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Haggui : «Apprendre à écouter le peuple»

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Haggui : «Apprendre à écouter le peuple»

Passé notamment par Strasbourg et Leverkusen, Karim Haggui, capitaine de la Tunisie, évolue aujourd'hui au Hanovre 96. Le défenseur central se livre sur le superbe parcours de son équipe, dauphin de Dortmund en Bundesliga, ainsi que sur la situation de son pays d'origine.

Karim, tu as rejoué avec Hanovre 96, après avoir purgé ta suspension de cinq matchs. Comment te sens-tu ?

C’est dommage d’avoir raté autant de matchs (il avait été suspendu pour un geste d’humeur sur Kuba, lors de la défaite de Hanovre face à Dortmund 4-0, ndlr), surtout que je ne suis pas un joueur agressif, à la base. L’an dernier, j’ai joué trente matchs et n’ai pris que deux cartons jaunes… Ça m’a fait bizarre de ne pas jouer ; j’ai été puni par la Ligue, mais je ne me suis pas découragé pour autant, j’ai continué à travailler et j’ai fini par regagner ma place.

Tu dois être content. L’équipe a bien tourné sans toi, mais tu as quand même été réintégré dans le onze titulaire. Ça montre que le coach Mirko Slomka compte sur toi…

C’est vrai malgré mon absence durant cinq matchs, j’ai repris ma place de titulaire. Durant cette période, j’ai fait beaucoup d’efforts aux entraînements pour garder une bonne forme et réussir à montrer à l’entraîneur que je mérite d’être dans l’équipe. Et ça me fait un grand plaisir de faire partie de cette génération de joueurs qui est en train d’écrire l’histoire du club.

Justement, Hanovre a réalisé une superbe phase aller, où elle a fini quatrième et, grâce à la victoire à Francfort, Hanovre est deuxième désormais…

C’est clair, on est en train de réaliser des résultats historiques dans la vie du club sur tous les plans. Espérons qu’on reste sur la même lancée.

Vu la saison que tes coéquipiers et toi réalisez, les objectifs du club doivent avoir changé, non ?

Chaque club, chaque entraîneur et chaque joueur a un plan, que ce soit personnel ou collectif. Notre objectif, c’était dès le début d’atteindre le plus vite possible les quarante points. Aujourd’hui on est à trente-quatre. C’est sûr, dès qu’on arrive à notre objectif de base, on fixera on nouvel objectif.

Parlons d’autre chose maintenant, un sujet qui doit te tenir à cœur, en tant que Tunisien. Comment as-tu vécu les événements qui se sont déroulés ces dernières semaines en Tunisie ?

Malheureusement, j’étais à l’étranger, donc j’ai dû suivre tous les événements à la télé. J’ai pensé à ma famille, mes proches. J’ai eu peur pour eux et puis tous ces morts, ça m’a fait très mal. J’ai été très déçu par l’ancien régime, je ne pensais pas qu’il agirait ainsi vis-à-vis du peuple. Aujourd’hui, je suis fier d’être tunisien, je suis fier de mon peuple, qui s’est montré solide et solidaire dans ces moments difficiles.

Même si tu es à l’étranger, tu dois te sentir très concerné, puisque tu es originaire de Kasserine, l’une des villes les plus touchées par les émeutes…

C’est vrai, j’ai encore beaucoup de famille là-bas, mes grands-parents, notamment. J’ai eu très peur pour eux. Il y a eu beaucoup de morts. J’ai même appris qu’un de mes voisins d’enfance était mort… Mais les gens de Kasserine se sont montrés très forts. Je suis très fier d’eux.

Des nouvelles de ta maman ?

Oui, je l’appelle trois à quatre fois par jour. Elle est à Sousse, en compagnie de mes sœurs. Elle va bien.

Il va de soi que tu t’inquiètes pour ta mère. As-tu cherché à la faire venir en Allemagne ?

