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Hakuna Mateta

Par Maxime Brigand et Florian Manceau
Hakuna Mateta

Anonyme promesse de National il y a encore quelques semaines, Jean-Philippe Mateta s'est retrouvé projeté entre les rumeurs de transferts, la vie d'un joker et la salle de presse du Parc OL. Récit entre Sevran et Châteauroux, en passant par Drancy et un maillot de Ronaldo.

Bob Bradley a le regard fixé sur sa montre. Derrière ses lunettes fines, la main posée sur le bas du visage, l’entraîneur américain du Havre cherche des réponses et tente de comprendre ce qui est en train de se passer devant lui. Ce soir-là, le stade Océane n’est rempli qu’à 20% de sa capacité totale, le lot d’un deuxième tour de Coupe de la Ligue programmé un mardi soir, en plein mois d’août, à 18h30. Quelques jours plus tôt, le HAC venait alors d’enregistrer sa première défaite de la saison à domicile contre Troyes (1-3), et tout a une nouvelle fois déraillé. Après la rencontre, Bradley viendra même « s’excuser auprès des supporters » devant la presse locale. Depuis, Le Havre n’a plus retrouvé le sourire. Mais la France a découvert un gosse de dix-neuf ans. Sur une subtile talonnade d’abord, sur une jambe gauche jetée ensuite, sur une lourde sacoche du droit pour finir. Châteauroux, tombé en National en 2015 après avoir été sauvé d’une première descente un an plus tôt suite à l’affaire Luzenac, vient de retrouver la lumière pendant quatre-vingt-dix minutes avec une large victoire au Havre (5-2). C’était le 23 août dernier. Une date qui restera comme celle où Jean-Philippe Mateta a été lancé à pleine vitesse dans un monde qui ne lui était pas forcément destiné. Entre la médiatisation, le récit d’un transfert historique vers l’Olympique lyonnais contre une enveloppe de deux millions d’euros (plus trois millions liés à plusieurs bonus, avec l’assurance de toucher 20% de la future plus-value à la revente) et une dernière volée claquée contre le poteau de corner de Gaston-Petit, sa célébration de toujours, contre Créteil (1-1) le 10 septembre.

Zlatan, Belfort et la pile

Dans le fond, Jean-Philippe Mateta sait qu’il aurait pu ne jamais se retrouver là. Alors, lundi dernier, coincé entre Bruno Génésio et Jean-Michel Aulas, il s’est contenté de parler « d’un truc de fou » , évoquant son rêve de « jouer au Parc OL » et ses heures passées à « regarder Zlatan » à travers un écran. Trois jours plus tôt, le gamin a cavalé pour la première fois à l’entraînement avec le groupe lyonnais, alors que, dans un premier temps, Génésio avait même pensé à l’emmener pour le voyage à Marseille dimanche soir. Trop juste, trop tôt, trop d’un coup. Car Mateta semble un peu perdu, déboussolé par une grosse quinzaine de jours à espérer, se résigner, puis finalement apprendre à la veille de la victoire de l’OL contre Zagreb (3-0) en Ligue des champions que la porte vient finalement de s’ouvrir. L’affaire traînait depuis plusieurs semaines, entre l’envie de la Berrichonne de Châteauroux de conserver le joueur encore une année en prêt et le souhait des dirigeants lyonnais de suppléer la nouvelle blessure d’Alexandre Lacazette contre Bordeaux (1-3). C’est là que tout a basculé, sur une dernière course lors d’un match déjà perdu. Car peu après la rencontre, alors que le staff lyonnais s’inquiète de la cuisse de son international français, Jean-Michel Aulas décroche son téléphone pour joindre Michel Denisot, devenu vice-président de la Berrichonne après avoir dirigé le club entre 2002 et 2008. L’objectif est simple : utiliser le joker médical autorisé par la FFF pour Mateta.

