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« Le cliché de l’arbitre cow-boy qui fait du zèle m’agace »

Propos recueillis par Natan Decarrière, à Tahiti
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François Letexier, plus jeune arbitre de L1, a été désigné pour arbitrer le match entre l’AS Tefana et Rodez comptant pour le 7e tour de la Coupe de France... à Tahiti. Pour sa deuxième saison en tant que professionnel, le Breton a déjà arbitré 13 matchs dont 8 en Ligue 1. Entretien posé dans les canapés de l’hôtel Méridien de Tahiti.

Comment as-tu vécu le match de samedi (victoire de Rodez 0-3) au niveau climatique ? Tu avais encore très chaud même après la douche…
(Rires.) C’est sûrement ça le plus complexe, c’est le contexte et les conditions climatiques. (Il faisait plus de 30 degrés pendant la rencontre, ndlr.) L’avantage, c’est qu’on est arrivés très tôt, six jours avant le match. Sur les premiers entraînements, j’ai beaucoup souffert, notamment par rapport à l’humidité. Puis progressivement, je me suis adapté aux conditions climatiques. Je me suis forcément beaucoup hydraté pour mieux digérer la chaleur et la température. Et finalement, pendant le match, malgré des conditions assez chaudes, j’ai quand même pu prendre du plaisir physiquement, donc c’est l’essentiel.

Ta profession t’oblige à beaucoup voyager : tu as le temps, en dehors des matchs, de découvrir et profiter des endroits où tu te trouves ?C’est parfois compliqué. On n’est pas des touristes. On voyage dans le cadre de notre activité professionnelle. La priorité reste de bien préparer la rencontre. C’est pour ça aussi qu’ici, je n’ai pas pu faire tout ce que je voulais parce qu’il y a des entraînements et des contraintes en matière de préparation physique et technique. On doit d’abord être opérationnels et répondre présent pour notre activité.

Qu’a apporté la professionnalisation récente de l’arbitrage ?On est dans la deuxième année maintenant. Cela nous a apporté un cadre, une émulation dans le groupe, une structure plus importante au niveau physique, au niveau technique, au niveau de l’encadrement médical, au niveau du suivi linguistique. Une structure générale et plus de professionnalisme dans le suivi.

L’arbitrage est un métier où il y a à la fois une dimension physique et une prise de décision, des responsabilités, c’est stimulant.

Tu as gravi les échelons progressivement, CFA 2, CFA, National, Ligue 2, Ligue 1 ; c’est un parcours normal ?Le fait de passer par toutes les divisions, c’est un parcours normal. Après, j’ai bénéficié de promotions accélérées dans mon parcours, ce qui m’a permis d’arriver jeune en Ligue 1. Il y a d’autres collègues qui ont suivi le même parcours que moi, je ne suis pas le seul. C’est une vraie volonté de la Fédération de promouvoir des arbitres jeunes pour essayer de rajeunir l’effectif global de Ligue 1.

Tu as arbitré PSG-Bordeaux (6-2) et assisté au festival de Neymar. Comment garde-t-on la bonne distance vis-à-vis du jeu en tant qu’arbitre ? On aime le football, c’est sûr, mais quand on est sur le terrain, on a des responsabilités qui nous éloignent du regard spectateur. On est des acteurs du match, dans un rôle différent de celui des joueurs, mais on ne peut pas se permettre d’être béat devant les prestations des uns ou des autres.

Quelles relations entretiens-tu avec les joueurs ?Je trouve que le climat est dans l’ensemble très bon. Il y a forcément des moments de frustration dans une rencontre, dans une saison. Des décisions peuvent faire polémique, mais je trouve que les relations sont plutôt saines. Après, il est clair qu’un joueur qui fait 30 mètres de course pour venir contester et crier, ça n’aboutira sur rien de constructif.

Quels clichés t’agacent sur les arbitres ?Ceux qui ont pu m’agacer, mais qui ont été bien combattus depuis, c’est sur l’aspect physique, avec l’image de l’arbitre bedonnant. Ça m’agace, car je me considère sportif et je tiens à ce que l’arbitrage reste un sport. Et puis aussi l’arbitre cow-boy qui fait son excès de zèle. Ce genre d’image m’agace fortement parce que je place le joueur, l’être humain au cœur de l’activité. J’ai le sentiment que, certes, parfois, il faut faire preuve de fermeté, communiquer avec eux, être dans une phase d’échange et ce sont ces moments qui créent le ciment avec le joueur. Quand on peut sous prétexte d’une seule image nous qualifier d’arbitre cow-boy, je trouve que c’est un cliché et il a la peau dure.

Est-ce que les arbitres français essaient de se comparer avec l’étranger ? Par exemple, en Angleterre, les arbitres laissent jouer et offrent un temps additionnel à rallonge…Aujourd’hui, l’arbitrage européen est homogénéisé. Les arbitres français font des compétitions européennes, des compétitions mondiales. Si on prend les statistiques sur le temps de jeu effectif, il me semble qu’on est le deuxième pays au classement. C’est la preuve qu’on est dans la volonté d’être des facilitateurs de jeu, des partenaires de jeu et ce n’est pas réservé qu’aux arbitres anglais.

