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Le Cameroun à l’épreuve du racisme ?

Par Romuald Gadegbeku
Le Cameroun à l’épreuve du racisme ?

Après avoir gagné la cinquième Coupe d'Afrique des nations de leur histoire au courage, les Lions indomptables arrivent en Russie en petite forme. Mais au-delà des résultats du Cameroun dans un groupe relevé (Australie, Chili, Allemagne), sa participation à cette répétition générale du prochain Mondial permettra aussi d'en savoir plus sur le présumé racisme banalisé qui règne en Russie, et dont les joueurs africains ont été les principales victimes ces dernières années.

« Insulté de manière raciste pour ce jeu que j’adore. Et pourtant, nous Africains, nous jouerons une Coupe du monde dans ce pays. » C’est par ce tweet plein d’amertume qu’Emmanuel Frimpong mettait en avant, il y a deux ans, l’une des problématiques de la Coupe du monde à venir. Le Ghanéen, alors joueur du FC Ufa, était la cible de cris de singes envoyés par les « supporters » du Spartak. Ping-pong émotionnel oblige, il répond d’un doigt d’honneur. Exclu du terrain, l’ancien Gunner réclame la condamnation du public moscovite. Que nenni, la commission de discipline classe l’affaire sans suite, les cris n’étant pas assez explicites.

La suite, c’est maintenant. Le Cameroun, auréolé de son titre de champion d’Afrique, va participer à la Coupe des confédérations. Et sa participation pose une question : une sélection africaine – a fortiori une équipe composée de nombreux joueurs noirs – peut-elle évoluer sur le sol russe sans heurts ? Embarqué dans un groupe compliqué aux côtés du Chili, de l’Australie, et de l’Allemagne, les Lions indomptables n’avaient pas besoin de se confronter à un adversaire supplémentaire : le racisme. Dompté par la Colombie cette semaine (4-0), et pas au mieux dans son groupe de qualifications pour le Mondial 2018 (2e à quatre points du Nigeria), le Cameroun est bien parti pour n’être qu’un cobaye. Une expérience qui s’annonce rassurante avec l’arrivée d’Alexei Smertine, censé être le nouveau monsieur anti-racisme du Mondial. Censé…

Smertine a mis de l’eau dans sa vodka

« Il n’y a pas de racisme en Russie, parce que vous savez, ça n’existe pas. » Voilà ce que lâchait très tranquillement Smertine il y a deux ans lors d’une interview à la BBC. Il ajoutait que le « jeu » qui consiste pour certains « fans » russes à lancer des bananes en direction des joueurs noirs, c’était « juste pour le fun » . Depuis, l’ancien milieu de terrain bordelais est devenu l’inspecteur chargé des questions de racisme et de discrimination en vue du Mondial 2018 (cherchez l’erreur). Et il a mis de l’eau dans sa vodka. « Le fait que le racisme existe partout dans le monde est quelque chose d’évident et ce n’est pas uniquement un problème russe, a-t-il d’abord fait remarquer. La Russie est un pays multi-ethnique et multi-confessionnel avec des peuples différents qui y cohabitent depuis des siècles. Je suis convaincu qu’aucun incident lié au racisme n’aura lieu ici. » La nomination de Smertine a des allures de gadget à bien des égards. Une façon d’envoyer un signal positif à la FIFA, et qui marque un intérêt de la Russie bien neuf envers les questions de discrimination.

Le FARE (Football Against Racism in Europe), et l’ONG russe SOVA ont publié jeudi leur rapport sur les discriminations dans le football russe. Les chiffres indiquent une légère baisse : on observe 89 incidents racistes et comportements nationalistes dans les trois premières divisions du football russe contre 101 la saison dernière, et 95 en 2014-2015. Autre son de cloche du côté de la Fédération russe, qui affirme n’avoir recensé aucun incident raciste dans ces mêmes divisions. Si en Russie, chaque chapelle semble délivrer son propre catéchisme, on n’est pas obligé de croire la plus orthodoxe. Il y un mois de cela à Sotchi, la sélection du Cameroun a été victime d’un racisme ordinaire, un cocktail à base de clichés et d’ignorance, alors même qu’aucun des Lions n’étaient présents sur le sol russe. Minstrel Show ! Lors de cette parade en l’honneur des équipes qualifiées pour la Coupe des confédérations, chaque nation était représentée par des fans russes. Le Cameroun était représenté par des Russes la peau grimée en noir et qui pour certains avaient eu la bonne idée de ramener leurs bananes. Interrogé sur ces manifestations par CNN, Smertine répond après un fou rire incontrôlé : « Malheureusement, c’est arrivé. Ces gens ne savent pas que leurs actes peuvent blesser, c’est pour cela que notre travail est d’éduquer ces supporters. » Éduquer en un an ? Le bachotage risque d’être difficile, et l’examen blanc, lui, pourrait être le calvaire dont les Camerounais feront les frais.

Le cri de singe promet d’être la vuvuzela de 2018

Si le racisme a pu gangrener les tribunes de certains stades russes, c’est qu’il a depuis longtemps été minimisé par les instances de son football. Les jets de bananes ? Le partage avec les joueurs, en souvenir de l’époque communiste peut-être. Les cris de singe ? Une manifestation originale de la ferveur locale, pourquoi pas. Depuis une dizaine d’années, les témoignages de joueurs ayant vécu ce racisme affluent. Et à les entendre, le cri de singe promet d’être la vuvuzela de 2018. De Yaya Touré, victime de chants hostiles dans l’Arena CSKA en 2013, et qui appelait alors les joueurs noirs à boycotter ce Mondial ( « Si les choses n’évoluent pas, nous n’irons pas en Russie » ) à Hulk, qui garde quelques souvenirs douloureux de ses quatre années au Zénith où il raconte avoir rencontré le racisme dans « presque tous les matchs » qu’il a disputés. Le cas du Brésilien élargit le spectre du racisme bien au-delà des sélections africaines, toutes les délégations ayant des joueurs racialisés pourraient être confrontés au problème.

Cette Coupe du monde aura au moins le mérite de mettre le curseur sur des problématiques longtemps ignorées dans le pays. Et si l’exemple vient d’en haut, comment changer les mentalités dans un pays où les droits des minorités (sexuelles, ethniques, religieuses) sont régulièrement bafoués. Et où la corruption demeure un problème majeur (la Russie est classée 131e pays le plus corrompu sur 176 par l’ONGI Transparency International). Paradoxalement, en Russie, une innovation pourrait bien avoir lieu. En effet, la FIFA a annoncé mercredi que lors des matchs de cette Coupe des confédérations, un protocole en trois temps sera mis en place pour combattre ces incidents. En cas de problème, les arbitres demanderont qu’une annonce soit faite aux spectateurs. Puis le cas échéant, ils pourront arrêter le match momentanément. Et si les incidents venaient à persister, ils mettraient purement et simplement un terme à la partie. Espérons que l’on n’aura pas à en arriver à de telles extrémités, mais au cas où, cette Coupe des confédérations pourrait ouvrir la question du droit légitime à quitter le terrain lorsqu’une partie est émaillée d’incidents racistes. Les Camerounais et les autres sont prévenus. Et si Smertine ne parvient pas à remporter son défi, et que dans un stade ou un autre, un bourdonnement simiesque émane des tribunes, alors peut-être que ce sera aux joueurs de prendre leurs responsabilités. Histoire d’envoyer un doigt d’honneur, en plus poli.

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