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Hasta siempre, Riquelme !

Par Cherif Ghemmour
Hasta siempre, Riquelme !

« J'ai adoré jouer au football. J'espère que ceux qui l'ont fait à côté de moi, aussi. J'ai essayé de passer un maximum de bons moments, de tout donner pour les supporters de Boca, de l'Argentine, de Villarreal et du Barça. Je vais maintenant profiter de mon temps libre, je vais prendre du plaisir et profiter de mes enfants. Une vie se termine, mais une nouvelle commence. »

Ouf ! Juan Roman n’a pas fini au Qatar, ni en Australie, ni en Inde, ni aux USA, ni au Brésil, ni au Paraguay… Ni faute de goût ni fausse note. À la manière intègre de Clash qui ne s’est jamais reformé après le split de 1983 (pas comme les Pistols, vendus cash pour une tournée infamante). « Romy » a bouclé la boucle en finissant par où il avait commencé, gamin, aux Argentinos Juniors (saison 2014). De la même façon qu’il était retourné à son cher Boca après son unique passage à l’étranger, en Espagne (Barça et Villarreal, 2002-2007). Parce que Riquelme est resté « Argentino » . Argentin par son faciès aux traits indios, par le maté, par le tango (il dribblait sans se courber, comme glissant sur le parquet, sans jamais regarder ses adversaires). Argentin aussi par la violence. Qui connaît son passé familial lourdement chargé d’aîné d’une fratrie de onze enfants ? Son père, mafieux du sinistre quartier de Don Torcuato de la banlieue Nord de Buenos Aires, le battait et le forçait dès ses 10 ans à jouer des petits tournois locaux afin d’empocher des paris clandestins. En 2002 juste avant son départ au Barça, il avait payé lui-même la rançon de son frère Cristian kidnappé. Un transfert à Barcelone non voulu de sa part, mais décidé quand même par les dirigeants pour renflouer les caisses de Boca. Le Barça alors en mode Star Wars était allé le chercher pour concurrencer vainement les Galactiques de Florentino Madrid ! Voilà pour son profil de desdichado typiquement sud-américain, ténébreux mutique au visage énigmatique… Argentin, Romy l’était aussi sur le terrain dans sa dégaine hautaine, princière, parfois insupportable. À Boca, on a beaucoup ironisé sur le rapport amour-haine qu’il entretenait avec son buteur Martin Palermo. Palermo, c’est le besogneux qui s’arrache tripes à l’air pour le collectif, Riquelme étant le surdoué nonchalant et individualiste qui distille un peu de son immense talent quand il le veut bien. Une controverse typique de la nation argentine depuis ses origines : la distinction sociale entre le caballero courseur de vaches au maintien aristo (Juan Roman) et le peón, cultivateur méprisé qui s’échine à gratter la terre (Martin Palermo)…

Châteaux de cartes en Espagne

De caractère, Roman était donc d’avance peu miscible et peu soluble dans le bouillon européen. À Villarreal, il fera venir d’Argentine des dizaines de ses potes de Don Torcuato par avion spécial pour se sentir moins seul. Idem pour son jeu, foncièrement argentin et donc en décalage sur le Vieux Continent. Parce que si Roman avait du Zidane dans la captation du cuir, du Sušić dans l’intérieur droit, il avait aussi du Valderrama dans son tempo. Un rythme latino de faux lent, mais qui rendait complètement loco. C’est ainsi qu’il s’était révélé au monde lors de la finale de Coupe intercontinentale 2000 avec Boca contre le Real Madrid (2-1). L’imprévisible avait rendu fou Makelele et Gérémi en imposant son beat sur deux registres. Axial, il joue direct, dribble et oriente pour les autres. Et sur les côtés, il temporise (c’est moins dangereux en cas de perte) et provoque les fautes. Même arrêté, il peut attirer et tenir en respect grâce à sa merveilleuse couverture quatre adversaires et les escamoter d’une passe courte qui brise les lignes ou bien balancer des transversales inouïes vers Palermo qui plante. La fameuse paire Riquelme-Palermo avait ressuscité le duo Platini-Boniek. Accessoirement, Riquelme piquera aussi sur des coups francs vicelards qui feront sa gloire. Preuve ultime de son statut de misfit décalé en Espagne, c’est en tant que « prêté » par Villarreal pour six mois à Boca qu’il chourave en juin 2007 une autre Libertadores en plantant au passage trois buts en finales contre le Grêmio (3-0 et 2-0) ! À Villarreal, il était déjà « prêté » depuis deux ans par le Barça… Un an avant, au Madrigal, le tireur d’élite des coups de pied arrêtés avait lamentablement foiré son péno en demies retour de C1 2006 contre Arsenal (0-1 à l’aller). Sans l’arrêt fastoche de Lehmann, le sous-marin jaune pouvait aller en prolongation à 1-0 et, qui sait ?, décrocher la qualif pour la finale… Riquelme n’était pas fait pour l’Europe ? Ses fans penseront au contraire que c’est l’Europe qui ne le méritait pas.