Il m’arrive parfois de courir dans la direction opposée de l’action pour élargir l’angle de vue et prendre la bonne décision si je dois intervenir.

Tu es le plus jeune arbitre de Ligue 1 (28 ans). La limite d’âge ayant disparu pour la retraite des arbitres, tu comptes mourir sur le terrain ?(Rires.) La limite d’âge a disparu, mais ce qui n’a pas disparu, c’est le fait de réaliser les tests physiques. À moins que je sois capable de les réaliser à 85 ans, ce qui m’étonnerait fortement, je pense que je mourrai longtemps après avoir fini ma carrière.

Plus sérieusement, tu travailles en tant qu’huissier de justice en parallèle. Ta reconversion est toute trouvée ?C’est l’objectif. Aujourd’hui, mon activité principale reste clairement l’arbitrage. Avec ce contrat, c’est beaucoup d’exigence. Maintenant, j’ai fait le choix de garder à côté à temps très partiel une autre activité pour une question d’équilibre et de performance. Ça me rassure de ne pas dépendre totalement de l’arbitrage, j’ai l’impression que c’est un facilitateur de performances et me dire qu’après ma carrière, j’aurai effectivement cette possibilité d’avoir un temps plein dans cette profession.

Est-ce qu’on passe une mauvaise nuit après une erreur lors d’un match ?Très mauvaise !

Comment se passe ta préparation physique ?On a déjà le préparateur physique de la direction technique des arbitres (DTA) qui nous suit tous. On a été dotés de montres connectées avec lesquelles on doit lui envoyer chaque semaine toutes nos données d’entraînement. Il exerce forcément un contrôle, mais tient aussi un rôle de conseil. De mon côté, j’ai un préparateur physique en local pour qu’il n’y ait pas de rupture par rapport au travail effectué à Clairefontaine.

Comment fais-tu pour suivre une contre-attaque qui se déroule à une vitesse supersonique ?Déjà, il faut courir. Très vite. Ensuite, les oreillettes permettent de signaler à mon assistant concerné que je pourrais me retrouver loin de l’action à l’arrivée. Le but n’est pas forcément de courir vers la zone où le ballon se trouve, mais de choisir la course la plus logique. Il m’arrive parfois de courir dans la direction opposée de l’action pour élargir l’angle de vue et prendre la bonne décision si je dois intervenir.

Cette saison, tu as sorti 39 cartons pour 3 expulsions en Ligue 1, tu as la gâchette facile ?Je ne suis pas du tout les statistiques, je ne m’y suis jamais intéressé. Pour moi les cartons, c’est une question de circonstances, pas une question de profil personnel. Il y a des matchs de championnat où la tension se ressent avant le coup d’envoi, notamment pour les équipes mal classées en championnat. Ces matchs peuvent être difficiles à arbitrer.

Est-ce inconsciemment compliqué d’arbitrer un « grand joueur » par rapport aux autres ? Je n’ai pas ce sentiment-là. Au niveau technique, l’arbitrage se doit d’être cohérent quel que soit le joueur que l’on a en face de nous. Il y a des incontournables où on n’a pas le droit de fauter, donc là-dessus, je continue à penser que mon arbitrage et celui de mes collègues sont cohérents. Après, il est vrai qu’on ne manage pas tous les joueurs de la même manière, donc là, il y a une individualisation du traitement d’homme à homme. Mais pour ces joueurs-là, quels qu’il soient, s’ils commettent une faute qui mérite jaune, il est de notre devoir de leur donner.

Avant de devenir arbitre, quel footballeur étais-tu ?J’étais défenseur central, plutôt meneur d’équipe. J’avais un niveau correct, mais pas au point d’être professionnel.

Qu’est-ce qui a basculé à 13 ans, un âge où on rêve encore devant le football ?L’envie de découvrir l’arbitrage de par ce que je voyais à travers la télévision, ça m’attirait. C’est un métier où il y a à la fois une dimension physique et une prise de décision, des responsabilités, c’est stimulant.

Un joueur qui fait 30 mètres de course pour venir contester et crier, ça n’aboutira sur rien de constructif.

Tu viens de Bretagne. Peux-tu nous dire pourquoi il y a des drapeaux bretons partout dans le monde ?Le Gwenn ha du (le drapeau breton ndlr) est présent partout dans toutes les compétitions. Oui, je suis fier d’être breton, je fais partie de ces bretons qui sont fiers de l’être.

Tu n’as encore jamais arbitré de club breton, est-ce normal ?Lorsque l’on appartient à une région, on ne peut pas arbitrer les clubs qui sont dans la même région. Après, si Lorient remonte en Ligue 1, et si je suis désigné, je peux éventuellement arbitrer un Lorient-Guingamp, car ces deux clubs font partie de mon district.

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Propos recueillis par Natan Decarrière, à Tahiti

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