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Ils jouaient comment, les Sudaf’ sous l’apartheid ?

Par Régis Delanoë
Ils jouaient comment, les Sudaf’ sous l’apartheid ?

L'apartheid a mis hors-jeu pendant plus de 30 ans l’Afrique du Sud, banni du concert international. Au pays pourtant, ça jouait au football, chacun dans son coin : dans les quartiers blancs, dans les townships, mais aussi en prison. Retour sur une drôle d’époque.

« More than just a game. » Plus qu’un jeu. Dans un bouquin signé Chuck Korr et Marvin Close au titre évocateur, les deux auteurs relatent le combat livré par les prisonniers politiques de la sinistre prison de Robben Island – où fut notamment incarcéré Nelson Mandela durant dix-huit ans – pour avoir le droit de jouer au football. Pas au cricket ni au rugby, mais au football. Malgré les interdictions des geôliers et les multiples punitions des débuts, un championnat fut bel et bien créé au sein même de la zonzon, auquel participèrent notamment des hommes politiques de premier rang de l’Afrique du Sud moderne, tels que l’actuel président Jacob Zuma et le ministre Tokyo Sexwale. Korr et Close expliquent que, dans les années 60, un guide de référence consacré aux règles du football et de l’arbitrage était le livre le plus emprunté à la bibliothèque de la prison, juste après Le Capital de Karl Marx. Une preuve de la volonté quasi obsessionnelle de ces prisonniers politiques anti-apartheid de taper dans la balle. Et de le faire dans les règles de l’art. Pour faire semblant de représenter quelque chose. Une nation. Comme si le monde les regardait.

Une FIFA bien conciliante…

Car dans les faits, à cette même période, l’Afrique du Sud n’existe plus internationalement. Ni politiquement, ni sportivement. Le pays des Afrikaners est banni pour avoir mis en place une bonne grosse idée à la con : l’apartheid. Blancs d’un côté, noirs, indiens et métis de l’autre. On ne vit pas ensemble, mais les uns séparés des autres. Les uns exploitant les autres. Instauré dès 1948, ce régime ségrégationniste est vite vu d’un mauvais œil à l’extérieur. Huit ans plus tard pourtant, l’Afrique du Sud est un des quatre pays à l’origine de la création de la Confédération africaine de football (CAF). Comme si de rien n’était. Ou presque. Car dès le départ, les autres membres tiquent : cette sélection interdisant la mixité des races fait vraiment tâche. À tel point qu’elle est interdite de participer à la première CAN en 1957. Un an après, c’est l’exclusion pure et simple de la CAF. Du côté de la FIFA par contre, les sanctions mettent plus de temps à tomber. La FASA, Fédération sud-africaine de football imposant le 100 % blanc sur les pelouses, est d’abord tolérée, avant une première suspension internationale en 1961. Deux ans plus tard, le Sepp Blatter de l’époque, Stanley Rous, se rend sur place, décrète que tout roule et décide de réintégrer le pays banni. Les sympathies pro-apartheid du bonhomme ne peuvent rien en revanche quand un an après, la FIFA décide d’interdire pour de bon à l’Afrique du Sud de participer aux compétitions internationales, sous la pression des nouvelles nations-membres africaines et asiatiques il faut dire.

Smiley Moosa devient Arthur Williams…

Il n’y aura donc pas, pour l’Afrique du Sud, de qualification pour le Mondial 1966, ni les suivantes. La sélection est rayée. Seuls subsistent à l’époque deux championnats nationaux : la National Football League (NFL), blanche, et la South African Soccer League (SASL), de couleur. Un exemple pour illustrer l’absurdité de la situation : en 1972, un jeune joueur d’origine indienne, Essop « Smiley » Moosa, est repéré par un club « blanc » , qui souhaite le recruter malgré sa couleur de peau. Les dirigeants parviennent à le convaincre et le font jouer un match sous le faux nom d’Arthur Williams. Mais la supercherie est vite détectée et ce sont les flics eux-mêmes qui ordonnent l’annulation du transfert… Quatre ans plus tard en 76, alors que le gouvernement paraît enclin à un peu moins de fermeté, une sélection mixte est autorisée à jouer contre une équipe argentine de passage à Johannesburg. Le score : 5-0 pour les locaux. « Quand nous étions ensemble, nous pouvions battre n’importe qui » , rappelait récemment le capitaine de cette éphémère sélection Rodney Kitchin. Impossible de refaire l’Histoire, mais il est fort possible que cette équipe en noirs et blancs aurait pu briller à l’époque sur la scène internationale…

Jomo Somo au Cosmos avec Pelé

Sauf que peu de temps après ce match, les émeutes de Soweto font des centaines de morts et conduisent à une violente répression du gouvernement. Il n’est plus du tout question de mixité, et le foot ne fait pas exception. Triple buteur face à l’équipe argentine et plus grand joueur sud-africain de l’époque, Jomo Sono fuit aux États-Unis, où il est accueilli par les New York Cosmos de Pelé. Avant lui déjà, d’autres joueurs noirs d’Afrique du Sud étaient partis exploiter leur talent balle au pied hors du pays, tels Kaizer Motaung, qui fonde à son retour le Kaizer Chiefs FC. Somo fait de même et fonde le Jomo Cosmos FC. Ces clubs symbolisent le retour à la lumière du football sud-africain à partir des années 80. L’apartheid tombe en 1991 et, quelques mois seulement après, c’est la réintégration au sein de la FIFA et de la CAF. Le premier match international des « Bafana Bafana » a lieu le 7 juillet 1992 face au Cameroun à Durban. La qualif pour le Mondial 1994 est manquée, mais deux ans après, c’est déjà la victoire lors de la CAN disputée à domicile, pour sa première participation. Suivent la Coupe du monde en France, puis un retour de bâton, avec pas mal de désillusions sportives. L’essentiel est ailleurs : l’apartheid est désormais un vieux souvenir et l’Afrique du Sud – même si tout ne tourne pas toujours rond – une nation démocratique qui peut défendre ses couleurs, toutes ses couleurs, sur les terrains de foot du monde entier. Tel que l’avaient rêvé les footballeurs de Robben Island.

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Par Régis Delanoë

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