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« Jeunes, on mettait la misère à Valbuena »

Propos recueillis par Mathias Edwards
«<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Jeunes, on mettait la misère à Valbuena<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

En 2016, SO FOOT interviewait Moussa Mansaly, le MC bordelais (qui se fait appeler Sam's) qui crève l'écran dans "Validé", la série sur le rap de Franck Gastambide diffusée du Canal +. Il revenait notamment sur la carrière de footballeur qu'il aurait pu avoir...

Dans ton album Dieu est grand, tu racontes ton parcours de footballeur dans le titre F.F.F (Fuck le Foot Frère). Le morceau est bon, mais 4’52 » ne suffisent pas à résumer la folie de cette partie de ta vie. Alors, comment tout cela a débuté ?
J’ai commencé le foot au Club Municipal Floiracais, dans la banlieue bordelaise où j’ai grandi, en pupilles, avant de jouer à Cenon pour deux ou trois saisons, puis au Stade bordelais pendant deux ans. Toujours au poste d’attaquant. Ensuite, je suis parti en Angleterre vers 18-19 ans, parce qu’un pote me dit qu’il a un plan avec la sœur d’Amara Simba, qui est agent de joueur. Ce qui s’avérera être complètement faux.


C’est là que commence la galère ?Ouais. On se retrouve en Angleterre, et la nana se met à faire du porte-à-porte pour me trouver un club. On prend le bus, on sonne à la porte de Crystal Palace. « Oui, bonjour, c’est pour faire un essai. » Je sais que ce n’est pas comme cela que ça marche, donc je lui dis : « Vas-y, je vais me démerder sans toi. » En plus, c’est moi qui payais tout. Les repas, l’hôtel, etc. Elle avait le contact d’une autre agent, une certaine Rachel Anderson. Elle me fait faire un essai dans un club dont je ne me souviens plus le nom, juste pour voir ce que je vaux. Ça se passe bien, le coach lui dit que je peux jouer plus haut, donc je fais un essai à Swansea. Je m’entraîne avec eux, et d’un coup, plus de nouvelles de cette Rachel Anderson. Et rien que pour des questions d’assurance, t’es obligé d’avoir un agent, surtout que je ne parlais pas anglais. Les recruteurs de Swansea étaient intéressés, mais ils avaient besoin d’un intermédiaire. Donc ils m’ont demandé de revenir avec un agent. Quand ils me parlaient, je ne comprenais rien. Du coup, je retourne à Londres pour avoir des nouvelles de cette Rachel Anderson. En attendant, je m’entraîne avec Dulwich Hamlet, avant de jouer pour Hampton & Richmond Borough Football Club, où je me fais les croisés.

C’est la fin de ton périple au Royaume-Uni ?Ouais. Je rentre en France, où M. Jakpa, un agent nigérian, s’occupe de moi. Il commence par me faire faire un essai en D2 israélienne, au Maccabi Herzliya. Mais ça ne me plaisait pas trop. Déjà, à l’aéroport, ils me gardent pendant une heure. « Pour des raisons de sécurité » , m’explique un mec du club. Là-bas, l’ambiance était bizarre, les gens restaient entre eux. Je n’étais pas à l’aise. Je dis à mon agent que je ne veux pas rester, mais comme c’était l’été, ça me faisait quand même une bonne préparation physique. Je rentre à Bordeaux, et tout de suite, l’agent m’envoie faire un essai au FC Rhodes, en Grèce. Ils sont en stage en Crète, je les rejoins, ça se passe bien, ils me proposent un contrat. Je me dis que je vais faire un an là-bas, histoire de me refaire une santé, puis rentrer en France. On est un an après ma blessure, je suis bien. Donc je signe un contrat d’un an, mais j’attends ma lettre de sortie internationale. Donc je joue les amicaux et je fais la prépa. Le problème, c’est qu’ils me donnent un peu de liquide pour vivre, mais qu’ils ne me versent pas mon salaire. À la trêve, je leur dis qu’il faudrait commencer à me payer ce qu’ils me doivent. Ils me disent OK, mais à la condition que je signe pour deux ans. Et je ne voulais pas. Mais mon agent correspondait avec un agent grec qui s’occupait de ça. Et ce Grec voulait que je signe le contrat de deux ans. Il forçait, mais je refusais. À Noël, il a ramené deux joueurs français, et il leur a dit que tant que je ne signais pas le contrat de deux ans, ils ne signeraient pas. Il me met la pression, on s’embrouille, et il me dit qu’il a encaissé ma prime à la signature. Je veux partir, le club essaie de récupérer mon passeport pour m’en empêcher… Bref, je rentre en France en catastrophe.

Je me suis fait opérer à 24 ans, et là, j’ai réalisé que j’en avais marre du foot. Quand t’es blessé, y a plus personne pour te soutenir.

