ne parle aux maillots rouges. Un joueur du club de Battir (fondé en 1973, aujourd’hui en D2) n’en revient pas : « J’avais entendu parler d’eux, on m’avait dit qu’ils étaient super rapides, mais je n’y croyais pas. » Moins nuancé, un joueur d’Hébron lâche, goguenard : « Ils ont de la chance de jouer avec nous. » Son équipe va ensuite perdre un match contre eux. Un des pontes du club de Battir voudrait nuancer les choses, mais finit par être légèrement condescendant : « On sait que ce ne sont pas des gens vraiment éduqués, donc on est déjà fiers d’eux pour avoir la motivation de se lancer là-dedans. » Le coach des Desert Hawks, Mohamad Faraj, a connu son heure de gloire dans le foot national il y a une dizaine d’années. Seul salaire du club, il remet les choses en perspective : « Sachant que quand j’ai rencontré les joueurs, ils ne savaient même pas taper dans le ballon, je suis très satisfait de leur évolution. » Pour Faraj, un signe ne trompe pas : Ibrahim, jeune joueur qui s’est illustré en marquant le premier but des Desert Hawks aujourd’hui, a même attiré l’attention d’autres clubs. De l’avis de tous, c’est un investissement au long cours. « Je ne voulais pas m’engager dans quelque chose que je ne pourrais pas assumer jusqu’au bout, explique Lewis. Maintenant, je travaille plus, pour pouvoir les soutenir, et on a une autre généreuse mécène en Suède, ce qui est vraiment important, car ils sont prêts à jouer avec d’autres clubs, mais ça coûte cher de les faire voyager ! Et même sans ça, je n’avais jamais réalisé, mais un ballon ou des chaussures, ça a une durée de vie limitée ! On a créé une fondation qui devrait nous aider à avoir plus de légitimité et à nous rapprocher de plus grosses organisations sportives. »

Abdallah Jaber au lieu de CR7

Le Ramadan, en juin, est une période durant laquelle de nombreux petits championnats sont organisés. Les Desert Hawks, qui avaient réussi à se faufiler dans la sélection de la Coupe du Ramadan de Bethléem l’année dernière, ont deux options pour 2016. « Entre les nouveaux maillots, puisque maintenant on réalise qu’il en faut deux au cas où ils jouent contre une équipe qui a la même couleur, et les voyages, il va falloir s’accrocher » , s’inquiète Yamen. Malgré une grande forme et beaucoup d’enthousiasme, les Desert Hawks n’ont pas remporté le tournoi de vendredi. Aytham, blessé, a une explication : « J’ai vraiment manqué au jeu, je suis le seul bon buteur. » Les membres de l’équipe rêvent de rencontrer Cristiano Ronaldo, ou alors, à défaut, Abdallah Jaber – membre charismatique de l’équipe nationale palestinienne. Trois des joueurs sont encore étudiants ; les autres retourneront aux champs de dattes et dans les bananeraies le surlendemain.

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Par Chloé Rouveyrolles à Al Khader

Photos par Jimmy Hutcheon

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