Maradona vs Riquelme

Pas faux du tout, quand on l’observera avec son autre club de cœur, l’Albiceleste. Et notamment en 2006, lors de son unique participation à une Coupe du monde. En Allemagne, le monde entier se rendra à l’évidence : Juan Roman appartenait bien à la classe des grands. Un coaching foireux de Pékermann le privera pourtant d’une accession à la caste supérieure. En quarts contre la Mannschaft, un 4-4-2 losange avec Riquelme au top du top en 10 magistral, juste derrière Tévez et Crespo. Roman contrôle, l’Argentine déroule et l’Allemagne coule (0-1 depuis la 49e, tête d’Ayala sur corner de Riquelme). Et puis à la 72e, José Pékerman remplace Juan Roman par Cambiasso. L’Albiceleste ne tient plus le ballon… Elle se fait remonter 1-1 par Klose (80e), puis se fait trasher aux tirs au but. Questionné par So Foot sur ce match, Roman répondra, laconique : « Je respecte toujours les choix des entraîneurs » … À l’issue de ce Mondial 2006, Romy est alors allé rejoindre la cohorte des grands suiveurs ratés de l’idole Maradona. Le plus doué des 10 de sa génération (avec Ortega, Gallardo, Aimar), Riquelme était le meilleur prétendant à la succession d’El Diez. Lequel, toujours soucieux de demeurer à jamais le plus grand Argentin de l’histoire du foot, l’avait toujours eu dans son viseur. Diego exécutera même Roman en mars 2009. Après avoir critiqué les prestations de Romy avec Boca en tant que coach de l’Argentine, Juan Roman (31 ans) annonce le 10 mars la fin de sa carrière internationale « aussi longtemps que Maradona sera le sélectionneur » . Riquelme ne jouerait jamais plus pour l’Albiceleste. Par maladresse (ou par calcul cynique ?), Maradona avait comme agité le chiffon rouge sous les yeux de Riquelme à la susceptibilité proverbiale. La propension légendaire de Diego à se faire des ennemis de caste expliquerait aussi son clash larvé avec celui qu’il disait vouloir emmener au Mondial 2010… mais qu’il n’avait jamais convoqué en sélection depuis sa prise de fonction en octobre 2008 ! Après la première annonce de Riquelme de sa fin de carrière le 4 juillet 2012, Diego avait enfoncé Roman d’un lapidaire « Riquelme a trahi tous les fans de Boca » .

Éternel retour ?

Diego gardait-il rancune envers celui qui l’avait remplacé dans les cœurs du peuple bostero de la Bombonera ? Le 25 octobre 1997, à la mi-temps d’un Superclásico de feu au Monumental le jeune Riquelme (n°20, 19 ans) avait remplacé Maradona (n°10, presque 37 ans). À la pause (0-1 pour River), un putsch de ses coéquipiers avait carrément destitué Diego, cocaïnomane ingérable devenu poids mort pour l’équipe. Avec Riquelme, Boca l’avait finalement emporté 2-1 face aux Millonarios… Étrangement, comme son glorieux aîné Diego, Juan Roman étirera la fin de sa carrière entre annonces de fin de carrière réelles ou implicites et retours au football, tel ce 8 février 2013 où il resigne pour Boca Juniors. Le mythe de l’éternel retour… Un mythe qui n’a rien de bizarre en Argentine où le souvenir toujours vivace de Juan Perón fait espérer sans cesse à la Nation l’émergence d’un nouveau Perón, d’un digne successeur du père du justicialisme. Statufié de son vivant, Roman avait été élu en 2010 plus grand joueur de l’histoire de Boca Juniors, anobli du titre de « dernier n°10 » (El ultimo diez)… Pendant des semaines, les Riquelmistas (sic) s’étaient mobilisés en masse en investissant la Bombonera pourtant fermée, en communiquant sur les réseaux sociaux, sur leurs T-shirts et sur leurs immenses banderoles afin de faire revenir l’idole sur sa décision. Et Juan Roman leur avait fait le coup du Don’t cry for me Argentina (comme Isabel Perón) en daignant revenir à 34 ans sonnés à la Maison Boca ! Un psy argentin décrivait à merveille l’adulation vouée à l’éternité de ses compatriotes pour leurs grandes figures nationales : « L’Argentine se crée beaucoup de mythes, beaucoup de héros parce qu’elle est un pays jeune. C’est sa façon de se perpétuer. L’Argentine est le seul pays où les mythes ne meurent pas : Gardel chante de mieux en mieux chaque jour, Evita Perón est éternelle et Maradona slalome entre les Anglais, comme hier et après-demain. » Il y a peu de chances que Juan Roman Riquelme revienne sur sa décision d’arrêter, mais il se perpétuera. Voyez pour toujours Roman « Topo Gigio » Riquelme écarter les oreilles en grand pour entendre sans fin les clameurs de la Bombonera…

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