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ACTU MERCATO

Jennifer Mendelewitsch : «Le dernier jour du mercato, c’est la cour des miracles  »

Propos recueillis par Mathieu Faure
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Le mercato s'est officiellement terminé hier soir. Depuis minuit, Jennifer Mendelewitsch, agent FIFA qui gère notamment les affaires du champion du monde U20 Axel Ngando, peut de nouveau souffler. Après deux mois sur la brèche, la jeune femme balance tout sur son milieu et comment les dernières affaires se font avant l'heure fatidique. Loin de la langue de bois, cette admiratrice de José Mourinho est ce qu'on appelle une femme moderne. Sur un terrain, elle ferait une merveilleuse sentinelle devant la défense. Thiago Motta en Louboutin.

Comment se sent-on une fois le mercato terminé ? C’est vraiment dingue les dernières 24 heures ?Fatiguée, et moche avec des cernes. Pour te donner un exemple, j’ai fait Rennes-Lens-Londres-Auxerre les 4 derniers jours, j’ai mangé que des sandwichs Sodebo sur des aires d’autoroute. J’en suis à mon 4e chargeur d’iPhone et je reçois des textos de gens inconnus qui me demandent des attaquants niveau Champions League mais libres et « pas gourmands sur le salaire » ou des messages Facebook du genre « g 1 attakan pr twa on pourer bossé ensembbles » . En un mot, c’est la cour des miracles.

Comment expliques-tu cette folie de la dernière ligne droite ?C’est comme le dernier jour des soldes, où toutes les nanas s’étripent pour la dernière paire de chaussures. Là, les clubs se disent qu’ils peuvent acheter des joueurs à prix cassés, alors les joueurs se mettent à réfléchir à des options qu’ils n’auraient même pas envisagées il y a 3 mois, et puis, il faut pas se mentir, les agents les poussent aussi beaucoup. Une petite commission inespérée n’a jamais fait de mal à personne, hein ?

Ça se passe comment dans les derniers instants ? On ne négocie plus vraiment à la fin, si ?Pour moi, le deal de dernière minute, c’est un mauvais deal, c’est une bouée de sauvetage. Quand un club veut vraiment un joueur, il anticipe, on négocie avant, on se met d’accord. Le deal du 2 septembre à 22H, c’est plus « je sais que t’es en galère, tu coûtes pas cher, viens chez nous on verra ce que ça donne » . Je suis pas du tout favorable à ça, d’ailleurs on se demande pourquoi le mercato dure si longtemps, franchement la FIFA le raccourcirait à 1 mois, ça ne changerait rien pour personne et ça permettrait d’arrêter de jouer au poker menteur pendant des semaines.

Florian Thauvin à 15 millions d’euros alors qu’il avait été acheté 3,5 en janvier, c’est normal ?C’est ni normal ni anormal, c’est stupide. C’est stupide de la part du LOSC qui s’est ridiculisé à jouer les gros bras pour rien et qui va devoir gérer tous les bras de fer à venir, et c’est stupide de la part de l’OM, qui achète bien trop cher un joueur qui, malgré des qualités, n’a encore rien prouvé nulle part. Il vaut mieux qu’il soit performant et rapidement, Thauvin, parce qu’ils sont pas près de le revendre…

Ça t’inspire quoi l’histoire du conseiller de Thauvin, le fameux Tonton Adil ?Le tonton Adil fait intrinsèquement partie du milieu du football, au même titre que le père volage qui réapparaît à la signature du premier contrat professionnel de son fils ou que la michto de télé-réalité ou l’hôtesse dans des boîtes de nuit du 8e prête à tout pour engrosser un jeune joueur.

Ça peut avoir une incidence sur ton boulot, une affaire comme ça ?Ça en a déjà. J’ai plusieurs joueurs qui me disent depuis hier : « S’ils me laissent pas partir, je vais leur faire une Thauvin. » Ils savent pas ce qu’ils viennent de déclencher au LOSC, je ne les remercie pas.

