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Grégoire Marcombes : « C’était le match de notre vie »

Par Gaspard Manet
Grégoire Marcombes : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>C’était le match de notre vie<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Jeudi dernier, ils étaient 80 supporters des Verts à prendre le départ de Lyon pour se rendre à Manchester, assister au match de leur club de cœur face au grand United. Sauf que tout ne s’est pas passé comme prévu. Après une escale à Düsseldorf, ils ne poseront jamais le pied sur le sol anglais. Pourquoi ? Grégoire Marcombes, fondateur du collectif Düsseldorf, raconte.

Déjà, est-ce que les 80 supporters concernés font partie d’un groupe de supporters ? Non, on ne se connaissait pas. Il y avait des supporters classiques, d’autres qui faisaient partie d’une section, moi, par exemple, je fais partie de la section Lyon. J’étais avec mon beau-père et l’un de mes amis, mais c’est tout, nous ne connaissions personne d’autre. On avait donc un premier vol Lyon-Düsseldorf le jeudi matin et ensuite, après quatre heures d’escale en Allemagne, on avait un second vol jusqu’à Manchester, en début d’après-midi.

Il n’y avait pas de Lyon-Manchester direct ? Si bien sûr, mais c’était beaucoup plus cher. Il y avait aussi des vols affrétés par le club, mais ce n’était pas forcément le plus intéressant pour nous puisque les places étaient à 400 euros et qu’on avait trouvé celles-ci à 200 euros. Et puis ce n’était pas le plus pratique non plus, puisqu’il fallait aller à Saint-Étienne et que le vol retour était à trois heures du matin dans la nuit de jeudi à vendredi. En gros, pour nous, c’était plus économique et plus simple de prendre ce vol-là.

Comment se passe le vol Lyon-Düsseldorf ? Très bien, tout le monde monte dans l’avion sans aucun souci, il y avait donc des supporters stéphanois avec des écharpes et des maillots, mais personne ne parle trop, on n’entend pas le moindre chant. Une fois qu’on est arrivés sur place, chacun fait ce qu’il a à faire, certains mangent, nous on est allés au Mcdo par exemple. D’autres sont allés boire un coup à l’aéroport, et d’autres encore sont même allés voir le centre ville. Tout le monde se disperse, fait sa vie.

Vient ensuite le départ pour Manchester ?Voilà, exactement. Le vol était prévu pour 14h50, donc là tout le monde commence à embarquer et les gens sont heureux, c’est enfin le départ pour Manchester, le fait d’aller au match commence donc à être plus palpable. Et là, certaines personnes commencent à entonner des chants en entrant dans l’avion, mais de façon très festive, ce n’était pas des chants agressifs. Il y a eu le « Chalalala » , « Grâce à Monnet-Paquet on va gagner » et un troisième chant dont je ne me souviens plus, peut-être un « Saint-Étienne, Coupe d’Europe » .

Il y avait beaucoup de voyageurs qui n’avaient rien à voir ?Oui, pas mal. Il y avait des Allemands, des Anglais, des supporters de Manchester, et même, je pense, d’autres supporters stéphanois, mais qui étaient plus discrets d’un point de vue vestimentaire, habillés en civil, en gros. Mais il n’y avait aucun problème avec les autres passagers. À ma droite, il y avait un supporter de Manchester qui s’en foutait complètement, il attendait juste que l’avion décolle. Il y en avait d’autres qui filmaient les chants, c’était vraiment bon enfant. Tout le monde trouvait ça plutôt marrant. Il y a un voyageur qui est allé voir le steward pour savoir s’il pouvait se mettre devant comme il restait de la place pour être plus tranquille, mais en aucun cas il était exaspéré, il était même très souriant, c’est juste qu’il voulait dormir, enfin être tranquille, quoi.

