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« Il a fallu décomplexer le football suisse par rapport aux grands voisins »

Propos recueillis par Raphael Gaftarnik
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Adjoint de la Nati pendant près de 13 années, Michel Pont a quitté son poste il y a maintenant deux ans. Désormais observateur avisé, l'homme affable raconte le projet suisse, et évoque non sans crainte l'opposition future face aux Bleus. Sans neutralité.

La Suisse n’a jamais dépassé le premier tour d’un Euro. Cette année peut-elle être la bonne ?Oui, absolument. Ce serait un manquement de ne pas passer ce tour-là, compte tenu du groupe, compte tenu de la qualité de l’équipe, mais surtout de la nouvelle formule. Avec le passage de 16 à 24 équipes, en ayant les deux premiers qualifiés, puis les meilleurs troisièmes, ce serait vraiment une très grosse contre-performance que la Suisse ne soit pas en 8es. La donne a un peu changé par rapport à avant, car avant, vous aviez les 16 favoris, ce qui faisait un championnat plus relevé que maintenant.

Il y a des joueurs qui ont du mal à faire leur place en club, il y a eu pas mal de blessures, notamment dans l’axe central défensif, donc on est pleins de points d’interrogation. J’ai un peu moins de certitudes que je n’en avais il y a deux ans.

La place logique de la Suisse sera la deuxième place ?C’est l’objectif avoué du sélectionneur. Il veut arriver contre la France pour jouer la première place du groupe.

L’équipe suisse, qui a intégré de nombreux jeunes joueurs, est-elle assez mature pour aller chercher des gros poissons ?Ça fait maintenant deux ans que j’ai arrêté avec la sélection. Mais j’aurais aimé aller en France avec Hitzfeld parce j’étais convaincu que l’équipe sur laquelle on a travaillé quatre bonnes années était mûre pour la France. Aujourd’hui, je suis un peu moins dedans, mais à en juger par les contre-performances, notamment en matchs amicaux, le brassage a été plus important que ce que je ne pensais. Il y a des joueurs qui ont du mal à faire leur place en club, il y a eu pas mal de blessures, notamment dans l’axe central défensif, donc on est pleins de points d’interrogation. Il y a un manque de certitudes, un manque d’un certaine ligne, et cela me fait dire que malheureusement, on n’est plus dans cette dynamique-là. On a deux matchs amicaux encore pour corriger cela, et préparer l’Albanie, qui va être un match déterminant, surtout moralement. Donc j’ai un peu moins de certitudes que je n’en avais il y a deux ans.

Lesquelles ?Le coach cherche encore sa formule. Il a joué en 4-3-3, en 4-4-2, il a pris certaines options qui ne s’avèrent pas encore claires et indiscutables. Ça fouine encore, ça cherche encore la meilleure solution, et à ce titre, quand vous n’avez pas de certitudes dans ce que vous voyez, les questions se posent. Aujourd’hui, les jeunes qui sont dans l’équipe sont des jeunes qui auraient du mûrir, et qui auraient dû être des leaders plus qu’ils ne le sont actuellement. Je pense à des garçons comme Seferović, Shaqiri… Xhaka est également un leader né, mais il doit le montrer en équipe nationale. Sur les autres jeunes qui arrivent, il n’y a qu’Embolo qui s’impose, car c’est un talent à l’état pur, on n’en pas 36 en Suisse à ce niveau-là. En 2014, je pensais que le fruit serait mûr pour la France. Mais entre-temps, le fruit s’est un peu dilué.

Comment les Suisses abordent une nouvelle rencontre face aux Bleus ?L’équipe suisse a toujours eu peur de l’équipe de France. On rencontre notre grand frère. Jamais l’équipe suisse n’a eu la prétention d’être à la hauteur de l’équipe de France, peut-être encore moins maintenant, compte tenu des certitudes de l’équipe de France ces six derniers mois. Mais c’est peut-être dans ce genre de match-là que l’équipe de Suisse peut se révéler. Quand elle est dos au mur, quand elle a le couteau sous la gorge, quand elle a la bonne chiasse au cul, celle qui donne l’adrénaline nécessaire pour se surpasser. Mais encore une fois, c’est le troisième match, et les deux premiers seront décisifs, puisque la Suisse est favorite.

Il a fallu faire comprendre à tout le monde qu’il n’y avait pas de différences entre qui que ce soit, qu’ils soient fils d’Italiens, fils de Portugais, d’Espagnols de la deuxième génération d’immigration des années 60-70.

C’est une habitude de la Nati de se révéler dans les moments difficiles ?Oui, car nous n’avons pas assez de qualités pour en garder sous le coude. Chaque fois qu’on arrive un peu faciles, ou à 80% de nos capacités, on est une équipe qui redevient banale. Régulièrement contre les équipes plus petites, comme Chypre par exemple, dès qu’on a une once d’excès de confiance, de manque de concentration, on devient une équipe à la portée de n’importe qui. En revanche, quand elle réussit à se mobiliser, elle peut déranger n’importe quelle équipe. Maintenant, on n’est pas dans ces certitudes-là actuellement.

