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La minute d’applaudissements éternelle de Bruges

Par Eric Carpentier
La minute d’applaudissements éternelle de Bruges


Depuis le 8 mai 2008, la Blue Army et tous les supporters du Club Bruges KV n'oublient jamais de frapper dans leurs mains à la 23e minute de chaque match. Pour toujours se souvenir de François Sterchele.

« Meilleur buteur de Jupiler Pro League 2006/2007 » : cette première distinction personnelle au plus haut niveau restera à jamais la dernière pour François Sterchele. Une saison moins un match plus tard, l’attaquant belge se tue au volant de sa voiture à Vrasene, entre Bruges et Anvers. C’est avec le club de cette dernière, le Germinal Beerschot, qu’il avait planté 21 buts en 2007 ; ce sont les supporters de la première, la Blue Army du Club de Bruges, qui commémorent depuis 2008 le numéro 23 et, surtout, l’homme qui le portait. Ce jeudi soir encore, à la 23e minute du match contre Naples, malgré le huis clos décidé, chacun aura une pensée pour celui dont la vie s’est arrêtée à 26 ans.

Ton soleil brillera éternellement

« Depuis le début, il a été très populaire. En premier lieu parce qu’il a choisi de venir à Bruges et pas à Anderlecht, qui est notre pire ennemi ! » Isabelle, dirigeante de la Blue Army, a une pointe d’émotion dans la voix au moment d’évoquer François « Sterkélé » – en VO. De fait, après sa saison 2007 de haut vol, celui qui a commencé par martyriser les défenses des divisions les plus basses a la cote et le choix : le Standard, Anderlecht, le Club Bruges, tous les gros sont sur le buteur. Il choisit Bruges et marque onze fois en 31 matchs. Mais au-delà de la rivalité intestine entre Bruges et Anderlecht et de stats correctes pour une première saison, Isabelle se souvient surtout d’un « joueur qu’on aimait voir jouer, qui aimait animer le public, qui se donnait à 200%. Et nous, on préfère ça à un joueur qui a tous les talents et qui ne se donne pas à fond. Lui avait l’engagement et le talent. Et il était très abordable, il prenait le temps avec les supporters. Il était qui il était, il ne jouait pas un jeu. » Alors, quand la nouvelle de son décès est connue, l’émotion est forte.

Trois jours plus tard, dernier match de la saison, contre Westerlo au stade Jan Breydel. « C’était un match surréaliste, on ne s’attend pas à devoir dire adieu à un joueur, à voir ses coéquipiers en larmes… Les joueurs sont entrés sur la pelouse avec une immense photo de François, ils ont fait le tour du stade. Ça donnait la chair de poule, c’était… pfiou ! » Un sentiment indescriptible partagé par les 26 000 supporters présents. La Blue Army y va évidemment de son hommage, quelque chose d’assez traditionnel : « On avait fait une banderole « Ton soleil brillera éternellement », quelque chose comme ça. Mais c’est tout, le club nous avait dit qu’il organiserait tout avec les joueurs. Je suppose qu’il y a eu une minute de silence, à vrai dire je ne m’en rappelle même plus. Quand j’y repense, c’est quand même encore dur. On gagne ce match, mais c’était sans importance. On faisait les adieux à François. » L’histoire tristement normale d’un hommage à un joueur décédé. Avec la trêve estivale, elle aurait pu en rester là. Sauf que l’homme a laissé une trace dans les cœurs, et les mains vont commencer à battre à l’unisson dès la saison suivante.

« Sacré François, il a remis ça ! »

« La saison d’après, on a commencé à applaudir pour lui à la 23e minute, sa minute, son numéro. On s’est peut-être dit « Tiens, on va commémorer en applaudissant à la 23e« , mais on n’a pas mis une banderole « il faut le faire ! » C’était entre nous. Et puis ça a continué, un match, deux matchs, et c’est toujours le cas… » Plus de sept ans que ça tient, sept années que, chaque 23e minute, les supporters se souviennent d’un amour trop éphémère : « C’est énorme. Je crois qu’on ne s’attendait pas à ce que ça dure autant d’années. Il y a des jeunes supporters qui n’ont jamais vu jouer François ! Mais dans un café du stade, il y a toujours cette grande photo que les joueurs avaient rentrée. On avait fait des écharpes, des enfants avaient fait des dessins, ils sont toujours là. Et lui aussi, il est toujours un peu là… » Et parfois, l’attaquant vient donner un coup de main à ses anciens coéquipiers.

Car pendant tout ce temps, il y a forcément quelques moments particuliers. Le plus fort restera peut-être celui du premier derby après l’accident, contre le Cercle Bruges : « On avait un peu de mal, et c’est dans la 23e minute qu’on a marqué le but. On explose de joie, tout de suite après on a crié le nom de François. C’était drôle parce que plein de supporters ont regardé le ciel en disant « Sacré François, il a remis ça ! » C’est difficile à expliquer, on a vraiment cru que c’était un signe de lui. » Il y a encore Gregory Mertens, ce joueur de Lokeren décédé le 30 avril 2015 des suites d’une crise cardiaque survenue trois jours plus tôt. Le 29 avril, lors d’un match contre Charleroi – dont les supporters accompagnent traditionnellement la 23e minute, Sterchele ayant joué dans le club carolo – ceux de Bruges applaudissent pendant la 4e minute, du numéro du défenseur, alors même qu’il a joué pour le Cercle rival. Puis, en septembre 2015, Bruges et Lokeren s’unissent le temps de deux minutes d’applaudissements : « C’était beau à voir. Ils ont connu la même expérience et ça nous lie un peu dans le chagrin, quelque chose comme ça. »

13 novembre et douzième homme

La semaine dernière, c’est tout le monde du football qui s’est rassemblé dans le recueillement après les attentats de Paris. Une minute de silence parfaitement respectée, à Bruges comme ailleurs, qui a renforcé la mémoire de celui parti un soir de mai 2008 : « Ça fait sept années qu’elle se fait, il y a des moments où il y a un peu moins de gens qui applaudissent. Le mois de mars, celui de son anniversaire, ça applaudit plus, le mois de mai, celui de son décès, c’est quasiment tout le stade. Mais, la semaine dernière, j’ai eu l’impression que la 23e minute a été plus intense. » Malheureusement, après l’hommage vient la sécurité, et aucun supporter ne pourra se rendre au stade Jan Breydel ce soir. Peu importe, les joueurs ne seront pas seuls sur le terrain, ni François là où il est : « On va se réunir, ne fût-ce que pour crier très, très fort afin que les joueurs sachent que les supporters sont derrière eux. Et on applaudira à la 23e. Sauf si les autorités décident de pousser dans l’absurdité et nous empêchent de nous rassembler. Mais moi, j’ai un pendentif de Bruges. Si je suis devant ma télé, je donne toujours un bisou sur mon pendentif à ce moment. »

Alors, tant qu’il y aura Isabelle et tous les siens de la Blue Army pour perpétuer la mémoire collective, les applaudissements continueront. Et s’ils s’estompent, il restera toujours un numéro unique, qu’aucun joueur ne pourra plus jamais floquer, le club l’ayant retiré. C’est le second numéro à ne pouvoir être porté sur le terrain à Bruges. Le premier ? Le numéro 12, celui dédié aux supporters blauw en zwart

David Pereira da Costa, le dix de cœur du RC Lens

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