Hier encore, pourtant, tout devait être plus simple. Châteauroux avait parlé de la possibilité d’un départ de son jeune attaquant sous condition d’une belle somme, ce qui n’a pas été respecté dans un premier temps, car la Berrichonne ne voulait plus d’un transfert sec, mais plutôt une vente avec prêt du joueur pour une saison en retour. Voilà pourquoi Mateta est devenu en quelques heures le joueur le plus cher de l’histoire du championnat de National, loin de la dernière offre transmise par Montpellier il y a quelques semaines qui tournait autour de 600 000 euros. Il y a eu aussi Tottenham, la Fiorentina, la Juventus, un œil de la Roma, puis Rennes, Toulouse ou encore Nice, mais Mateta voulait aller à Lyon. Et un club comme Châteauroux ne pouvait pas refuser un chèque de cinq millions d’euros. « Jean-Philippe tenait à rester en France, sa famille aussi, explique Pascal Elbaz, l’agent qui suit le joueur depuis ses débuts. C’est un joueur qui n’a fait que sept mois de National, qui a toujours marqué beaucoup de buts, mais s’il se plantait à l’étranger, il garderait l’image d’un joueur de national. Certaines opportunités passent dans la vie et il ne faut pas les laisser passer. » Surtout quand elles viennent seulement dix mois après des débuts chez les grands, lors d’un déplacement de Châteauroux à Belfort (1-1), et treize buts en vingt-six matchs de championnat avec l’équipe première. « Aujourd’hui, il est fou de joie et veut prouver que l’investissement n’est pas insensé » , complète Elbaz, alors que le staff lyonnais a été obligé de stopper l’attaquant lors de la première séance. « Si on ne l’arrête pas, il pourrait jouer 24 heures sur 24. »

« Au début, c’était un peu Bambi »

L’histoire de Jean-Philippe Mateta s’est donc écrite ainsi, loin de Sevran, où tout a commencé. Avant Jean-Philippe, il y avait Philippe, un père footballeur débarqué du Congo à l’âge de vingt-trois ans pour tenter sa chance en France. Puis, le papa s’est blessé et a dû faire vivre sa famille en cumulant les petits boulots avec sa femme, Violette. De tous les témoignages ressort une « très bonne famille » qui a livré une « solide éducation » à ses enfants, Jean-Philippe, né en juin 97, et sa sœur Tracy. Reste que le gamin ne s’intéresse pas vraiment à l’école et ne pense qu’à jouer au foot. « Le football le sauve, tranche l’un de ses anciens entraîneurs à Châteauroux, Dominique Bougras, adjoint de Cédric Daury l’an passé et ancien coach de la réserve de la Berri. On sait qu’on est dans un milieu de renards, mais sa force a également été de toujours être bien entouré. Pascal Elbaz est un très bon agent, loin des mecs qui profitent parfois des gamins. » Elbaz a alors récupéré Mateta lorsqu’il évoluait à Drancy où il a débarqué en U15. « On l’avait repéré lors d’un match de coupe de moins de quinze ans à Sevran, sur un terrain humide, bosselé, sec, très dur. Il a intégré directement le groupe DH avec un ou deux copains, sinon je ne suis pas sûr qu’il serait venu. Jean-Philippe était déjà assez timide, mais ne se laissait pas faire non plus. Le truc, c’est qu’il était assez embêté par rapport à sa grande taille, ce qui laissait apparaître une certaine nonchalance. Reste qu’il avait déjà une solide détente, une grosse vitesse et beaucoup de talent » , se rappelle Alain Bimon, son premier éducateur à Drancy.

« Au début, c’est vrai que c’était un peu Bambi » , illustre avec le recul celui qui l’a coaché en U17, Marc Julien. Reste que Jean-Philippe Mateta claque et claque beaucoup avec une « culture foot » supérieure à la moyenne. Le gosse sent le but, bosse à l’entraînement, pue le foot, mais se fait aussi souvent gueuler dessus. Julien : « Personnellement, il m’a rapidement tapé dans l’œil parce qu’il avait des qualités intrinsèques énormes. Il comprend tout, très vite, et c’est ce que Châteauroux avait repéré lors d’un match de DH à Palaiseau via l’œil de Yannick Renioux. Le lendemain, il m’appelait pour me dire : « Je veux ton attaquant. » » De là est née une grosse discussion entre le joueur, l’éducateur et le cercle familial. « La question était de savoir si on prenait le risque de voir un« plus gros club »que Châteauroux, qui venait alors de descendre, se présenter ensuite, mais on n’était pas sûr que cela arriverait » , complète Marc Julien. Voilà comment Mateta a débarqué à Châteauroux il y a deux ans. « Il est venu à l’essai. Franchement, au départ, ce n’était pas gagné pour lui. Est-ce qu’il était au-dessus des autres ? Oui, mais de la taille seulement !, rigole aujourd’hui Laurent Cadu, ancien directeur du centre de formation de la Berrichonne entre 2011 et 2016. Au-delà de ses qualités évidentes, il avait de réelles lacunes au niveau du volume de jeu. Il ne parvenait pas à répéter les efforts, techniquement, il y avait aussi du travail. » Mateta joue alors avec les U19, entraînés par Armindo Ferreira, qui va dans le même sens que Laurent Cadu : « Il avait du mal à se coordonner. Il se fatiguait rapidement et ne comprenait pas le travail défensif, l’aspect tactique d’un avant-centre. Les deux premiers mois ont été compliqués, il n’a pas trop joué, j’ai été sévère avec lui, jusque dans les causeries de mi-temps, car on était bien conscients du potentiel qu’on avait en face. »