Et là, tu n’es toujours pas découragé ?Non, pas encore tout à fait. De retour à Bordeaux, je m’entraîne avec Libourne Saint-Seurin, qui est en L2, sur proposition d’Hamed Chafni, le frère de Kamel Chafni (ancien joueur d’Ajaccio, Auxerre et Brest, Bordelais de naissance, ndlr), que je connais. Je dois signer un contrat pro, mais Rhodes refuse de leur envoyer ma lettre de sortie internationale. Je joue avec la réserve en CFA2, ça se passe bien. Donc la saison suivante, Stéphane Ziani, qui entraîne l’équipe première, me prend dans le groupe qui jouera en National. J’ai une tendinite, mais je joue sous infiltration. Au bout d’un moment, je fais des radios, et le médecin me dit qu’il faut que je me fasse opérer, sinon mes tendons vont encore lâcher. Je me suis fait opérer, et là, j’ai réalisé que j’en avais marre du foot. Quand t’es blessé, y a plus personne pour te soutenir. J’ai 24 ans, je fais de la musique et du cinéma à côté… Je suis blasé par le foot. J’ai continué un peu à jouer pour le Stade bordelais et Lormont, en CFA2, mais que pour le plaisir.

À ce moment-là, comment tu fais pour concilier le foot, le rap et les tournages ?C’était un rythme de vie incroyable. Par exemple, on pouvait avoir un entraînement le matin, et un autre l’après-midi, que je pouvais esquiver si c’était un spécifique qui ne me concernait pas. Si c’était le cas, je prenais l’avion pour Paris, je tournais quelques scènes, ou j’enregistrais des morceaux, et je rentrais pour l’entraînement du lendemain matin. Je n’avais pas de vie, je bossais 24 heures sur 24.


C’est ce rythme dingue qui a entraîné toutes tes blessures ?Non. Ce qui m’a niqué le genou, c’est que depuis tout petit, j’ai joué au foot partout, tout le temps. Après l’entraînement, j’allais au city-stade, puis au gymnase… On jouait tout le temps sur des surfaces dures. Donc mon genou a morflé. Et puis quand tu joues sous infiltration, tu élimines la douleur, mais tu ne règle pas le problème. Après les matchs, je boitais. La douleur m’empêchait de dormir, je ne pouvais pas rester assis plus de cinq minutes.

Qu’est-ce que tu ressens, quand tu vois jouer à la télé des mecs avec qui t’as joué en équipes de jeunes ?Je suis content pour eux, mais je ressens une frustration. Petits, on allait au Parc Lescure ensemble, on voyait les pros, et on espérait. Et aujourd’hui, quand je vois des mecs avec qui j’ai joué, ou que je connaissais… Je jouais en équipe de Ligue d’Aquitaine, avec Planus, Mavuba, Chamakh, Valbuena…

Et parfois, je croise des gars, ils ont 28 ans et me racontent qu’ils font des essais à Singapour, en Thaïlande… Ils sont dans le déni, ils ne veulent pas s’avouer qu’ils ont échoué.

C’est quoi cette histoire de lettre de renvoi du collège qui t’empêche de signer aux Girondins de Bordeaux ?Elle est arrivée chez moi la veille du tournoi interligue, quand je jouais à Cenon. Pour chaque vacances, la Ligue d’Aquitaine réunit les meilleurs joueurs pour les superviser. Et ils gardent les meilleurs du tournoi pour leur faire faire un stage. Et si t’es bon pendant les stages, t’es invité à participer à ce fameux tournoi interligue. Cette compétition au Haillan, c’est en fait une détection. Il y a plein de recruteurs. J’ai la chance d’être invité à participer à ce tournoi, et mon père propose de nous amener au Haillan, où le tournoi se déroule, moi et deux potes, Eloge Enza-Yamissi (le capitaine de Valenciennes aujourd’hui, ndlr) et Azzedine El Maadoum. Sauf qu’entre-temps, ma sœur a montré la lettre du collège à mon père. Donc mon père m’a puni, et a amené les deux autres. Après le tournoi, Azzedine a signé à Nancy, et Eloge aux Girondins. Après, j’ai vu mon pote Lamine Sané signer aussi à Bordeaux, puis Valbuena, etc. Je suis content qu’ils aient réussi, mais pour certains, j’étais meilleur qu’eux. Mais je n’en veux pas à mon père. À l’époque, c’était différent, le foot n’était pas aussi « people » . Mon père est venu du Sénégal pour travailler. Pour lui, un tournoi de foot, c’est de l’amusement, et ce qui prime, c’est l’éducation. J’avais fait le con à l’école. Donc ce n’est pas à cause de mon père, c’est à cause de moi. Je n’avais qu’à être discipliné.

