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Le chœur de Mezzavia

Par Benjamin Asseraf et Maxime Brigand, à Mezzavia
Le chœur de Mezzavia

C'est le béton d'un peuple. Le sang y coule en rouge et bleu, les femmes y gueulent plus que leurs maris, les gosses sont biberonnés à la passion d'un club. Mezzavia est le cœur du Gazélec, l'épicentre de son âme et la scène de son histoire. Plongée entre un Bistrot et un mégaphone avec la macagna, toujours.

Une nuit de fin janvier, sur la route de Mezzavia. L’horloge file doucement vers les dix heures du soir. Du crâne luisant de Bartolomeu Varela vient de résonner le coup de sifflet final. De la tribune populaire dégueulent encore des chants, de la ferveur. On peut même parler d’amour. Pas un sifflet. Partout en France, on en aurait entendu. Le Gazélec Ajaccio vient pourtant de se faire gifler, dans son stade, par Montpellier (0-4). Face à la presse, Thierry Laurey, l’entraîneur des Gaziers, parlera d’une « bonne leçon qu’il va falloir retenir » . Mais qu’importe, les chœurs de Mezzavia chantent encore. Ils ne sont que quelques milliers. On voit des familles, des grandes gueules, des femmes à la voix de mégaphone, des gamins qui frappent de passion sur les sièges. Quelques drapeaux aussi, bleu et rouge, qui continuent de flotter devant les remerciements des soldats. L’escouade des Compañero continue de gueuler et, encore et toujours, de chambrer. Mezzavia a la mine des mauvais soirs, mais Mezzavia respire, vit et transpire pour son Gaz’. Le stade Ange-Casanova est un foyer familial passionnel et enivrant. Les lumières s’éteignent.

Le Bistrot et la note du caboulot

Ajaccio, aux alentours de 18h. Sur le parking faisant face au stade Ange-Casanova, une camionnette bleue est posée, comme à chaque match à domicile. C’est Le Bistrot. La nuit commence à tomber. Jean-Philippe, Rémi, Alain et leurs potes sont là, comme toujours. Ces gars sont les meneurs, des gamins du Gazélec. Supporter le Gaz’ est une histoire de famille. Jean-Philippe Rosso, 23 ans, a longtemps parcouru les stades de Corse avec son père. Du côté de l’ACA, un peu au Sporting, pour finalement caler sa voix au centre de la tribune populaire, à Mezzavia. Ici, il est devenu une figure. « On ne va pas dire que je travaille toute la semaine, mais avant chaque match à domicile, je regarde un peu sur un blog où il y a des petites histoires sur les joueurs. L’une des meilleures fois, c’était avec Jonathan Zebina, quand on était en Ligue 2. Le mec est arrivé avec un cul énorme et un bide, je me suis dit qu’est-ce que c’est ce fou. Je lui ai crié : « Tu es gros », raconte-t-il. Il s’est retourné, il me répond, et moi, là, j’ai gagné. Tout le monde se met sur lui. On ne le lâchait plus. Un moment donné, corner pour nous, il lâche son marquage sur Pujol qui marque. Et là, on l’attaque encore, et lui, il crise. Son coach le sort dix minutes après la mi-temps, il avait été nul, c’était un trophée pour nous. Après le match, il était encore bouillant, dans le car, avec un regard noir. Il me faisait des signes comme s’il voulait me tuer. »

Chambrer, à Mezzavia, est un sport national plus que nulle part ailleurs. « C’est drôle. Je connais bien les Corses. Ici, ils sont chambreurs. Au début, quand t’es jeune, ça peut énerver, mais maintenant, on en rigole. On sait qu’ils parlent beaucoup, mais on sait qu’ils ne vont rien faire » , se marre Ryad Boudebouz à la fin de la rencontre. Car quelques heures plus tôt, le bordel commence. Jean-Philippe Rosso entre sur scène. Il est 18h30, le car de l’équipe visiteuse arrive au stade. Ce soir-là, c’est Montpellier. « Oh Nicollin, t’avais pas fini le goûter que t’arrives en retard ?! » , « Ooooh Hilton, c’est moi qui t’ai braqué la maison ! » , « Boudebouz, t’as une note à régler au caboulot. T’as pas payé à Bastia, ils t’attendent, t’as 800 euros de notes » , « Il est où Casimir ?!!! » On provoque, on teste l’adversaire. Les Compañero savent recevoir, c’est comme ça. Boudebouz claquera même un sourire. L’ambiance est bon enfant, alors que de l’autre côté de la route, le bitume va changer de couleur le temps de trois minutes.