Ronaldo et les patates

Reste que la rigueur est récompensée face à un joueur « toujours à l’écoute » et à qui il « fallait parfois arracher les mots de la bouche » selon Dominique Bougras. Jean-Philippe Mateta va au charbon, s’arrache, prend doucement goût au travail physique tout en « en redemandant à la fin de l’entraînement » . « Résultat : il a rapidement progressé. C’est ce qui est le plus surprenant dans sa trajectoire : une fois arrivé à Châteauroux, ses progrès ont été très linéaires, ce qu’on ne voit que rarement avec un attaquant » , complète Laurent Cadu. Son ancien éducateur, Alain Bimon, avoue être « scotché. Chez nous, à Drancy, ce n’était pas une bête d’entraînement. On pouvait même penser qu’il allait se contenter de ses points forts, sans se faire violence. » Tout le monde sent alors rapidement que le gamin est prêt pour aller voir plus haut, au point de débarquer en réserve en janvier 2015 avec Bougras. « C’est là qu’on a commencé à travailler sur le travail technique en mouvement, le sens du déplacement et le jeu dos au but en plus de son adresse parfaite devant le but » , analyse l’ancien coach. Pour sept buts en sept matchs avec la CFA 2, alors qu’il n’avait pas marqué une seule fois lors des six derniers matchs de la saison précédente avec le même groupe. Cédric Daury, alors à la tête de l’équipe première jusqu’en juin dernier et aujourd’hui à la recherche d’un nouveau projet, se laisse tenter et le convoque en National : « Il avait toutes les qualités du jeune malgré un travail musculaire nécessaire : l’insouciance et une habileté devant le but qu’on ne voit pas tous les jours. »

Voilà pourquoi, deux bouts de match chez les grands plus tard, il connaît une première titularisation pour un premier doublé. Puis neuf autres buts là où Michel Denisot lui avait parié d’en mettre dix. « Pas la peine de s’appeler José Mourinho pour s’en apercevoir. Alors je lui avais proposé un petit challenge : s’il mettait dix buts, je lui offrais un maillot de ma collection personnelle, un maillot de Ronaldo, le vrai. Je lui ai donc donné dans le vestiaire un jour de match. Il était assez gêné, mais très respectueux. Il m’a envoyé un texto après-coup, en s’excusant presque : « Je ne savais plus quoi dire » » , raconte le vice-président Denisot. On retrouve la nature de Jean-Philippe Mateta, réservé en présence des éducateurs – Daury explique que son rôle était alors de le « secouer un petit peu » –,, mais qu’on imagine plus fou avec ses coéquipiers une fois les yeux tournés. « Il n’a jamais posé le moindre problème. » Bien au contraire. « Une fois, ils étaient quelques-uns à faire les zouaves au self. Franchement rien de méchant, rembobine Laurent Cadu. Comme sanction, on leur a imposé des travaux d’intérêt général. Jean-Philippe devait éplucher des patates. Bah même ça, il l’a pris avec le sourire. » Jusqu’à surprendre lors de ses dernières semaines à Châteauroux en séchant l’entraînement. Pour contester un départ avorté ? « Ce n’était pas un bras de fer, assure son agent. Il était simplement très contrarié de ne pas être libéré par son club. Le transfert a pris du temps et les décisions changeaient constamment. » Et tout le monde s’y est aujourd’hui retrouvé. Hakuna Mateta.

L’OL mise sur la jeunesse extérieure
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