Tu lui aurais conseillé quoi, à Thauvin, s’il avait été sous ton aile ?Moi, je lui aurais dit : « Tu veux pas jouer à Lille, ok. Mais t’as signé un contrat. Alors tu te comportes comme un adulte, tu fais une super saison, et on te négocie un bon de sortie pour le 1er juillet. Tout le monde est gagnant, le LOSC te revendra bien, toi t’auras pris de la valeur après une saison pleine en L1, et à la fin de l’année, tu vas où tu veux. » Mais peut-être que le tonton avait besoin de sa comm’ tout de suite ?

Ça ressemble à quoi tes journées types ?La journée type ? Il y a pas de journée type ! Il faut gérer les urgences s’il y en a, vérifier que tout se passe bien pour les joueurs, enchaîner les rendez-vous aux clubs, démarcher de nouveaux clients, des sponsors, aller voir beaucoup de matchs, négocier la prolongation du joueur X, bouger le club qui a oublié la prime du joueur Y, etc. Ce genre de trucs passionnants, quoi. Ça peut aussi être de mettre un coup de pression à un intermédiaire crapuleux qui essaye de baratiner un de mes petits. J’adore ça, ça me passe les nerfs pour plusieurs semaines, mieux que n’importe quel cours de yoga bikram.

Et ton parcours ?J’ai un Master en droit des affaires et la licence FFF depuis des années. Je suis déclarée à la Fédé anglaise aussi. Mon père était agent avant, donc j’ai toujours baigné dans le milieu du foot, j’y suis entrée petit à petit, il m’emmenait voir des matchs, puis je bossais avec lui en même temps que j’allais à la fac, et quand il a arrêté je m’y suis mise à plein temps.

« Il y a beaucoup d’agents qui ne sont pas des lumières »

C’est facile de se faire un carnet d’adresses ? Quels sont tes rapports avec les autres agents ? On imagine une certaine jalousie entre vous…Je vais pas te mentir, le carnet d’adresses, je l’ai quand même récupéré de mon père à la base. Même si les mecs avec qui ils bossaient avant commencent de plus en plus à prendre leur retraite. Après, c’est au fil des rencontres, quand ça se passe bien avec un club ou un joueur, ils te recommandent et tout s’enchaîne. Mes rapports avec les autres agents sont variables. Très bons avec certains, détestables avec d’autres, bon, l’avantage c’est que, comme je suis une femme, ils me menacent pas de me casser la gueule (pour l’instant). Enfin, en ce qui concerne la jalousie, je suppose que ça existe, moi, je fais mon travail de mon côté et je m’occupe pas des autres.

Existe-t-il des vrais cracks dans ton milieu ? Un mec comme Jorge Mendes ou Mino Raiola, c’est quoi leur particularité ?Haha, leur particularité ? ILS SONT INTELLIGENTS. Faut pas se mentir, il y a beaucoup d’agents qui ne sont pas des lumières … Eux, ils ont tout compris, ils ont l’expérience et une parfaite connaissance du marché, même si ça n’empêche pas quelques combines… Leurs top joueurs sont toujours satisfaits, mais ils en oublient quelques-uns au passage, c’est le problème avec les très gros agents. Les joueurs signent avec eux grâce à leur réputation, et puis ils en entendent plus parler jusqu’au prochain transfert.

Quelle réputation l’agent français a-t-il en Europe ?Celle de ne parler aucune langue étrangère. C’est triste. Moi, je parle anglais et espagnol et je comprends pas mal l’italien. Mais pour 60% des agents, quand ils arrivent dans un club étranger, ils commencent le langage des signes.

On te surnomme « l’emmerdeuse » , c’est vrai, ça ?
Les clubs ont un peu tendance à oublier qu’on ne bosse pas pour eux. On travaille pour les joueurs. Et si leur rappeler ça, c’est être une emmerdeuse, alors oui.