Blues Brothers, ACA et foot à maman

La ligne 2 du bus débarque. La Sezzione vient de débarquer de l’Aktuel, son QG situé sur la route de Mezzavia. Sa place à Ange-Casanova est en latérale, côté route. La Sezzione est née lors de la montée du Gazélec en Ligue 1 l’été dernier. Le bus recrache alors une bonne vingtaine de types surchauffés, juste derrière un 4×4 surplombé d’un fumi rouge. Tout le monde a son fumigène, son écharpe et gueule « GFCA, lalalala, GFCA, lalalala » . On vient alors lever une baby Heineken au Bistrot, la Sezzione et les Compañero se mélangent. Une telle situation dans les tribunes n’est arrivée qu’une seule fois, cette saison, lors du déplacement à Bastia. Pourtant, la cause est commune, et souvent, on se connaît en dehors. Le parfum de braise commence doucement à monter sur Ange-Casanova, alors que le Bistrot referme son étal. Fin du before. Direction la populaire.

Drapeaux à la main, Jean-Philippe et son équipe n’attendront pas comme tout le monde pour entrer dans l’arène. Au Gaz’, le bordel est une priorité. La tribune est pleine, et il y a de tout : de la mère de famille au petit garçon de huit ans, en passant par ce bon vieux papy qui guette le match avec un bonnet du club vissé sur la tête et la gouaille affûtée. L’engouement pour le GFCA traverse les générations, mais surtout, il n’a ni âge, ni sexe, ni barrière. Quand les joueurs entrent sur la pelouse, les drapeaux flottent et les tambours retentissent. Malheureusement, côté terrain, ça ne se passe pas comme prévu, et le Gazélec se retrouve vite mené au score. C’en est trop pour Jean-Philippe qui, le visage caché par sa cagoule camouflage, ne tient que quelques minutes avant de retourner à son passe-temps favori, la macagna. Dans la cage, Pionnier en prend pour son grade jusqu’à la mi-temps, le crâne à seulement quelques mètres du porte-voix de Jean-Philippe.

Le poids du temps

Après un quart d’heure à débriefer le premier acte, le jeu reprend. « Oh Clément, allez, faut se bouger le cul » , lâche Jean-Philippe à Maury, qui a pris ses quartiers juste devant la chorale. Mais décidément, rien n’y fait. Montpellier en plante un troisième, alors que John Tshibumbu s’échauffe sur le côté : « S’il rentre et qu’il met un triplé, je me mets à supporter l’ACA » , ironise un supporter. Pas d’inquiètude, ça n’arrivera pas, d’autant plus que le Gaz’ va même en prendre un quatrième et dernier pour la route, à une demi-heure de la fin. Du coup, chacun fait passer le temps comme il peut, soit en tapant sur des sièges pour se défouler – pour toi, le pauvre petit et ta main ouverte de rage -, soit en demandant à ses joueurs de « casser des jambes » . Et quand ce n’est ni l’un ni l’autre, les deux groupes de supporters, par tribunes interposées, se mettent à reprendre une sorte de « chant indien » , lancé par Rémi, la quarantaine, qui déborde d’imagination : « Pour celui-là, je me suis inspiré d’une musique des Blues Brothers. En 2001, on recevait Saint-Étienne en Coupe de France, et à la fin du match, un responsable des supporters est venu me voir pour me demander s’il pouvait le reprendre à Geoffroy-Guichard. Et depuis, de temps en temps, si t’écoutes bien, ils la chantent. »

Car le Gazélec, c’est aussi un peu de démesure. On sait d’où on vient et même quand l’équipe se fait balayer, on continue de gueuler. « Ici, c’est ça. C’est de l’ambiance et de la souffrance. En 99, on ne voulait pas nous faire monter et aujourd’hui, on est en Ligue 1. Moi, ça fait quarante ans que je monte, raconte Ange-François. Tout a changé, mais ça reste amateur, même si des choses ont évolué. Regarde cette tribune, avant c’était juste trois petites marches et un grillage. » Ange-Casanova est aujourd’hui une fracture dans le paysage du football français. Il choque par sa singularité, sa pelouse défoncée mais soignée chaque semaine par des dizaines de bénévoles. Mais il reste surtout une place unique où les mecs « calmes la semaine se transforment parfois en schizophrènes passionnés » . On y est fidèle, on y gueule de rage, on se transforme même, parfois. Mezzavia, c’est un peu de tout ça.

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