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Footeux et staff perso, un duo compatible ?

Par Aymeric Le Gall 
Footeux et staff perso, un duo compatible ?

De plus en plus de joueurs font appel à des spécialistes indépendants, en dehors des heures d'entraînement, pour parfaire leur condition physique ou améliorer leur capacité de récupération. Si le sujet est tabou en France, la pratique, elle, ne cesse de se développer. Au grand dam des clubs qui voient une partie de leurs pouvoirs leur échapper. Enquête.

On entend souvent dire que le footballeur français est fainéant. Dernièrement, c’est Michel, le coach de l’Olympique de Marseille, qui en faisait l’amer constat en conférence de presse avant un match de Ligue Europa contre le Slovan Liberec. Mais le cliché du footeux français, râleur au possible et pas bosseur pour un clou, reste un cliché. Et s’il n’est pas tout à fait dénué de fondements, il n’en est pas moins vrai que les joueurs ne sont pas tous à mettre dans le même panier. Le boulot et les efforts, certains aiment ça. Il y en a même qui demandent du rab. Alors, pour se rassasier une fois l’entraînement terminé, nombre d’entre eux font appel à des spécialistes indépendants, préparateurs physiques, kiné, physio, qui mettent leur savoir-faire et leurs compétence au service de ces durs au mal. C’est le cas notamment de Mamadou Sakho, qui déclarait récemment dans les colonnes de L’Équipe travailler chez lui avec tout un staff personnel au grand complet : « J’ai un préparateur physique personnel, j’ai un nutritionniste à la maison, j’ai un physio perso aussi. » À l’inverse de Mamad’, le sujet est rarement abordé ouvertement par les footballeurs français. Le phénomène est pourtant de plus en plus répandu.

Les clubs français ne sont pas prêts

En France, le sujet est encore tabou. En effet, les clubs de l’Hexagone ne verraient pas d’un bon œil le fait que leurs joueurs leur fassent un enfant dans le dos en allant travailler avec un staff indépendant, sorte de côté obscur de la force. « On réalise un travail de l’ombre » , témoigne volontiers Patrice Moyson, préparateur physique qui s’est mis à son compte il y a sept ans. Celui qui s’est occupé de nombreux footballeurs francophones, de Beauvue (Bastia) à Sankharé (Dijon) en passant par Nzogbia (Wigan) ou Mandanne (Guingamp), ne cache pas la réalité du milieu : « C’est vrai que ça peut être mal perçu par les clubs. Il faut dire qu’ils ont déjà leur propre staff, leur propre préparateur physique, et ils ne veulent pas que quelqu’un interfère dans leur travail. Ils ont raison dans un sens, mais le travail que l’on fait auprès d’un joueur peut aussi être très complémentaire et bénéfique pour tout le monde. » « Là où c’est mal vu, c’est surtout en France et en Belgique » , confirme Jean-François Mbuy, ancien kiné du LOSC et de Clairefontaine, qui travaille aujourd’hui en tant qu’indépendant. De prime abord, cette réticence des clubs est compréhensible. Le joueur étant un employé du club, il semble normal que celui-ci ait un droit de regard sur tout ce que fait son salarié dans le cadre de sa profession.

Sur ce point, Jean-François Mbuy acquiesce volontiers : « J’ai travaillé pour des clubs par le passé, donc je suis bien placé pour en parler. Je sais qu’on n’aimait pas trop que nos joueurs aillent voir à gauche à droite. On nous expliquait même qu’il fallait verrouiller un peu tout ça pour éviter que ça se produise. C’est assez légitime si on y réfléchit bien. Il y a tellement de charlatans qui gravitent autour de ce milieu que ça pousse forcément à la méfiance. » Un constat que partage à 100% l’ancien prépa’ physique de Charles Nzogbia : « C’est vrai qu’aujourd’hui, on assiste à un phénomène de mode, tout le monde veut devenir coach personnel ; les joueurs doivent donc être prudents. » Pour fustiger ces pratiques, les coachs et les médecins des clubs mettent aussi en avant l’argument du « trop c’est trop » . C’est-à-dire qu’à multiplier les efforts au-delà des entraînements réglementaires, les joueurs risqueraient de s’infliger des charges de travail trop importantes, au point de prendre des risques pour leur santé physique. C’est ce que disait Rudi Garcia, interrogé sur Canal + dans le cadre d’un Intérieur Sport consacré à Yohan Cabaye, alors que celui-ci avait l’habitude de faire appel à un préparateur physique personnel à Newcastle. « Je dirais que ça peut être dangereux, car si ce n’est pas fait en collaboration avec le club, ça peut vous cramer un joueur sur le plan athlétique, prévenait à l’époque l’actuel coach de la Roma. Tendre vers la perfection, c’est bien, mais il ne faut pas que ça se transforme en obsession, sinon ça en devient un défaut. »

