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Igor Gurovich : « La Russie a sa place dans la culture européenne »

Propos recueillis par Thomas Andrei et Karina Starobina%
Igor Gurovich : « La Russie a sa place dans la culture européenne »

Suspicions de corruption, accords avec la FIFA refreinant la liberté de la presse durant le tournoi, groupes de qualification un peu ternes... Le Mondial russe ne part pas forcément au mieux, mais compte déjà au moins une réussite : son poster officiel, qui rappelle plus les projets artistiques du début de l’histoire de la compétition que les affiches un peu ringardes et sans saveur des éditions récentes. Son créateur, Igor Gurovich, quinquagénaire à la barbe et chevelure hirsute grise le processus créatif qui rend hommage à deux symboles russes : le (post-)constructivisme et Lev Yachine.

Vous êtes né à Riga, mais vivez à Moscou. Vous aviez une équipe en Lettonie ?En fait, j’ai déménagé à Moscou tout petit. Je devais avoir 3 ans. Donc je suis russe et s’il y a une équipe que je préfère, c’est le CSKA. C’était le club familial, celui choisi par mon grand-père qui était colonel dans l’Armée rouge. C’est un héros de guerre. Il a donc toujours soutenu le club de l’armée. Alors quand j’étais petit, j’aimais regarder les matchs avec mon père et lui. C’était l’URSS, donc il n’y avait pas de bars et on voyait ça sur la télé de la maison. La manière dont ils vivaient le match m’impressionnait beaucoup. Mais je dois vous dire que je n’aime pas vraiment le foot. Je comprends l’attrait, mais le football lui-même, je n’y comprends rien. J’ai eu ce boulot parce la FIFA m’a choisi. Et que je suis un bon designer.

Pourquoi n’aimez-vous pas le football ? (Il réfléchit.) Un match de football, c’est très long et il n’y a souvent pas assez de dramaturgie. Ça arrive qu’on y retrouve beaucoup de sentiments, d’émotions, que ce soit intéressant. Mais ça n’arrive pas souvent, à mon sens. Ces sentiments qui m’intéressent dans le cadre d’un match de foot, ce sont plus ceux qui opposent deux pays que ceux qui sont engendrés sur le terrain.

Nicolas de Staël, peintre français d’origine russe, fait partie des nombreux artistes à avoir peint des footballeurs. Considérez-vous le football comme un art ?Je n’aime pas le football, mais j’aime la culture russe. Et pour moi, le football fait partie de la culture russe. Je pense que le football fait partie de notre héritage culturel. Ça fait partie intégrante de la culture européenne et mondiale et ça devrait être considéré comme tel. Ou comme de l’art, oui.

Pourquoi avoir opté pour cet hommage au constructivisme ? C’est important de parler un langage commun. Ces 40 dernières années, la Russie n’a pas développé un nouveau langage graphique. Mais le constructivisme, c’est un langage culturel que tout le monde comprend en Russie, mais également un moyen de parler au monde entier. Je voulais commencer une conversation et le football était pour moi une bonne opportunité de dire au monde que la Russie fait partie de l’Europe et a sa place dans la culture européenne. Le plus important, ici, c’est la conversation, pas le design.

Les posters récents ne sont pas forcément de grandes réussites. Vous les considérez quand même comme de l’art ?Ce n’est pas à moi de juger, mais je n’aime pas vraiment les posters de ces 10 dernières années. C’est très politiquement correct. Je voulais rappeler que le football est quelque chose de personnel. Le poster de la Coupe du monde au Brésil, on n’arrive pas vraiment à savoir où il a été fait. Ça pourrait être en Mongolie, en Pologne ou au Honduras. Ces posters doivent représenter un minimum l’art national. Ces posters et évènements, ça devrait être de l’art, pas du marketing. L’art unit, le marketing divise.
Vous pouvez me parler du processus de création ?Ça m’a pris deux ans pour créer ce poster. Donc c’est difficile de vous raconter ce que j’ai pu écouter, manger ou où je suis allé pendant le processus. La Russie et la FIFA ont décidé qu’il devrait y avoir Lev Yachine sur le poster. C’est assez évident, pour la Russie. Tout le monde en URSS le connaissait. Quand j’étais petit, à l’école, c’était mon héros. Comme pour tous les enfants d’Union soviétique. J’ai bien entendu regardé tous les anciens posters. Dont celui de la première Coupe du monde, en Uruguay, que j’aime beaucoup, et le mien lui ressemble, en effet. Il y en a beaucoup que j’aime, en réalité. Maintenant, je les regarde différemment en sachant que le chemin vers leur création n’est pas facile. Mais j’aimerais que les futurs posters soient mieux designés, plus recherchés que les posters récents.

Le constructivisme est un art de l’ère socialiste. Le football est aujourd’hui un business, un sport de capitalistes. Vouliez-vous faire passer un message en optant pour le constructivisme ? Une affiche constructiviste avec les logos Coca et McDonald en dessous, c’est assez marrant.Le constructivisme, c’est une idéologie artistique. Pas politique. C’était présent en Europe dans les années 1920 et 1930, même si parfois présenté sous un autre nom. Tu peux voir du constructivisme dans l’architecture, ça peut être assez bourgeois. Le sport, ce n’est pas seulement du business. C’est aussi du rêve. Et que voulez-vous faire, le rêve est aujourd’hui sponsorisé par Coca-Cola et McDonald’s. C’est le monde dans lequel on vit. Oui, c’est assez drôle. Mais Coca-Cola et McDonald’s, c’est toujours mieux que Daesh.

Dans cet article :
Après l’attentat de Moscou, le match amical Russie-Paraguay annulé
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Propos recueillis par Thomas Andrei et Karina Starobina%

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