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Le fantôme de Luis Suárez

Par Markus Kaufmann, à Santiago (Chili)
Le fantôme de Luis Suárez

Il y a l'Argentine de Messi, le Brésil de Neymar, le Chili d'Alexis Sánchez et il y a même la Colombie de Falcao. Cette année, la Copa América a fait le plein de ses héros offensifs, plus héroïques les uns que les autres. Mais il manque un gros morceau de football sud-américain au Chili. Un morceau aux dents longues.

Il se déplace furtivement dans ton dos. Il sait mieux que personne faire disparaître le ballon entre tes jambes, et ta dignité avec. Il aime te bousculer, venir te chercher, t’humilier, te chatouiller les chevilles. Il t’agresse sans s’arrêter et ne prend jamais la peine de te regarder. Il ne semble même pas savoir qui tu es. Mais toi, tu vois très bien à quoi il ressemble. Il a les canines tranchantes et les pieds mortels. Tu croirais parfois qu’il a une allure lourde, mais il parvient toujours à avoir un temps d’avance. Penché vers l’avant, mais mieux équilibré que tous les autres, il fonce beaucoup et évite ou dégomme tous les obstacles qui peuvent se mettre entre sa détermination et ton but. Lui, c’est évidemment Luis Suárez, le meilleur joueur de la dernière Copa América, il y a quatre ans. Mais aujourd’hui, ça n’est qu’un fantôme. Et non pas un fantôme retraité, détruit ou blessé. Un fantôme suspendu administrativement.

Un tournoi sans son roi

Finale de la Copa América 2011 entre l’Uruguay et le Paraguay, au Monumental de Buenos Aires. On joue la douzième minute de jeu lorsqu’une passe peu orthodoxe arrive dans la surface paraguayenne et les pieds de Suárez. Feinte du droit, tir du gauche et poteau rentrant : le numéro 9 trompe Justo Villar – élu meilleur gardien du tournoi – et lance son pays vers le titre. Sous le poids de l’émotion et dans la folie du moment, Suárez se met alors à enchaîner toutes les célébrations imaginables dans une hystérie qui fait contraste avec le contrôle de son geste calculé un instant plus tôt. L’Uruguayen tape dans les mains, puis sur ses poignets, prend l’écusson de son pays avec la main gauche et embrasse son poignet droit en même temps, fait le geste classique du Pistolero, enchaîne avec un petit saut poing serré, continue à courir, se met à genou, lève les bras au ciel, se touche le biceps gauche et, enfin, s’écroule à plat ventre, la tête et les émotions dans le gazon, et le cœur au ciel.

Ça n’est qu’une image, mais elle suffit largement pour saisir le poids de la sanction de la FIFA à l’encontre de Luis Suárez. Le 24 juin dernier à Natal, il y a presque un an, Suárez perd la tête et jette sa mâchoire sur l’épaule de Giorgio Chiellini. L’Italien s’écroule et le monde entier hurle. Dans ses bureaux suisses, la FIFA réagit avec un bâton sans pitié et retire au Pistolero ce qu’il aime le plus : jouer au football pour son pays. Éliminé du Mondial sans avoir pu tout donné, Suárez est balancé au fond d’une prison et comprend immédiatement : il ne pourra pas défendre son titre de la Copa América au Chili un an plus tard. Pourtant, il y a quatre ans en Argentine, un an après l’épisode de sa « main de dieu » contre le Ghana et le reste du monde, le Pistolero avait flingué tout le continent. Le premier but des siens pour arracher le nul contre le Pérou. Un festival de création offensive dans un match fermé au possible contre l’Argentine en quarts. Un doublé héroïque à nouveau contre le Pérou en demi-finale. Et enfin une finale de génie, de l’ouverture du score à la passe décisive de la tête pour Diego Forlán. Et tous ces coups d’épaule, duels gagnés et petits ponts…

Une grande équipe dénudée

Argentine, Brésil, Chili, Colombie et c’est tout ? Ces quatre noms de cadors ont fait briller le football sud-américain lors de la dernière Coupe du monde. Pourtant, aucun de ces quatre-là n’est le plus grand champion de la Copa América. L’Uruguay et la Copa, c’est une longue histoire d’amour. Le premier baiser de la Copa est uruguayen, en 1916. Et le dernier aussi, en 2011. Entre-temps, c’est un total de 15 titres que la sélection de Recoba, Francescoli et Forlán a réussi à ramener sur les bords du Rio de la Plata, contre les 14 de l’Argentine et les 8 du Brésil. Alors, l’Uruguay doit-il être systématiquement un favori de cette compétition qu’il a compris mieux que personne ? Pas vraiment. Sans son héros, l’Uruguay semble dénudé, et n’a que le seul Edinson Cavani pour cacher ses parties intimes. Un 4-4-2 ponctué par le buteur parisien, mais surtout musclé par Carlos Sánchez, le pitbull de River Plate, Nicolás Lodeiro, le pied gauche de Boca et les deux connaissances de la France : Diego Rolán et Cebolla Rodríguez. Peu pour aller affronter l’abondance de talents des Argentins et des Brésiliens ? Peut-être, mais ce n’est pas la première fois.

Parce que les Charruas ont la chance de pouvoir encore compter sur l’esprit du Maestro Tabárez. Un homme qui sait où il en est, et qui semble aussi savoir ce qu’il faut à son équipe pour pouvoir se surpasser une fois de plus : ses éternelles « valeurs » . Un mot lourd de moraliste léger, mais qui prend tout son sens devant un siècle d’histoire d’exploits insensés. Le goût du combat, d’abord. « Pour moi, défendre n’est pas un gros mot, c’est aussi du football. Nous ne renonçons à rien a priori, mais nous sommes prêts à faire un travail collectif qui puisse consister à limiter le potentiel du rival et, pourquoi pas, lui créer des problèmes. » La détermination, ensuite. « Nous arriverons avec beaucoup de détermination. Un Uruguay-Argentine a beaucoup de signification à nos yeux. » Et enfin, l’immanquable humour. « Je ne veux plus parler de favoris ou de pronostics. J’ai dit que l’Équateur me plaisait beaucoup et il a perdu contre la Bolivie. Je vais me mettre au ping-pong, tiens. (rires) Plus sérieusement, puisqu’on n’est pas favoris, j’espère qu’il va encore se passer des choses étranges. » Malheureusement, on connaît déjà cet Uruguay dénudé : c’est celui qui avait montré un triste visage face au Costa Rica et la Colombie lors du dernier Mondial, lorsque Suárez était blessé puis déjà suspendu. Deux défaites amères et deux prestations sans saveur.

Le joueur le plus maradonesque de cette époque

Mais Suárez ne manque pas qu’à l’Uruguay. Si chaque Copa América est une nouvelle chance donnée au monde de capter l’essence de la richesse du football sud-américain, l’édition chilienne de 2015 est déjà une occasion manquée. Messi offre à nos vues la virtuosité irréelle de son pied gauche, et bien plus encore. Neymar nous jette à chaque match dans des bains de fantaisie. Alexis Sánchez et Arturo Vidal nous poussent à repousser match après match la frontière de l’intensité physique attendue de la part d’un footballeur. Javier Mascherano et Gary Medel nous donnent des leçons d’ordre et d’exemple. Et puis Guerrero, Rondón et Enner Valencia nous rappellent que certains numéros 9 ne sont pas seulement le terminal de leur équipe, mais en sont aussi le phare. Mais il manque quelque chose, un élément du jeu indispensable à ce continent aussi grand que varié : la surprise téméraire.

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