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Frédérique Jossinet : « J’avais zappé la sensation des crampons »

Propos recueillis par Arnaud Clement
Frédérique Jossinet : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J&rsquo;avais zappé la sensation des crampons<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Triple championne d'Europe, vice-championne olympique à Athènes 2004 et on en passe, l'ex-judokate Frédérique Jossinet a presque tout raflé sur un tatami. Mais depuis cette saison, c'est sur un terrain de foot qu'elle essaye de se faire un palmarès, de retour à sa passion première du ballon rond. L'occasion de voir que cette battante de 37 ans sait de quoi elle parle lorsqu'on lui parle football.

Bonjour Frédérique, comment ça va depuis votre retraite ?Très bien. Ce n’est pas encore l’heure de la retraite de la vie active, hein. Mais ma seconde vie me va très bien.

Alors, que devenez-vous depuis votre retraite sportive ?J’ai été nommée entraineur national sur le Pôle France, à l’institut du judo. Je travaille avec des universitaires, des filles qui s’entrainent tous les jours à l’INSEP. Elles sont soit en équipe de France, soit à leurs portes. Ensuite, j’ai une autre casquette, sur la cohésion sociale et l’insertion par le sport, en lien avec plusieurs fédérations comme l’escrime, la boxe, le rugby, le football, etc. Je travaille en relation avec la Fondation du sport, Sport sans frontières… On a par exemple travaillé sur un projet comme Diambars (Ndlr : centre de formation et d’éducation au Sénégal, à l’initiative de Bernard Lama et Jimmy Adjovi-Boco).

Vous étiez une judokate modèle réduit mais au mental de guerrière. Vous avez tout gagné ou presque. Vous êtes aujourd’hui reconvertie en entraineur national… Vous êtes un peu la Didier Deschamps des tatamis, non ?(Rires) C’est super flatteur de me dire ça. Je préfère ça plutôt que la Poulidor du judo en tout cas. D’ailleurs, j’ai rencontré Didier il y a un petit mois. Nous discutions avec Sandrine Roux (Ndlr : ancienne gardienne de l’équipe de France, aujourd’hui consultante TV) dans son bureau, au siège de la FFF. Je l’ai vu rentrer dans le couloir et je me suis dit : « Non, non… Ce n’est quand même pas lui ? » Il est passé devant la porte ouverte sans s’arrêter, nous a aperçu puis a fait trois pas en arrière pour entrer. Il m’a tout de suite remis, il connait bien le judo. Ça fait un mois qu’on a échangé, mais je ne m’en remets pas, vraiment. J’ai croisé des grands joueurs comme Ronaldo. Mais Didier Deschamps, je trouve incroyable ce qu’il dégage avec son vécu, son aura… Donc la comparaison me plait bien (sourires).

Vous avez toujours eu le béguin pour le ballon rond. Grâce à votre grand-père, c’est ça ?Tout à fait. Il était semi-pro pendant et après la guerre. Jusqu’à ce que je fasse du judo, je me suis toujours vu avec un ballon et lui. D’ailleurs, si à l’époque, le football féminin avait eu plus de reconnaissance, je serais peut-être partie dans cette voie. Bon, vu la carrière que j’ai pu accomplir en judo, je ne regrette pas, hein. Mais dès mes 5 ans, je jouais au football avec lui, on partait jouer ensemble. A Noël, j’avais toujours droit à un ballon en cadeau. Je me rappelle bien d’un qui avait été dédicacé par Jean Tigana d’ailleurs.

Plus généralement, quel est votre rapport au football ?J’avais mis la pratique un peu entre parenthèse sur la fin de ma carrière. Le foot n’a pas bonne image au judo, car cela cause beaucoup de blessés quand les judokas s’y essayent. Suivant les garçons et filles qui s’y mettent, ça peut faire quelques genoux ou chevilles. Mais au début, je me rappelle qu’on jouait parfois à l’échauffement ou les vendredis – j’insistais beaucoup d’ailleurs – et on courait comme des dingues pendant deux heures. Bien entendu, on était tous sur le ballon, façon rugby-foot. Sinon, j’ai toujours suivi l’actu du football, regardé des matchs, même si j’allais rarement au stade. J’ai été longtemps fan de Bastia, je les suivais de près car mon autre grand-père, qui habitait Saint-Florent, était un inconditionnel du Sporting, présent au stade en 1992 pour le drame de Furiani. C’est le seul club que j’ai suivi assidument pendant un temps.