Pourquoi tu t’es fait virer du collège ?Je faisais le con, tout le temps. La lettre de renvoi, je pensais que c’était une lettre de colle. Je m’étais embrouillé avec un pion… Ce qui me fait prendre du recul par rapport à tout cela, c’est que je fais de la musique et du cinéma. Et parfois, je croise des gars qui continuent à enchaîner les essais dans des clubs, même à un âge où c’est mort. En les voyant, j’ai un pincement au cœur parce qu’ils me font pitié. Les mecs y croient encore. Ils ont 28 ans, et ils me racontent qu’ils font des essais à Singapour, en Thaïlande… Ils sont dans le déni, ils ne veulent pas s’avouer qu’ils ont échoué.

C’est quoi, ton environnement familial ?J’ai trois grandes sœurs, et un grand frère. Comme le grand frère était le roi de la connerie – il a fait de la prison -, moi, j’étais protégé.

Sur les plateaux de tournage, ça parle autant foot que dans le milieu du rap ?Ouais. Sur le tournage de Les Beaux mecs, la série de France 2, avec Gilles Bannier, le réalisateur, on parlait foot, on faisait des pronostics… Je jouais en CFA2, à cette époque. Il y a une scène dans laquelle je suis en train d’attendre, et au lieu de ne rien faire, il m’a demandé de jongler. L’ironie du sort à propos de cette série, c’est qu’elle était super, mais programmée en même temps que les matchs de Ligue des champions. Du coup, les audiences n’ont pas été assez bonnes pour faire une deuxième saison.

Un jour, à Marrakech, je sens un mec qui me tape sur l’épaule. Je me retourne, je baisse la tête, je vois que c’est Mathieu Valbuena.

Tu as des nouvelles de Chamakh, Valbuena, Mavuba et tous les autres ?Chamakh m’invite tous les ans à un tournoi de charité qu’il organise. Eloge Enza-Yamissi, on a grandi ensemble, donc j’ai des nouvelles. C’est avec lui que j’ai créé mon premier goupe de rap, les Fanatiks. Mavuba, j’ai peu de nouvelles, mais on se voit à l’occasion du concert caritatif qu’il organise, parce qu’il invite Youssoupha, qui est mon producteur. Je croise parfois Valbuena en vacances, à Marrakech…

Quand tu croises tes potes qui sont devenus pros, ils te parlent de leur vie de footballeur ?Oui, et ce n’est pas toujours rose. Je suis allé à Las Vegas avec Marouane Chamakh, pour l’enterrement de vie de garçon d’un ami commun. Il était remplaçant à Arsenal, et il m’expliquait qu’il ne comprenait pas, qu’il faisait tout ce qu’il fallait à l’entraînement, mais qu’Arsène Wenger ne le calculait pas. Eloge Enza-Yamissi me parle de ses blessures, ou de ses histoires de contrats. Rémi Gomis, un pote qui joue à Nantes, a eu un long passage à vide. Quand il était à Valenciennes, il devait signer à Toulouse, mais ça ne s’est pas fait. Il s’est retrouvé à Levante, où il ne jouait pas… Quand je leur parle, je ressens qu’ils sont seuls. Même si on n’a pas le même salaire, on a une vie sociale plus riche. Ils sont entourés de pique-assiettes. En matière d’expériences de vie, en dehors du foot, ils n’ont rien. Quand tu leur parles, tu sens qu’il leur manque quelque chose.

Qu’est-ce que vous avez fait, avec Chamakh, lors de ce séjour à Vegas ?On jouait au poker au casino, avec tout ce qui va avec. Mais tous les matins, Marouane se levait et allait à la salle de sport. C’est là qu’il me disait qu’il kiffait l’Angleterre, qu’il avait toujours voulu y jouer. Il me disait : « Même si je ne joue pas, quand je croise des supporters, ils me kiffent. En revanche, je n’ai aucun contact avec Wenger. »

Mavuba et Valbuena, qui étaient très amis, sont aujourd’hui brouillés. Tu sais pourquoi ?Tout ce que je sais, c’est qu’il y a trois ans, Rio a mis une baffe à Valbuena, avant d’entrer sur le terrain pour un Lille-Marseille. Un jour, à Marrakech, je sens un mec qui me tape sur l’épaule. Je me retourne, je baisse la tête, je vois que c’est Mathieu. Il me demande si ça va. J’ai à peine le temps de lui répondre qu’un de ses gardes du corps intervient. Et le gars est en vacances, hein. Mais je peux pas lui en vouloir, parce que jeunes, on lui mettait la misère. En sélection de Ligue d’Aquitaine, on s’entraînait le matin, puis on allait déjeuner. Il y avait un baby-foot, et c’étaient les premiers arrivés qui y jouaient. Donc lui, il ne mangeait pas pour pouvoir jouer, parce qu’il savait qu’on mangeait plus vite que lui. Donc on mangeait vite fait, puis on le dégageait. On lui volait son gel douche. On lui faisait la misère, parce qu’il était petit. Aujourd’hui, il se venge sur le monde, et on ne peut pas lui en vouloir.

Dans cet article :
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Propos recueillis par Mathias Edwards

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