Et qu’est-ce qu’il se passe dans l’avion, alors ? Au moment des consignes de sécurité, il y a eu un autre chant, et là le chef de cabine nous dit au micro d’arrêter de chanter par respect pour les autres passagers, du coup, de façon très respectueuse, tout le monde se tait, il y a même eu des applaudissements pour le steward qui était très sympa et voilà ça en reste là. Puis s’ensuivent vingt minutes de latence où l’avion ne bouge pas. Personnellement, je commence à me douter de quelque chose. Jusqu’à ce que l’on voit un mec de l’aéroport et un policier arriver où là on comprend vraiment que quelque chose ne tourne pas rond. Puis le commandant de bord fait une annonce où il dit que pour des mesures de sécurité, l’avion va être évacué. Sans préciser la raison. Du coup, tout le monde sort sans broncher, un peu médusé. On se doute que c’est à cause des chants, mais on ne comprend pas trop, car aucun de nous n’a une gueule de hooligan, ça se voit qu’on n’est pas des supporters dangereux, quoi. On était des familles, tu voyais bien qu’il n’y avait pas de danger. On retourne donc dans le sas d’embarquement et c’est là qu’on nous explique que le commandant de bord a pris peur et a estimé que la sécurité n’était pas assurée dans son avion et donc il a pris la décision de ne pas décoller.

Que faites-vous, du coup ?Il y a deux personnes qui prennent les choses en main, qui disent à tout le monde de s’asseoir et eux vont discuter avec le personnel de l’aéroport en expliquant que l’on était des supporters lambda, qu’il n’y aurait pas le moindre souci. Ils essaient de montrer patte blanche, en fait. Ils proposent même que les autres passagers regagnent l’avion et que nous, on attende que tout soit réglé. Le personnel nous dit donc de se mettre dans un coin, tous les supporters de Sainté, pendant que les autres passagers remontent dans l’avion.

Et personne n’a tenté de se faire passer pour un passager lambda ?Si bien sûr, il y en a même un qui était passé, mais qui est revenu, car il ne voulait pas partir sans sa famille. Je me suis également posé la question, car je crois qu’ils ne refoulaient que les gens qui étaient nés dans la Loire. Comme ce n’était pas notre cas et que mon beau-père et mon ami étaient habillés normalement, si j’enlevais ma veste, on aurait pu passer facilement, je pense. Mais on l’a joué de façon honnête, sans se douter qu’on ne décollerait jamais pour Manchester. Et donc nous sommes 80 à être restés dans l’aéroport. Et là, on nous annonce que finalement, on ne va pas prendre ce vol, mais que l’on prendra un autre avion plus tard. Donc, en gros, on se fait piéger une première fois.

Quelles étaient les informations que l’on vous communiquait ? Ils nous ont fait de la com, dès le départ. Quand le premier avion est parti, ils nous ont certifié qu’on en aurait un autre dans quarante minutes. Évidemment, aucun avion n’est arrivé. On était là, à attendre, sachant qu’en plus les forces de police s’accumulaient autour de nous, il devait y avoir près de quarante CRS autour de nous. Ils nous encerclaient. On n’était pas libre de nos mouvements, même pour aller aux toilettes ou fumer une cigarette on était accompagné de trois CRS. C’était dingue, on avait vraiment l’impression d’être de dangereux criminels. Et puis les flics étaient assez agressifs, ils nous regardaient mal, ils ne nous parlaient pas. C’était incroyable comme situation. Le temps passait, on nous annonçait toujours qu’un avion allait arriver, mais là on commençait à se dire que ça allait être mort pour le match. Et là, il y a huit personnes qui ont été tirées au sort pour prendre un vol pour Manchester. Comme ça, de façon très aléatoire. C’était du grand n’importe quoi. D’autant qu’on a appris par la suite que dans ce vol-là, il n’y avait pas que huit places disponibles contrairement à ce qu’ils avaient dit, mais bien une vingtaine. Ils nous mentaient, quoi.

