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  • Polémique FFF/Médiapart

La binationalité pour les nuls

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La binationalité pour les nuls

Selon les principaux incriminés, au bout du compte, l'affaire ne serait que le résultat d'un gros malentendu. Désireux d'évoquer le problème des binationaux, les DTN et autres sélectionneurs nationaux n'auraient été finalement, peut-être, qu'un peu maladroits dans la formulation de leurs inquiétudes pour l'avenir de l'équipe de France. Et évidemment, il n'existe aucune mauvaise intention ni la moindre trace de racisme dans tout ce pataquès que l'on doit exclusivement à la mauvaise foi des médias. Pourtant, à bien y regarder, le mal s'avère plus profond et la FFF paie ses choix et ses faiblesses politiques depuis 2006. Petit cours d'histoire.

Voici donc l’argument choc de la défense de la FFF et des principaux concernés alors que débutent les auditions des deux commissions d’enquête (de la FFF et du ministère): où se situe le scandale d’évoquer le problème des binationaux? Chantal Jouanno semble même leur en donner acte en affirmant dans 20minutes que « historiquement, la question des binationaux date des années 30. ça ne date pas d’hier » . De Zemmour à Laurent Blanc, de Fernand Duchaussoy à Pierre Ménès, tous se retranchent derrière cette ultime ligne Maginot de l’offenseur offensé et de la lutte contre le politiquement correct. Seul petit hic, en quoi y avait-il le moindre souci au départ? Et quitte à invoquer l’histoire et notre « culture » , comme l’a suggéré fugacement Laurent blanc lors de cette fameuse réunion du 8 novembre 2010, autant réviser un peu ses fondamentaux.

« La double nationalité existe depuis toujours, mais la France a longtemps été le seul pays, avec le Royaume Uni, à l’accepter, à ne pas considérer qu’il s’agissait d’un problème » . Patrick Weil, auteur d’ « Être Français, les quatre Piliers de la nationalité » (éditions de l’Aube), rappelle en préalable cet héritage républicain aujourd’hui un peu passé en pertes et profits à la FFF, qui oublie de la sorte que le foot est aussi dans la République . « Et pourtant, poursuit-il, c’était après la première guerre mondiale, et la réintégration de l’Alsace-Moselle dans le territoire national. Certains Allemands installés dans la région voulaient devenir Français tout en gardant aussi leur nationalité d’origine. Cela s’est passé sans difficulté aucune, malgré les quatre années de guerre. La France avait suffisamment confiance en elle-même pour dire que du moment qu’elle attribuait sa nationalité, peu importait ce que l’on conservait comme attache ailleurs. Certes, avec la multiplication des état indépendants du fait de la décolonisation a amplifié les cas de binationalité. Mais c’est surtout l’égalité homme/femme qui a rendu le phénomène inéluctable: avant la femme perdait sa nationalité lorsqu’elle épousait un homme d’une autre nationalité; maintenant elle la conserve et peut donc la transmettre à ses enfants comme son mari. Une remise en question est impossible. Le phénomène existe désormais dans le monde entier. Ce sont les autres Etats qui ont fini par adopter la posture française, en en faisant un atout. Dans l’Hexagone, nous vivons plutôt une régression » .

« Blanc en avait un peu parlé au mois d’octobre, prolonge Yvan Gastaut, historien spécialiste des relations entre sport et immigration,la préfiguration de ce qu’il avancera ensuite. Il avait déploré un manque à gagner avec les binationaux. Le véritable casse-tête, c’est que les règlements du foot sont rédigé de telle manière que la binationalité ne puisse s’exprimer. Et même après, le binational doit réitérer constamment et symboliquement ce choix, comme Zidane sommé au moment de France-Algérie de s’afficher à « 100 % français » . La question de la binationalité révèle quelque chose que le foot ne peut mettre jeu, la possibilité de vivre avec plusieurs appartenances » . Et Patrick Weil de conclure que lors du discours de Grenoble, Nicolas Sarkozy avait parlé de « français d’origine étrangère. Quand le président de la république s’autorise à distinguer des catégories de français, et à les hiérarchiser, pourquoi la FFF se l’interdirait? » .

