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La FFF attend sa place Tahrir

Par Nicolas Kssis-Martov
La FFF attend sa place Tahrir

Samedi, la FFF va se choisir un nouveau président. Trois listes sont en concurrence, mais fort du soutien du foot pro et d’une situation plutôt apaisée autour de l’équipe de France, Noël Le Graët peut dormir sur ses deux oreilles. Pas facile de s'enthousiasmer pour une telle élection au mode de scrutin verrouillé, où les autres candidats occupent sans illusion l'aimable rôle de caution démocratique.

N’importe quel politicien vous l’expliquera, parfois le meilleur argument de campagne s’avère le bilan calamiteux de son prédécesseur, et dans ce cas inutile de prendre le risque de trop s’aventurer en promesses ou projets ambitieux. Noël Le Graët, de ce point de vue, n’a pas fini de manger son pain blanc. En prenant la suite de Fernand Duchaussoy, marqué par le naufrage du mondial sud-africain et l’affaire des quotas, il pouvait difficilement livrer pire copie. Surtout que l’ancien maire de Guinguamp, chef d’entreprise et ex-patron de l’En Avant, a su valoriser ses qualités et ses compétences, celles que tout le monde attendait du « chef » du foot français : rationalité, efficacité et autorité.

Noël Le Graët peut donc tranquillement dérouler devant ses pairs (et avec en bonus l’adoubement de ses anciens amis de l’UCPF) son bilan en gage de programme – le tout présenté sous un joli et très sobre format Word digne d’un rapport d’assemblée associative de quartier. « L’institution fédérale a retrouvé stabilité et crédit. Son autorité a été affirmée, au moment et à l’endroit où elle devait s’exercer. Les litiges pendants ont été soldés, avec le souci constant de défendre les intérêts moraux et matériels de la FFF. Le renouveau encourageant de l’équipe de France, confirmé par ses bonnes performances récentes, et l’air frais que font souffler les succès du football féminin ont commencé à restaurer la confiance des pratiquants, des supporters et des partenaires en notre football. »

Un « bilan globalement positif » ?

Il faut être honnête, le Breton a effectivement tenu ses engagements ou, en tout cas, rempli la mission qui lui avait été confié voici deux ans : c’est-à-dire rétablir l’ordre dans la grande bâtisse du football, raffermir un semblant d’autorité sur le sélectionneur national et auprès des Bleus – notamment en résistant à la pression des « soutiens » de Laurent Blanc (à voir, la féroce campagne de Pierre Ménès en faveur de son ami) – et garantir les conditions d’une renaissance sportive de l’EDF qui, bien que fragile, semble en effet se manifester sous Didier Deschamps. Même la rudesse de la commission de discipline, par exemple à l’encontre de Samir Nasri ou de ces « espoirs » parodiant la « grande évasion » , donna le change à une opinion publique lassée des frasques des stars du ballon et toujours soucieuse que la hiérarchie sache se faire respecter. On ne réglait peut-être pas la question de l’image détériorée du foot auprès de nos concitoyens, mais au moins le bon peuple avait le sentiment que les choses rentraient progressivement dans l’ordre.

En retour, la chute du nombre des licenciés du foot amateur ( -119 420, soit -5,7% en 2010-2011 selon les chiffres du ministère, plutôt fiables pour le coup ) ainsi que l’affaiblissement économique du foot pro (107 millions d’euros de déficit pour la saison 2011/12, d’après la DNCG) restent des points en suspens. Car au final, la principale charge que les pouvoirs publics, le monde du foot, l’opinion et les principaux intéressés de la Commission exécutive attendent de voir assumer par la direction de la FFF consiste essentiellement à désigner le « bon » sélectionneur national. Tant que cela tourne à peu près correctement de ce coté-là, pas de besoin de s’inventer de grands doutes démocratiques. Après, Noël Le Graët peut toujours afficher son envie de « féminiser » le foot, cela fait toujours joli dans le texte.

« Droite et Gauche » face au président « centriste » ?