Et du coup ? Bah là, ils nous font nous inscrire sur une liste pour savoir si l’on souhaite toujours aller à Manchester ou si on préfère rentrer à Lyon, car il y avait des personnes qui en avaient marre et qui ont demandé à prendre un vol pour rentrer en France, par dépit. Avec mon beau-père et mon ami, on se liste pour aller à Manchester. Derrière, on est appelé au micro, et là, on se retrouve à seize, au milieu d’une rangée de CRS, et on comprend qu’on fait partie du groupe qui rentre à Lyon, alors que l’on avait jamais demandé ça. La raison ? Ils n’avaient trouvé qu’un avion qui faisait 55 places alors qu’on était encore 72… Chose qui d’ailleurs s’est encore avérée fausse par la suite, d’après ce qu’on nous a dit. Sachant, il faut quand même le préciser, qu’on était entourés par douze flics, alors que nous n’étions que seize, sans représenter le moindre danger. C’est incroyable la force policière qu’ils ont déployée pour ça. Pour rien, quoi.

Et du coup, vous rentrez sur Lyon ? Ils font prendre un bus pour aller dans l’avion en direction de Lyon, on est juste les seize, toujours entourés par la douzaine de flics, mais une fois arrivés devant l’avion, on ne sort pas du bus. On attend, et puis on apprend qu’on ne pourra pas prendre l’avion car, encore une fois, le commandant de bord a pris peur et n’a pas voulu nous embarquer. En même temps, entourés par autant de flics, il a dû nous prendre pour des mecs vraiment dangereux. C’était vraiment humiliant. De retour à l’aéroport, on nous dit que finalement, on prendra un vol le lendemain à six heures du matin. Du coup, après avoir attendu encore un peu, on se retrouve enfin libres. Mais on doit trouver un logement à Düsseldorf. Comme on avait encore une heure avant le début du match, on décide d’aller le voir dans un pub, mais pour ne rien arranger on se retrouve dans un bar qui ne le diffusait pas, c’était qu’un multiplexe. Du coup, on a vu que quelques brides du match. Mais au moins la bière n’était pas chère et le barman était super sympa. On a bu pas mal de bières pour faire passer la pilule, mais j’étais tellement dégoûté que ça ne m’a pas fait grand-chose.

Derrière, vous avez donc monté ce collectif ?Tout à fait, on fait ça avec mon beau-père. En rentrant, on a commencé à contacter des médias locaux (comme Poteaux Carrés, En Vert et contre tous) pour faire entendre notre histoire. Derrière, on est entré en contact avec un avocat, Pierre Barthélémy, qui a bien voulu nous aider sur ce dossier. Ce qu’on veut ? Le remboursement des billets d’avion, des hébergements, que ce soit celui de Manchester ou de Düsseldorf, le prix des places pour le match et puis surtout, le préjudice moral. Et il est très conséquent. C’était un match hyper important, ça représentait vraiment quelque chose pour nous. Et puis un match européen face à une telle équipe, on est peut-être pas prêt d’en revoir un de notre vie de supporter. C’était le match de notre vie. On va voir le montant que l’on va demander, on ne sait pas encore.

Vous avez rencontrés le club lundi soir, que vous a-t-il dit ? On a donc rencontré le président Romeyer, mais également le directeur de la communication et le directeur de la sécurité. On est resté deux heures avec eux, ils se sont montrés très réceptifs, ils étaient dégoûtés pour nous. Déjà, ils ont décidé d’offrir des places pour le match de ce soir à ceux qui n’en avaient pas parmi les 80. Ce qui est un très beau geste. Et puis ils vont faire un courrier pour appuyer notre demande, en stipulant que l’on est tout sauf des supporters dangereux.

Vous serez au stade, ce soir, du coup ? Bien sûr, dans le Kop Nord, comme toujours. J’espère qu’ils vont nous faire vivre un grand match, même si, finalement, ça ne changera rien à ce qu’on a vécu et au fait d’avoir raté ce match à Old Trafford.

Dans cet article :
Liverpool et Manchester United s’unissent pour sensibiliser aux drames comme Hillsborough
Dans cet article :

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