L’apparition inopinée de la question des binationaux ne résulterait donc pas simplement, quoi qu’en disent les « accusés » , d’une préoccupation conjoncturelle devant une fuite précoce des talents et renverrait à une vieille obsession du foot français amplifiée par le contexte brumeux de ces derniers temps, dont l’idée de quota ne serait que l’ultime traduction pratique. « Les quotas ont toujours existé dans le foot français, rappelle Pascal Blanchard , spécialiste de l’histoire coloniale.En Algérie coloniale, des quotas de joueurs arabes dans les équipes pieds noirs avaient été établis » . « On a tendance à l’oublier, rajoute Yvan Gastaut, mais les clubs français avaient instauré à partir des années 50 des quotas d’étrangers dans les effectifs et France Football pouvait titrer tranquillement « Arrêtez l’invasion » .Ce qui choque toutefois c’est de voir cette logique suspicieuse appliquée à des personnes sensées être des citoyens français à part entière, du moins aux yeux de la loi et de la constitution. Partant de là, l’enjeu des binationaux ainsi posé, se distingue-t-il alors vraiment d’une vision « racialiste » » ?

« En effet, le débat a basculé dans l’ethno-racial, est convaincu Patrick Blanchard.Mais c’est quelque chose qui traverse la fédération depuis au moins 4 ou 5 ans. Aujourd’hui ils continuent de répondre à une problématique qui relève de l’ordre du social (les milieux populaires et les minorités discriminées vont pousser leur enfants dans une carrière footballistique perçue comme une des rares trajectoires possibles d’ascension sociale, alors que les classes moyennes ou supérieurs projettent d’autres aspirations sur l’avenir de leur progéniture, ndrl).Un réalité qui s’explique par 80 ans d’histoire , dont les dirigeants de la FFF ignorent tout et font tout pour ignorer les tenants et les aboutissants. Ils n’ont jamais su mettre en valeur, notamment auprès des jeunes, ces 5 générations d’histoire partagée en bleu. Car la France fut, il est vrai, la première nation européenne à intégrer un noir dans sa sélection nationale, à accorder un capitanat à un africain et à un antillais, à aligner, dès 1980, une formation majoritairement composée de noirs…. Au contraire, la fédération nous a systématiquement mis des bâtons dans les roues quand nous travaillions sur le sujet ou sur des expositions décrivant la place des immigrés chez les bleus. La seule structure impliquée dans le foot qui ne nous a pas soutenus, ce fut la FFF, au point de ne même pas signaler ces travaux et productions sur leur site. Sans oublier le rôle de Franck Tapiro (ancien conseiller de Nicolas Sarkozy en 2007, ndlr) qui insistait sur le besoin de gommer toute aspérité, toute diversité, toute profondeur historique de l’identité des bleus. Nous basculons dans l’imaginaire. Certains continuent de penser que notre pays ne peut être représenté par une équipe uniquement constituée de noirs, fussent-ils des français comme les autres. Cela fait 15 ans que Le Pen a mis la question sur le tapis. Ils n’ont pas intégré simplement que l’on pouvait être noir et français » .

Le débat sur la binationalité a donc servi de catharsis. Il va provoquer sûrement des dégâts plus durables que l’on ne le pense . « Le paradoxe, illustre Patrick Weil, c’est qu’après Knysna, deux interprétations dominantes ont émergé. Soit tout découlait des tensions « raciales » voire « religieuses » entre les joueurs, soit la cause principale reposait sur la mauvaise gestion de Raymond Domenech. Or Laurent Blanc avait démontré, en reprenant quasiment les mêmes joueurs, le véritable blocage résultait d’abord d’un management déficient. Or dans ses propos, le nouveau sélectionneur semble malheureusement donner l’impression de valider la première explication. Voilà un terrible paradoxe destructeur » . Pendant ce temps-là, le nom de la taupe présumée est sortie. Il s’agit de Mohammed Belkacemi, responsable du foot dans les quartiers. Comme quoi, les quotas existaient déjà à la DTN finalement !

Nicolas Kssis-Martov

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