Cette élection, de toute façon, n’en est pas vraiment une, devant une assemblée fédérale « composée des délégués des clubs, élus par les assemblées générales des organismes fédéraux et régionaux » , où, par ailleurs, les pros disposent à eux seuls de 37% des voix (minorité de blocage), le reste échouant aux 15 338 clubs amateurs. De facto, nous sommes plutôt devant un banal contrôle de sécurité. Dans le sport, il faut une crise grave pour que les têtes tombent. Certes, dans un élan de « pluralisme » , des listes peuvent se présenter, dont la plupart des membres n’auront toutefois même pas le droit de vote lors du scrutin. Par ce biais un peu tronqué, l’AFFA et son président Éric Thomas bénéficient néanmoins d’une petite exposition médiatique (augmentée cette année par le soutien d’Emmanuel Petit qui rêve, de son côté, de se présenter dans quatre ans… pour gagner), l’occasion de partager leur inquiétude citoyenne devant la situation dramatique d’un foot amateur qui peut légitiment se sentir la cinquième roue du carrosse fédérale (y compris dans le budget où il représente un quart des dépenses, tout en n’apportant, il est vrai, que 45,4 millions des 201,9 millions d’euros de recettes contre 82,2 millions d’euros de partenariat et 58,4 millions de droits télé et billetterie). La grogne a peu de chances de remonter jusqu’au sommet de la pyramide (le score de 2010, 0,19%, laisse songeur).

De son côté, François Ponthieu, ancien président de la DNCG, pose, « à droite » , la question de la pérennité de l’actuel modèle économique du foot, entonnant les louanges « libérales » des fonds privés, y compris au service de la base. Devant le recul des aides publiques, il préconise ainsi le « développement inévitable du sponsoring des entreprises (au profit de la FFF, Ligues, Districts et clubs) grâce à un football non violent et une LFA dotée de moyens » . Il ressemble surtout malheureusement à un casseur d’ambiance, avec ses airs de Cassandre à la mode « réchauffement climatique » annonçant d’ici à dix ans la chute du roi football dans le cœur des sponsors et des médias (et donc de l’opinion). Peu importe d’avoir raison, l’important c’est de participer.

Le foot « seul » ?

Car les problèmes réels que posent les adversaires de Noël Le Graët, et les solutions qu’ils peuvent apporter (comme financer la formation des bénévoles avec les primes des Bleus pour Éric Thomas), semblent malgré tout quelque part hors du champ de compétences de la FFF, d’autant plus qu’elle prétend rester sur sa prudente réserve politique (par exemple, le silence complice de Noël Le Graët sur les 75% que veulent mettre en place ses amis socialistes, alors que, de son coté, la LFP est clairement partie – sans surprise – en guerre contre). Dossier chaud, l’image du football renvoie à une crise profonde de la société et du regard qu’elle porte sur ses diverses composantes, sur sa jeunesse et sur le couple islam/immigration (sans parler de son rapport à la réussite économique). On doute beaucoup qu’un plan fédéral isolé puisse y changer quelque chose. L’affaiblissement des finances du foot pro résulte de la fragilité d’un système fondé sur les droits télé et les transferts, et qui atteint en période d’affaissement économique ses limites structurelles. Si la lourdeur administrative de la Fédération (bref, les maires, qui s’en sont ouverts lors de leur dernier congrès, en ont marre de verser des subventions qui partent en amendes) ou l’éclosion des « autres football » pèsent dans la chute des effectifs, le recul du bénévolat ou de l’engagement touche toutes les fédérations et même tous les domaines associatifs. Il faudra un peu plus que les primes des Bleus pour s’y attaquer. Le foot « dans une seule Fédération » n’est pas franchement en position de résoudre avec ses moyens – et pour le moment sa faible volonté – ces épineuses questions.

Devant ce genre de problématiques de « fond » , l’élection de samedi – un simple renouvellement de la confiance des notables dans un bon gestionnaire – est non seulement décalé, mais obsolète. Repenser le rôle et la place de la FFF et du football dans notre société ne pourra sûrement pas s’y discuter et encore moins s’y construire. Pour le coup, l’espace « démocratique » nécessaire dépasse les rangs de la FFF et de sa direction repliée sur ses propres obsessions et ses salons VIP. Elle devrait concerner l’ensemble des acteurs impliqués. Le foot français a eu ses états généraux, il n’est pas encore prêt pour la prise de la Bastille ou de sa place Tahrir.

Après la trêve internationale, place au festin !

Par Nicolas Kssis-Martov

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