Et cette équipe de France, vous lui trouvez des défauts ?J’émets juste un petit doute sur la défense centrale, qui selon les blessures, l’état de forme des uns et des autres, me semble être le point un peu vulnérable. Mais le bloc de l’équipe de France reste solide, et je pense que l’on a un très gros favori. L’amalgame s’est très bien fait, même après vos problèmes extra-sportifs.

Comment la Suisse gère-t-elle l’intégration de toutes ses communautés, qu’elles soient régionales ou en provenance d’autres pays ?Nous, c’est naturellement une priorité, et une philosophie. Quand on a repris l’équipe nationale en 2001 avec Köbi Kuhn, nous étions deux entraîneurs suisses et nous connaissions bien les différences naturelles que le pays a. C’est dans notre nature de devoir nous entendre, de devoir ouvrir nos esprits, d’avoir de la tolérance. Et c’est ce qui s’était perdu au sein de l’équipe nationale avant notre arrivée. Dès le premier jour, ça a été notre leitmotiv et notre base de travail. Il a fallu faire comprendre à tout le monde qu’il n’y avait pas de différences entre qui que ce soit, qu’ils soient fils d’Italiens, fils de Portugais, d’Espagnols de la deuxième génération d’immigration des années 60-70. Avec Benaglio, Barnetta par exemple, on a tout de suite travaillé sur cet esprit-là, pour qu’il n’y ait aucune différence. On a voulu en faire une force, et c’est ce qui a été notre succès. Avant qu’on arrive, il y avait des clans, des clans de langue, des clans de couleur… On a balayé tout ça, en mettant des règles très strictes, un fonctionnement, un cadre… Finalement, la génération des Balkans est arrivée, et puis ça a été la même dynamique, le même travail, en ce sens qu’on rajoutait une différence, une mentalité supplémentaire, puisque les Benaglio-Barnetta étaient toujours, et que cette jeunesse galopante et balkanique est arrivée là avec cette insouciance, cette envie, et cela nous a amené un plus dans la fraîcheur, le fait qu’ils n’auraient aucun doute contre n’importe quel adversaire avec cette faim de réussir.

La Suisse est politiquement correcte, la Suisse est polie, bien éduquée. On aime le consensus, on n’aime pas les bagarres. On a appris dès notre plus jeune âge à s’aimer les uns et les autres et à ne pas être dans le conflit.

Dans l’opinion publique, la jeunesse balkanique ne pourrait pas être ciblée en cas d’échec ?Ça, je ne peux pas le promettre, parce que lorsqu’on y était, on l’a expliqué, on l’a développé, on l’a travaillé. Maintenant, en deux ans, tout peut changer. C’est un travail de tous les instants, et il faut le rappeler à chaque rassemblement, appuyer là où ça fait mal. Autant c’est difficile à créer, autant ça se défait en deux temps trois mouvements si on n’y prend pas garde. Donc aujourd’hui, je ne sais pas exactement comment ça se passe en interne de l’équipe, mais les joueurs sont ce qu’ils sont, avec leur ego, leur évolution de carrière…

Vous parliez du grand frère français. Est-ce un complexe d’infériorité ou une réaction à la suffisance française ?Vous savez, je suis suisse romand de Genève, donc je suis imbibé du football français, de la mentalité française. Comme les Suisses allemands par la Bundesliga et les Suisses italiens du championnat italien. On est tous dans nos régions le petit frère de quelqu’un en quelque sorte. Quand l’équipe suisse joue contre l’Allemagne, on chie nos culottes, quand on joue contre l’Italie et la France, c’est la même chose. Ça a une consonance très derby pour nous et on a été éduqués footballistiquement par nos trois grands voisins. Et pour moi, avec les joueurs qui sont suisses romands, c’est toujours particulier de jouer contre la France, parce que c’est un ogre pour nous. Alors, on a travaillé là-dessus pour atténuer ce complexe suisse. Mais vous savez, c’est dans nos gênes, dans notre éducation. La Suisse est neutre, la Suisse est politiquement correcte, le Suisse est polie, bien éduquée, on aime le consensus, on n’aime pas les bagarres. On a appris dès notre plus jeune âge à s’aimer les uns et les autres et à ne pas être dans le conflit. Donc quand vous avez affaire avec la haute compétition, quand il faut aller faire mal aux autres, se sortir de ses gonds pour affronter une équipe qui fait rêver de l’autre côté de la frontière, ça rend ce complexe suisse compliqué pour un entraîneur et des joueurs pleins d’ambitions. Donc il a fallu décomplexer nos mentalités et le football suisse par rapport aux grands voisins. Ça s’est atténué aujourd’hui, parce qu’on joue souvent contre eux, parce que l’écart se réduit un peu, notamment grâce au gros travail de formation, mais il reste toujours. Ça n’a rien à voir avec l’arrogance française, mais on est conscient que le potentiel de ces pays est supérieur et qu’il est difficile de l’atteindre.

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Propos recueillis par Raphael Gaftarnik

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