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« Je faisais regarder « À la Clairefontaine » à mes joueurs »

Propos recueillis par Axel Cadieux
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Keeper, c'est l’histoire d’un jeune gardien belge de quinze ans, très prometteur, qui devient papa un peu plus tôt que prévu. Comment concilier paternité et sport de haut niveau ? Le réalisateur Guillaume Senez, ancien joueur et entraîneur de jeunes, revient sur la genèse du film et sa propre expérience de formateur.

Pourquoi avoir choisi le poste de gardien de but pour Maxime ?J’aime beaucoup cette ingratitude du poste, keeper en Belgique, et je trouvais que ça faisait écho au personnage de Maxime : cette impuissance à pouvoir faire évoluer le résultat, comme cette absence de maîtrise de la grossesse. Un keeper, il ne va jamais marquer un goal, ou alors très, très rarement. Tout ce qu’il peut faire, c’est limiter la casse, comme dans le film. Au-delà de cette impuissance, j’aime aussi beaucoup l’idée qu’il ait des envies, mais qu’il n’arrive pas à les assouvir, qu’il doive franchir des obstacles tout en se prenant des portes dans la gueule. Dans le foot, c’est ça, il y a beaucoup d’appelés et très peu d’élus. Tu as envie, mais ça ne se concrétise pas. Garder un bébé, c’est pareil : tu as envie ? Mais pourquoi t’as envie ? Pour quelles raisons, avec quel argent, pour quels sacrifices ? Ces questions-là finalement sont propres à l’adolescence et c’est aussi ce qui permet de grandir : quand les idéaux se confrontent à la réalité.

Si je devais faire un film uniquement sur le foot, je resterais très proche des joueurs, juste à leurs côtés.

Et le fait que le personnage de Maxime joue au foot et pas à un autre sport ou d’un instrument de musique, ça t’a semblé évident dès le début ?Moi, j’étais attaquant. J’ai joué au foot toute ma vie, et du coup, comme je pense qu’il faut toujours parler des choses que l’on connaît le mieux, ça me semblait naturel de le placer dans le film. J’ai été entraîneur de foot pendant dix ans, diplômé UEFA, c’est comme ça que j’ai payé mes études de cinéma… J’ai gravi tous les échelons en entraînant des jeunes et j’ai même eu des gamins qui ont joué en première division ou ont été sélectionnés en équipe nationale de jeunes. On a joué contre Arsenal, le PSV, le PSG… Pour autant, dans le film, j’avais envie que ce soit là uniquement en filigrane, comme la nappe phréatique du récit, qui permettrait de parler d’autre chose. Le foot, c’est comme une loupe de la société d’aujourd’hui, ça peut être passionnant selon la manière dont on le voit. C’est une arène cinématographique géniale, mais très peu exploitée à l’écran. Aux États-Unis, y a des superbes films sur le foot américain, genre L’Enfer du dimanche d’Oliver Stone. Ici, rien ! Ou alors la plupart du temps, on n’y croit pas deux secondes. Coup de tête c’est pas terrible, c’est bien parce qu’il y a Dewaere. Y a quand même eu ce film sur Zidane, vachement beau, et puis le reportage Les yeux dans les bleus, hyper intéressant. Mais pas de grande fresque comme Oliver Stone a pu le faire. Pareil pour le baseball, la boxe, y a plein de films… Pour le foot, on n’a pas trouvé le truc.

Si toi, tu devais faire un film uniquement sur le foot, comment est-ce que tu filmerais les matchs ?Je resterais très proche des joueurs, juste à leurs côtés. C’est là que tu ressens tout le truc, l’intensité, le suspense, la tension. Y a des moments fous sur un terrain, des moments qui restent. Le clip de Waka Waka de Shakira, bon c’est nul, mais au milieu, t’as des images d’archives de matchs : c’est incroyablement émouvant, tu pourras jamais demander à des comédiens d’être aussi incarnés dans l’émotion que ces joueurs de foot. Ce clip, juste pour ça, il est phénoménal, tu te sens très proche des joueurs. Ce procédé permettrait aussi d’entendre ce qu’ils se disent, parce que ça, ça me fascine. Je me souviens d’un moment très précis : en 2004, après avoir égalisé contre les Anglais à l’Euro, Zidane réunit tous les joueurs, en cercle, et il leur dit quelque chose. Quelques secondes plus tard, ils marquent le second but sur penalty. Moment extraordinaire, il n’était même pas capitaine, et j’adorerais savoir ce qu’il leur a dit.


