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  • Le derby du week-end – Bolivie – The Strongest/Club Bolívar

La Paz des braves

Par Régis Delanoë
La Paz des braves

The Strongest contre Club Bolívar, c’est le Superclásico de Bolivie, un derby entre les deux principaux clubs de La Paz, la capitale. Une rivalité vieille de 90 ans, émaillée d’exploits et de drames, où se mêlent des histoires de nationalisme, de combattants d’une des guerres les plus meurtrières du XXe siècle, de victimes d’un tragique accident d’avion et de héros de la Coupe du monde 1994.

Dans l’Amérique du Sud du début du XXe siècle, l’anglais était à la mode. Nommer son association en rendant hommage à la langue de Shakespeare, c’était bath. Ça donnait un côté citoyen du monde, façon de dire qu’on n’est pas des ploucs. C’est dans cet esprit que furent fondés à cette époque River Plate et Newell’s Old Boys en Argentine, Rangers de Talca et Santiago Wanderers au Chili, ou bien encore The Strongest en Bolivie. Un nom sorti de l’esprit d’une bande de potes de La Paz revenant de leur service militaire et décidant de monter leur propre équipe de quartier. Le club naissant prend aussi vite le surnom d’El Tigre. Nous sommes en 1908 et il faut attendre 1925 pour que soit créé celui qui deviendra le grand rival de la capitale : le Club Bolívar. Entre-temps, près de deux décennies ont passé et l’heure est désormais au nationalisme, avec le centenaire de l’indépendance fêté lors de cette même année 1925. Plus question d’anglicisme, les jeunes intellos à l’origine de la création du club décident de rendre hommage au libérateur de la patrie et premier président de la République de Bolivie, Simon Bolívar. Les jeunes loups sont galvanisés par le climat de liberté de l’époque. Ils ne veulent pas seulement faire du football, mais souhaitent que leur asso s’étende sur d’autres sphères culturelles et intellectuelles. Ils l’appellent d’ailleurs d’abord un peu pompeusement « Atlético Bolívar Literario Musical » , qui deviendra rapidement Club Bolívar. Le premier derby de l’histoire entre Los Celestes de Club Bolívar et Los Aurinegros de The Strongest a lieu le 16 octobre 1927. Depuis, il ne s’est pas passé une année sans que cet affrontement donne lieu à des matchs fratricides, hormis lors de l’intermède de la brève relégation du Club Bolívar en 1964.

Le 6-0 de 79 vs le 7-0 de 2004

Chaque camp possède de solides arguments pour se considérer plus grand et plus fort que l’ennemi, si bien qu’il est difficile de juger. Faites-vous votre avis : d’un côté, une formation de The Strongest possédant une légitimité historique plus ancienne et une quantité de records et de premières (première équipe à remporter un championnat national, première équipe à remporter un championnat pro en 1977, première équipe championne en étant invaincue toute la saison, première équipe bolivienne à remporter un match officiel hors de Bolivie…). De l’autre, le Club Bolívar et son palmarès plus imposant, avec 18 titres nationaux en pro (contre 11 pour le rival), une finale de Copa Sudamericana en 2004 et une demi-finale de Copa Libertadores en 1986. La rivalité entre les deux équipes prend une tournure nationale à partir des années 60, au point que le derby est renommé « Superclásico » au pays. En 1979, le Club Bolívar s’offre sa plus belle victoire, en écrasant 6-0 The Strongest. Cette dernière équipe se venge de l’humiliation en 2004, en cartonnant son fidèle rival 7-0. Mais au moment de défendre l’honneur de la nation, les joueurs des deux équipes se rabibochent, avec en point d’orgue la qualification pour la Coupe du monde 1994 (seule et unique participation à la compétition depuis 1950, malgré l’indéniable avantage de disputer ses matchs de qualification à domicile par 3600 mètres d’altitude…). Dans la sélection éliminée au premier tour par l’Allemagne et l’Espagne figurent 7 joueurs de Bolívar (qui n’est pas surnommé « la Academia » pour rien) et 4 d’El Tigre. Citons le capitaine Carlos Borja, Marco Sandy, Júlio César Baldivieso, Jose Milton Melgar, Luis Cristaldo, Miguel Rimba, Oscar Sanchez… C’est la dernière génération dorée en date du football bolivien. Quart-de-finaliste de la Copa América en 1995, elle s’offre une finale historique à domicile deux ans plus tard (défaite contre le Brésil).

La sanglante bataille de Cañada Strongest

Mais la rivalité entre The Strongest et le Club Bolívar a aussi pris des allures tragiques par le passé. La première fois, c’était lors de la guerre du Chaco, qui a vu s’affronter la Bolivie et le Paraguay entre 1932 et 1935. Un conflit particulièrement sanglant, qui aurait fait au moins 100 000 morts et une multitude de disparus et de mutilés. En jeu, la région du Gran Chaco, un territoire semi-désertique de 240 000 m² que convoitaient les deux jeunes nations aux frontières encore un peu floues à l’époque (du pétrole venait d’y être découvert). Les jeunes Boliviens en âge de combattre sont réquisitionnés et des joueurs de football s’engagent. Un club fait particulièrement preuve de ferveur pour ce conflit : The Strongest. Joueurs, membres du staff et supporters vont même jusqu’à former une division performante de l’armée bolivienne, Los Stronguistas, avec à sa tête le lieutenant José Rosendo Bullain, ancien joueur des Aurinegros. Il meurt au cours de l’héroïque combat du 25 mai 1935, quand 1556 combattants paraguayens sont faits prisonniers. En hommage, cette victoire est restée dans les livres d’histoire sous le nom « Batalla de Cañada Strongest » .

La tragédie aérienne de 1969

Enfin, au plus fort de la rivalité entre les deux clubs de La Paz, un drame a touché The Strongest. C’était le 26 septembre 1969, l’équipe avait pris l’avion depuis Santa Cruz de la Sierra, à l’est du pays, où elle venait de disputer un tournoi amical, direction La Paz. Une heure après le décollage, le commandant de bord ne répond plus. Il faut attendre deux jours pour que soit annoncée officiellement la nouvelle : l’appareil transportant 74 personnes, dont vingt membres de The Strongest (seize joueurs, l’entraîneur, le masseur et deux dirigeants) s’est écrasé, probablement pour un problème de visibilité et de vétusté de l’appareil. Il ne reste qu’un survivant d’El Tigre : le capitaine Rolando Vargas, qui n’était pas du voyage. Autour de lui va se reconstituer une équipe compétitive en seulement quelques semaines, grâce à la solidarité de nombreux clubs rivaux. Et parmi eux, le plus fameux : le Club Bolívar. Les dirigeants de Los Celestes décident immédiatement de prêter quelques-uns de leurs meilleurs joueurs, afin d’aider The Strongest à réaliser des tournées dans tout le pays, dans le but de récolter des fonds. Preuve que si les deux clubs de La Paz sont ennemis, ils savent agiter le drapeau blanc quand les circonstances l’imposent.

David Pereira da Costa, le dix de cœur du RC Lens

Par Régis Delanoë

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