Bien sûr mais elle a refusé de venir. Je la comprends tout à fait, elle est dans le même cas que moi, quelque part : elle s’inquiète également pour ses parents et se dit qu’elle ne peut pas les abandonner.

Qu’as-tu pensé de la fin de régime de Zine el Abidine Ben Ali ?

J’ai été très déçu. Dans l’ensemble, les Tunisiens ont beaucoup donné, beaucoup travaillé pour que la Tunisie atteigne ce niveau de développement. Et quand je vois comment ça se finit, que malgré son départ il y a encore des victimes, je suis vraiment dégoûté. Mais bon, je ne veux pas m’étendre sur le sujet, je ne suis pas en Tunisie, je n’ai pas vécu les choses sur place. Moi, tout ce que j’ai à faire, tout ce que je veux faire, c’est donner une bonne image de mon pays et des Tunisiens en ces temps difficiles auprès des Français et Allemands…

Que penses-tu des tous derniers événements en Tunisie, en particulier du nouveau gouvernement formé (le Premier Ministre, Mohammed Ghannouchi, est l’ancien Premier Ministre de Ben Ali, et six de ses ministres font partie du RCD, l’ancien parti unique) ?

Je ne suis pas un politicien ; la seule chose que je peux dire, c’est que désormais, le peuple doit décider tout seul qui il désire avoir à sa tête. On doit apprendre à l’écouter.

Penses-tu que les libertés acquises, comme la liberté d’expression, ça va durer ?

Ce serait vraiment dommage s’il y avait un retour en arrière, d’autant plus que des gens sont morts pour cette cause. Par ailleurs, au cours de ces dernières semaines, il a été démontré qu’on ne peut résister au peuple tunisien. Les prochains gouvernements devront écouter le peuple, c’est inéluctable. Ce n’est pas le peuple qui doit avoir peur du gouvernement, c’est le gouvernement qui doit avoir peur du peuple.

Le championnat tunisien a été suspendu durant les émeutes. Maintenant qu’il y a un nouveau gouvernement, va-t-on assister à des réformes dans le football tunisien ?

Pas que dans le football, dans tous les sports, d’ailleurs. Je peux imaginer une nouvelle façon de fonctionner pour le Ministère des Sports, mais je n’en sais rien, pour l’instant.

Est-ce que, par extension, on pourrait comprendre qu’en équipe nationale de football par exemple, un joueur a déjà été choisi non pour ses qualités, mais parce qu’un ministre a mis la pression ?

Non, non, il n’y a jamais rien eu de tout cela. Tous les sélectionneurs que j’ai eus ont eu les mains libres.

Tu parlais tout à l’heure de message à délivrer ; en tant que capitaine de l’équipe de Tunisie, quel est le message que tu souhaites faire passer ?

Je suis un joueur de football tunisien, je joue dans un grand championnat, j’ai une stature internationale et j’ai la chance de pouvoir parler aux médias. Alors, j’en profite. J’essaye de faire comprendre aux gens en Europe ce qui se passe réellement en Tunisie, quelles sont les revendications de mon peuple, qui a beaucoup souffert ces derniers temps. J’essaye de faire comprendre que beaucoup de sang a coulé, le sang de beaucoup d’innocents, et que celui-ci ne doit pas avoir coulé en vain. Nous devons reconstruire notre pays. Et moi, j’essaye de le faire à ma façon.

Serais-tu prêt à t’engager pour une œuvre caritative ?

Je l’ai déjà fait à l’époque de Ben Ali, je le referais donc sans aucun problème aujourd’hui. C’est mon pays, il m’a beaucoup donné, c’est grâce à lui si j’en suis là aujourd’hui. Je pense que tous les Tunisiens sont prêts à aider leur pays et cette période difficile ne peut que nous rendre encore plus solidaires.

Propos recueillis par Ali Farhat

Après la trêve internationale, place au festin !

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