Pour revenir au film : ça a été facile pour ton acteur principal d’endosser les habits d’un gardien ?Non, pas du tout, parce que Kacey ne jouait pas au foot. On a dû lui apprendre, il a suivi un coaching intensif pendant un mois, deux heures par jour. Pour qu’il connaisse les bases, les gestes, l’essentiel. Mais pendant le tournage, quand il s’est retrouvé face à un gardien du centre de formation de Strasbourg pour une scène, bah faut pas déconner, la différence s’est vue. Et ça n’a pas plu du tout à Kacey, il a sa fierté, son ego, c’est la star du film, il a quinze ans… Il s’est pris un paquet de goals ce jour-là et ça a été compliqué pour lui, il aurait voulu montrer qu’il était bon après un mois de gros entraînement, ce qui n’était évidemment pas suffisant. C’est devenu vraiment tendu, mais au fond, c’était super, ce tournage à Strasbourg. En plus, comme ils sont en National, l’endroit était à moitié vide. C’était une aubaine. Va au mois d’août au LOSC, y a pas un vestiaire de libre… D’ailleurs, on a visité aussi le centre de formation du LOSC et j’en garde un super souvenir, car ils nous ont fait découvrir un petit jeune belge qu’ils avaient : un grand costaud, tout timide, assis sur son lit, très gentil. Trois ans plus tard, il marquait à la Coupe du monde au Brésil : c’était Divock Origi.

Est-ce qu’on doit le dire aux jeunes pour les recruteurs ? En tant que coach, c’est hyper difficile de choisir. T’as envie de jouer le jeu, de leur faire croire que c’est possible, mais au fond de toi, tu sais parfaitement que ça n’en vaut même pas la peine…

Dans le film, les jeunes sont obsédés par la présence de recruteurs sur le bord du terrain. C’est un truc que tu as observé, toi, en tant qu’entraîneur ? Carrément, les recruteurs, c’était la folie. J’avais une équipe de jeunes de 14 ans, toutes les semaines t’avais des grands clubs européens qui les observaient. Est-ce qu’on doit le dire aux jeunes ou pas ? En tant que coach, c’est hyper difficile de choisir. Tu as envie de jouer le jeu, de leur faire croire que c’est possible, mais au fond de toi, tu sais parfaitement que ça n’en vaut même pas la peine. Tu sais qu’aucun ou alors un seul fera carrière. C’est dur comme position. Et même s’il y en a un qui perce un peu et se retrouve en première division en adulte, il a toutes les chances de descendre l’année suivante, puis encore descendre, et encore, encore, encore, jusqu’à jouer au même niveau que moi aujourd’hui. C’est ce qui est arrivé à un ado que j’avais, un vrai diamant brut. Un autre de mes jeunes avait douze ans, et on avait joué contre l’équipe d’Eden Hazard, une sélection locale, je m’en souviens très bien, car il avait une touffe énorme. Mon jeune, il était bien au-dessus. Mais il a jamais percé, et tu vois où est Hazard aujourd’hui…

C’est le mental qui fait tout, c’est là que se fait le plus gros écrémage et qu’une carrière peut s’effondrer en deux secondes. Regarde Cristiano Ronaldo, ce mec n’a jamais douté de lui-même de toute sa vie, c’est quand même hyper bizarre et c’est le cas de presque aucun jeune. Pour la plupart, c’est un échec, ils ont gâché leur décollage dans la vie, n’ont pas fait d’études et gagnent 500 euros par mois. T’y as cru parce qu’un club a misé sur toi, mais il suffit de ne pas grandir assez vite ou d’avoir une blessure et c’est fini. J’ai connu ça souvent. C’est d’autant plus dur pour les jeunes Belges aujourd’hui qu’on a plein d’excellents joueurs et une vraie bonne sélection nationale, donc ça semble accessible. Après 1998, y a eu une énorme remise en question des instances, on a essayé d’imposer le fameux 4-3-3 de Jacquet à tous les entraîneurs de jeunes et le marquage en zone. Ça a mis du temps, dix ans à peu près, les entraîneurs étaient coachés, et on a donné plus de place au beau jeu, aux techniciens, on a protégé ceux qui avaient plus de talent… Ça a été un gros changement, la formation s’est améliorée et ça commence à porter ses fruits. Bon, le gros paradoxe, c’est que les meilleurs jeunes sont avant tout formés à l’étranger. Mais toute cette génération-là a quand même ces bases communes et ça se voit.

Aujourd’hui, je m’occupe d’une équipe amateur, le FC Coin du Balai, dans une association des joueurs du samedi.

Tu parles beaucoup d’échec, et c’est aussi très présent dans ton film. As-tu vu le documentaire À la Clairefontaine ? Bien sûr ! Ce doc, je le montrais à mes jeunes joueurs. Pas pour Abou Diaby ou Ben Arfa, mais pour le petit-là, le gamin, qui s’en sort pas (Bastien, ndlr). Ça m’a bouleversé, cette séquence où il revient et qu’il voit tous ses potes qui ont réussi. Quelle tristesse, c’est magnifique. Sa vie doit être horrible, tous les jours il est confronté à l’échec en ouvrant le journal et en voyant les résultats de ses potes de classe. Ça doit être une frustration immense.


Tu joues encore au foot ?J’ai continué quelques années en parallèle de mes études de cinéma, puis je suis devenu papa à 28 ans et j’ai arrêté, j’avais plus le temps. Aujourd’hui, je m’occupe d’une équipe amateur, le FC Coin du Balai, dans une association des joueurs du samedi. Un entraînement par semaine et un match le week-end, ça permet de ne pas totalement couper du foot. Avec deux potes, on a un peu repris l’équipe en main et on commence à avoir un bon petit niveau…

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