100% gagnant-gagnant

Pour nos deux témoins du jour, cet argument ne tient pas la route bien longtemps. « Quel serait l’intérêt pour nous, travaillant au service du joueur, de faire doublon et de le fatiguer à outrance pour qu’il aille ensuite se blesser ?, s’interroge l’ancien kiné du LOSC. Aucun. On est payé par le joueur, on ne va donc pas aller le cramer bêtement. » De son côté, Patrice Moyson ne comprend pas vraiment la frilosité des clubs à ce sujet : « On travaille indirectement pour le bien du club finalement. Si le joueur est bon, il ne sera pas le seul à en profiter, et son club aussi en récoltera les fruits. » Pour nos deux spécialistes, le problème s’explique avant tout par une « question d’ego » de la part des clubs. En résumé, ceux-ci ne voudraient pas que quelqu’un intervienne dans leurs domaines de compétence et réussisse, qui plus est, à obtenir des résultats probants. Car résultat il y a, si on en croit nos intervenants. Selon Mbuy, ce système serait bénéfique pour plusieurs raisons : « Ce qui est intéressant, c’est de pouvoir travailler en petit comité, car le joueur est vraiment concentré, il n’écoute pas les copains à côté, il est dans un environnement sain, à la maison. C’est que du positif pour le joueur. Et puis l’individualisation du travail est prépondérante dans le football aujourd’hui. Or les clubs français n’ont pas, mis à part le PSG, la possibilité de personnaliser les travaux en fonction de chaque joueur et de ses particularités physiques. » Au-delà de l’aspect purement physique, il y a aussi la question du mental. « Les joueurs sont en permanence dans le doute. Et s’il peuvent trouver sur la durée quelqu’un de confiance et de compétent qui les conseille et les accompagne, alors c’est tout bénéf’ pour tout le monde » , renchérit le préparateur physique.

« Pour vivre heureux, vivons cachés »

Les clubs ont beau se montrer frileux à l’idée de voir leurs joueurs travailler avec un staff personnel, ils ne sont pas dupes pour autant. Cette pratique se généralise de plus en plus dans le milieu, et même si le sujet n’est pas déballé en place publique, il est bien connu en interne. C’est d’ailleurs ce qu’a du mal à comprendre Jean-François Mbuy : « Ça serait plus intelligent d’en discuter ouvertement plutôt que d’éluder la question. Il vaut mieux qu’un club sache que son joueur voit un spécialiste en dehors plutôt que de le laisser faire ça en douce. Je pense que tout le monde aurait un intérêt commun à travailler en bon terme. » Il semble cependant qu’on en soit encore très loin. Pour preuve, cette anecdote signée Patrice Moyson : « Je m’occupais d’un joueur de Bastia il y a quelques années et je m’étais rendu sur place pour travailler avec lui. Mais on avait à peine fait une séance de musculation ensemble qu’il était déjà convoqué dans les bureaux le lendemain pour se faire remonter les bretelles. Il a même failli avoir une amende. Bon au final, on a quand même continué à travailler ensemble malgré ça… » Même situation et constat similaire du côté de l’ex-kiné des jeunes à Clairefontaine : « J’ai vu des cas où des joueurs avaient prévenu leur club qu’ils travaillaient avec quelqu’un à côté, et bien ils se sont retrouvés boycottés et ils ne jouaient plus… Donc limite, j’ai envie de dire « pour vivre heureux, vivons cachés ». C’est dommage, mais c’est comme ça. »

Lyon, l’exception ?

Et si Mamadou Sakho peut tranquillement évoquer le sujet sans risquer d’être mis au placard, c’est que la pratique est beaucoup plus tolérée en Angleterre. Là-bas, le préparateur physique personnel d’un joueur peut aller voir son poulain à l’entraînement sans que cela ne déclenche le moindre scandale au sein du club. « Tant que le joueur est performant, ça ne pose pas de problème » , lâche Mbuy qui a déjà travaillé à plusieurs reprises avec des joueurs évoluant en Premier League. Mais ne tombons pas nous-mêmes dans le cliché d’une France entièrement imperméable à toute idée d’évolution. Certains clubs semblent en effet plus ouverts que d’autres sur le sujet. C’est le cas de Lyon par exemple. « La saison dernière, j’ai bossé quatre mois avec Clément Grenier, et c’était à la demande du staff médical de l’OL, tient à préciser Mbuy. À l’arrivée, ça s’est super bien passé, parce qu’ils voyaient que je n’étais pas là pour les embêter, mais au contraire pour leur donner un coup de main. On a travaillé en collaboration avec le préparateur physique du club et c’était dans la continuité de ce que Clément faisait avec le club. Finalement, il est revenu un peu plus tôt que prévu et tout le monde était content, que ce soit Lyon, Clément ou moi. » D’autres clubs finiront peut-être par lâcher du lest et, tout en restant les artisans n°1 du travail et de la progression de leurs ouailles, ouvriront la voie à une collaboration plus libre avec ces spécialistes indépendants. En attendant, la discrétion est toujours de mise…

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Par Aymeric Le Gall 

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