On te le fait sentir, que tu n’as rien à faire dans un milieu d’hommes ?Ça dépend, au début on me traite comme une bête curieuse, et puis si le ton monte, on commence à m’appeler « mademoiselle » pour bien me montrer que je suis pas de la famille… Au final, je m’en fous, ce qui compte c’est de repartir avec ce que le joueur voulait, et ça je sais bien faire… Mais il y a un truc qui ne trompe pas, lors du premier contact, les directeurs sportifs roucoulent et te glissent des « il est bien accompagné le garçon » , j’en passe et des meilleures. Et au moindre désaccord, ils sous-entendent que tu es une hystérique et que tu as du mal à te contrôler. Un mec qui sait négocier est un gros dur qui en impose, par contre une nana c’est tout de suite une chieuse. Je leur fait remarquer leur machisme de temps en temps, ça leur fait pas de mal, aux mecs du milieu, qu’on les recadre de temps en temps. Alors oui, je ne mâche pas mes mots quand je me sens légitime, il m’arrive d’élever le ton et de dire les choses sans détour, mais je suis comme ça dans la vie aussi. Les gens sont souvent surpris parce que j’ai la voix d’une ado de 15 ans, alors évidemment ça contraste.

Ça doit forcément être un atout d’être une jeune femme dans un milieu aussi phallique, non ?C’est sûr que ça facilite le premier contact, mais je ne veux pas qu’on me traite différemment d’un homme. Tu sais, je lis des énormités quand j’entends des journalistes ou pire, des femmes agents, dirent qu’une femme « apporte de la douceur dans ce monde de brutes » ou « sait négocier de façon douce mais ferme » et toutes ces conneries, j’ai honte, j’ai envie de mourir. Moi, je ne suis pas douce ou maternelle, je fais exactement comme un mec le ferait. Quitte à passer pour une casse-couilles. Et puis, je n’ai pas la panoplie de l’agent véreux avec ses pompes en croco qui pose sa bouteille au Palais M ou au VIP et assure, avec une tape dans le dos, « qu’ensemble on va faire de grandes choses » . Ça aussi, ça désarçonne. Moi, je débarque aux rendez-vous avec ma Mini-Cooper et mon bouledogue français qui s’appelle Carlos, en hommage à Roberto Carlos (ouais, le chien a des grosses cuisses). Mais il y a un inconvénient de taille : je ne peux pas entrer dans les vestiaires.

« Je m’endors devant le foot féminin »

Le fait que ton père ait été un agent a-t-il joué dans ta perception du boulot ? Tu voulais faire quoi, à la base ?Disons que j’ai appris plus vite que les autres le côté obscur du boulot. Je sais très exactement qui va essayer de me la faire à l’envers et comment il va s’y prendre. Ce que les jeunes agents mettent 5 ou 6 ans à comprendre, moi je le vis depuis très jeune. Même si j’ai une vision différente de celle de mon père du métier. C’est triste, mais je lui reprochais parfois d’avoir trop de cœur et d’être trop intègre quand il s’occupait du petit frère ou du cousin en garde à vue. Il était très chevalier blanc du foot, mon père, vraiment engagé dans la lutte contre la corruption. Moi, j’ai aussi bien intégré que c’était un milieu, où il ne faut pas avoir trop d’états d’âme. Au départ, je ne pensais pas travailler dans le foot, je m’ennuyais comme tout le monde en fac de droit, et puis je me suis laissée aspirer. C’est quand même plus sympa d’aller voir des matchs que de déprimer dans un cabinet d’avocats avec des gens qui te disent « bien cordialement » et « je reviens vers vous ASAP » , non ?

Et le football féminin dans tout ça ?Désolée, mais c’est pas du tout mon truc. Moi, je veux voir des tacles. Je m’endors devant le foot féminin, je tiens même pas la 1re mi-temps.

Maintenant que le mercato est fini, les journées vont-elles être plus tranquilles ?Un peu plus tranquilles, mais le mercato d’hiver vient vite, même si c’est beaucoup plus calme. Je vais prendre un peu de vacances quand même, faut pas déconner. Deux semaines à Ibiza à bronzer et boire des cocktails sur des plages peuplées d’oligarques russes et d’escorts aux seins refaits, après le mercato, ça détend.

Tu payes combien de facture de téléphone ?J’ai deux numéros français et un espagnol. Ma dernière facture était de 316,89 euros, ça va, non ?

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Propos recueillis par Mathieu Faure

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