Et aujourd’hui, maintenant que vous êtes quelque peu sortie de vos obligations de judokate, vous suivez une équipe ?En ce moment, je suis à fond PSG. J’étais au match de coupe contre l’OM le 27 février d’ailleurs. Je connais bien Sylvain Armand. J’avais aussi de bons contacts avec Jérôme Rothen lorsqu’il était encore là aussi. Donc oui, je suis de près Paris. C’est quand même top de voir ce qui se passe ici. Déjà Ibra, pourquoi pas. Mais alors David Beckham qui débarque, c’est une chance énorme. Ça peut faire briller le club sur le terrain et en dehors. Quand on sait tout le business que les clubs doivent générer pour exister, c’est un vrai plus sur ce plan aussi.

« Le France-Allemagne de Séville que je me souviens bien avoir vu avec mon grand-père »

C’est typiquement le type de joueur qui vous régale devant votre télé ?Oui. Peut-être un peu moins maintenant avec les années. Mais comme il joue… Pour son premier match contre l’OM, il rentre et sort directement une passe de ouf. Il a un œil magnifique et lit le jeu, sans parler de ses pieds, assez extraordinaires. C’est un pur joueur. Celui que je préfère, c’est Messi car il marche vraiment sur l’eau. Mais je préfère ceux qui ont l’œil. C’est comme Mathieu Valbuena. Je n’aime pas la personne, mais alors comme joueur…

Et le plus beau souvenir d’un match que vous ayez en mémoire, ça serait ?C’est vite vu : France-Brésil ’98. J’étais en Corse à ce moment-là, chez mon grand-père justement, et c’est la première fois que j’ai vu le peuple corse se sentir autant français (rires). Et puis c’était vraiment beau cette atmosphère. Il y aussi le France-Allemagne de Séville que je me souviens bien avoir vu avec mon grand-père. Ce sont les deux plus grands souvenirs que je garde.

Depuis septembre, vous avez rechaussé les crampons avec les féminines du VGA Saint-Maur, plus que jamais en course pour la montée en D2 et encore en lice en Coupe de France. Comment cela s’est fait ?En fait, cet été, après l’arrêt de ma carrière, j’ai été sollicité pour commenter les J.O. de Londres. J’ai ensuite pris un mois et demi de vacances. Et une fois rentrée, en octobre, je me suis dit qu’il fallait se bouger. Je ne me sentais pas de refaire un sport de contact ou un art martial. Je voulais être à l’extérieur, immergée dans un sport collectif. A partir de là, je savais que j’irais vers le football, ça s’est fait naturellement. Quant au choix du VGA Saint-Maur, j’en ai parlé autour de moi. Sandrine Roux et Marinette Pichon m’ont dit que ça serait le top pour moi. Je suis donc venue d’abord voir un ou deux entrainements, près du terrain. J’ai vu un groupe sympa, bien fourni en nombre, avec des filles de tous âges. Au bout de la troisième fois, j’ai pris mes crampons et c’était parti.

Il a d’abord fallu une petite remise à niveau après autant d’années loin des terrains, non ?Pas une petite, une grande ! Ce qui m’a le plus traumatisée, c’est le type d’effort. Les appuis, ça allait. La « caisse » , je l’avais. Mais le truc que j’avais zappé, c’était la sensation des crampons. Je passe tout mon temps pieds nus, je faisais un sport pieds nus. Donc tenir dans des chaussures à crampons, sur un terrain instable, j’ai eu du mal au début. Mon corps aussi d’ailleurs, puisque je me suis fait plein de petites blessures, étant donné que ça ne répondait pas comme je le voulais. Après, le reste… Ça allait pour le toucher de balle. Bon il a fallu s’engager et apprendre à attaquer le ballon en permanence, chose que je ne faisais pas plus jeune, on jouait cool. Ensuite, j’ai fait mes premiers matches avec l’équipe réserve, avant de rentrer avec le groupe DH pour quelques matches de Coupe de France.

Bon, j’imagine qu’un tel contexte, ce n’est pas l’équivalent d’une finale au tournoi de Paris sur le plan émotionnel, mais ça doit être particulier un tel changement, non ?C’est clair. Mais pour moi, ce n’est que du plaisir, je n’ai aucune pression et je veux juste m’éclater en passant un bon moment. Sans faire n’importe quoi, bien au contraire. Le plaisir, c’est aussi la gagne. A partir de là, quand le job est fait, je m’éclate.

« Je trouve ça dingue de parler aux arbitres. C’est tellement inhabituel au judo »

Vous avez déclaré récemment avoir eu envie de revenir au foot pour jouer en équipe, sans vous prendre la tête et avoir moins de contacts qu’en judo. La réalité est-elle conforme à vos attentes ?Oui et j’étais d’ailleurs assez étonné du peu de contacts qu’il y a chez les filles. On me siffle souvent d’ailleurs, pour pas grand-chose en plus. Je me souviens d’un match où j’étais au duel et où l’arbitre, très sympa, me lance : « Sans les bras ! » Alors je lui dis que je ne mets pas les mains. Et il me reproche encore le contact. Alors je lui ai dit que je n’y pouvais rien si j’avais des seins et il s’est mis à rire. Ce contact avec les arbitres, c’est un côté qui me fait sourire. Même si je trouve ça dingue de parler aux arbitres. C’est tellement inhabituel au judo. Tu as une décision de prise, mais tu n’as pas le droit de contester. Et à aucun moment, ça ne me serait venu à l’esprit d’ailleurs.

Quels sont les autres apports du judo dans ta reconversion footballistique ?Sur le physique ou les appuis, c’est indéniable. Le dépassement de soi aussi. A partir du moment où je suis sur le terrain, je ne m’arrête jamais. C’est un état d’esprit. Enfin, je dirai le caractère respectueux des adversaires, des arbitres, etc.

Alors dans quel registre évoluez-vous sur un terrain ?J’évolue sur le côté droit, au milieu de terrain. Ça m’est arrivé d’être à gauche parfois, mais sinon, c’est ça, milieu droit. Parce que je cours assez vite, parce que j’ai une bonne caisse. Sur mes centres, je suis plutôt précise. J’ai une vision du jeu intéressante selon mes coachs. Après, je dois encore apprendre pour être capable de donner en une touche ou pour mieux combiner. J’ai tendance à souvent aller vers l’avant et à ne pas mettre le pied sur le ballon, pour me retourner, repartir derrière, etc.

Le VGA Saint-Maur est un club qui compte dans le foot féminin, au vu de son histoire et de son palmarès. Remonter cette année en D2, ça équivaudrait à une belle victoire par ippon, non ?Ah ouais, carrément, c’est d’ailleurs l’objectif premier, même si l’équipe réalise un très beau parcours en coupe. C’est objectif D2. D’ailleurs, comme les entraineurs le disent, si le VGA devait aller en finale de Coupe de France mais échouait à monter, ça serait du gâchis. Chose que je partage d’ailleurs. Il y a l’équipe pour aller en D2, de l’envie, des filles de qualité, un vrai groupe, l’investissement de tous.

Qui dit D2 dit forcément un rapproché vers le professionnalisme. Que vous inspirent les modèles lyonnais ou parisien, qui mettent beaucoup de moyens dans un sport encore peu reconnu ?C’est vraiment bien. Même s’il y a encore peu de reconnaissance, il faut bien commencer à un moment. Ces formations peuvent s’appuyer sur des finances et un savoir-faire en marketing et en business pour avancer, tant mieux. Il faudrait même de plus en plus de clubs pros de L1 masculine qui s’y mettent pour tirer vers le haut la discipline. Car même si la D2 est professionnelle, on a encore beaucoup de marge, nous n’en sommes qu’aux prémices du foot féminin. Il y a un gros développement opéré par la FFF. Son président a aussi une vision géniale et veut inciter les clubs pros à développer une équipe de filles. Pour moi, il devrait même y avoir une obligation pour que ça avance, un peu comme celle de posséder son centre de formation. Il n’y a que comme ça qu’on avancera.

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Propos recueillis par Arnaud Clement

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