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Évra blanchi : réhabilitez Nasri !

par Chérif Ghemmour
Évra blanchi : réhabilitez Nasri !

Malaise. Jeudi dernier, Patrice Évra a été absous par la FFF. Problème : pour d’autres propos insultants envers des journalistes, Samir Nasri avait, lui, écopé d’une sanction après l’Euro 2012. Sur le fond comme sur la forme, un « deux poids, deux mesures » carnavalesque.

« Mieux vaut une petite injustice qu’un grand désordre » , disait Georges Clémenceau, ex-premier flic de France au début du XXe siècle… Est-ce dans ce sens que la FFF a tranché jeudi dernier au terme de la convocation de Patrice Évra, entendu au siège de la Fédé ? En relisant le communiqué officiel drôlatique, il semble que oui. « Patrice Évra ne sera pas sanctionné pour ses critiques envers plusieurs consultants du football français(Bixente Lizararu, Rolland Courbis, Luis Fernandez et Pierre Ménès traités de « clochards » et de « parasites » à Téléfoot, ndlr). Noël Le Graët et Didier Deschamps ont, de nouveau, signifié devant le joueur leur désaccord formel quant à certains termes employés et à l’opportunité de ce règlement de comptes personnel à l’approche d’une échéance capitale. »

Un communiqué hal-lu-ci-nant !

Allons-y pour le décryptage de ce qu’on appellera la jurisprudence Évra ! « L’échéance capitale » , c’est les barrages contre l’Ukraine. Élément circonstanciel de temps à bien retenir : les Bleus pourront « mal se comporter » quand arriveront un ou des matchs cruciaux, ça les aidera à être disculpés. Continuons… « Patrice Évra a fait valoir que, si le moment était effectivement mal choisi, et l’emploi de certains mots déplacé, l’acharnement dont il estimait être la victime de la part des personnes visées était une réalité dont avait eu à souffrir sa famille. » Des « mots déplacés » ( « clochards » et « parasites » , sans oublier le caractère agressif d’autres propos envers Pierre Ménès) ont la même teneur que ceux de Samir Nasri adressés à un ou des journalistes pendant l’Euro 2012, lors du France-Angleterre ( « Ferme ta gueule » ), non ? Sauf que, outre des sanctions financières, Samir avait pris trois matchs ferme de suspension en Bleu (officiellement pour « insultes à la presse » ). À la base de ce courroux, c’était aussi une même histoire d’acharnement de méchants journalistes que Samir avait repris de volée. Et les « souffrances de la famille » ? On se souvient justement de la réaction du père de Samir, sincèrement outré, qui avait avoué avoir passé un savon à son fils : la vraie souffrance familiale (accompagnée d’une baffe paternelle symbolique bien sentie) à prendre en compte comme circonstances atténuantes pencherait donc plutôt du côté de Nasri.

On continue… « Ce qui pouvait expliquer, à défaut de le justifier, qu’il ait fini par craquer au terme d’une longue interview habilement menée pour le pousser à bout et le faire sortir de ses gonds. » Là, on apprend qu’en France sévissent des journalistes… tortionnaires ! Quand on connaît la férocité de la presse sportive étrangère (notamment en Angleterre, n’est-ce pas Patrice ?), on esquisse un sourire. Et puis Évra a 32 ans, c’est un vieux routier du foot pro. Alors « sortir de ses gonds » et « finir par craquer » , là, on s’inquiète vraiment. Ben, oui : depuis son discours de Gomel (mi-temps de Biélorussie-France, 2-4), on nous présente Évra comme un des tauliers indispensables des Bleus ! Sauf que… Un gars qui craque et qui sort de ses gonds, on l’emmène pas au Mondial (si on y va), non ? Faut savoir se maîtriser en toutes circonstances au haut niveau, non ? Y a eu un précédent avec Patrice à Knysna : la grève, la recherche du « traître » avec le regard noir, la début de baston avec Duvergne… Car il faut le rappeler : Évra est un récidiviste, déjà sanctionné de 5 matchs ferme de suspension en Bleu en tant que capitaine de l’EdF à Knysna. On continue… « Dans ces conditions, et au-delà des problèmes de personnes, tenant compte des explications fournies, du regret manifesté par le joueur sur la forme employée et dans la perspective de deux matchs décisifs pour l’avenir du football français, le président Noël Le Graët décide que Patrice Évra reste à la disposition du sélectionneur national. » Des « regrets » , mais pas d’excuses, et des « explications fournies » , mais en petit comité. Quand on pense aux longues séances d’excuses à la Nation et de mea culpa public qu’on a infligées à Ribéry et Nasri, préalables à leur retour en Bleu, on constate que Évra s’en sort décidément avec les honneurs.

Didier et Noël dé-cré-di-bi-li-sés !

Il faut repréciser que c’est avec le survêtement des Bleus et le coq cousu sur le cœur que Patrice Évra s’est exprimé à Téléfoot et que c’est donc l’image de la sélection qu’il a engagée. Or, depuis cet été et la tournée de l’EdF en Amérique du Sud, les Bleus ont signé une « charte de bonne conduite » , un document épinglé dans toutes les chambres de Clairefontaine. Ladite charte insiste sur les relations que les Bleus doivent entretenir avec la presse : « Vos comportements, vos attitudes et vos propos façonnent votre image relayée auprès du grand public par les médias, compagnons de route incontournables et indispensables. Par eux passe cette image, que vous renvoyez au pays tout entier : avec eux aussi, soyez pros. » Pour avoir enfreint le règlement, Évra était donc susceptible d’être sanctionné. D’autant plus que Didier Deschamps avait prôné la plus grande fermeté, question discipline : « Je ne suis pas sur le qui-vive, mais je reste attentif car cela peut arriver à tout moment. Il suffit qu’il y en ait un pour mettre en difficulté l’ensemble. Si c’est le cas, il n’y a aucune chance qu’il revienne. » Or, DD avait déjà « disculpé » Patrice au Canal football Club, estimant que ce n’était qu’une affaire entre un sélectionné et les médias et que le tout n’affectait pas la vie intérieure de l’équipe de France dont il était le garant. Pourquoi pas… DD a aussi balayé les sanctions pour indiscipline prononcées avant son arrivée en Bleu, notamment du temps de Laurent Blanc (après-Knysna et après-Euro 2012). En gros, « tout ce qui s’est passé avant moi, je m’en moque. » Sauf que concernant l’équipe de France, Deschamps en oublie le principe de continuité : les Bleus ont une histoire, y compris une histoire disciplinaire. En droit, on appelle ça la jurisprudence : un corps de règles qu’on applique et qu’on perpétue, tout en prenant soin de les adapter avec des principes de droit… Pour un coach (et un homme) attaché à « certaines valeurs » , Deschamps s’est fourvoyé. Et que dire de Noël Le Graët, lui aussi élu à la tête de la FFF au nom des « valeurs de respect, d’autorité et de discipline » ?

C’est à Téléfoot que Évra s’est exprimé. Or, Téléfoot s’adresse plutôt au jeune public, celui-là même que les professionnels exemplaires sont censés édifier. Pour l’exemplarité, on repassera… Et puis Téléfoot passe sur TF1, chaîne de l’EdF, soit un partenaire expressément visé par la charte : les Bleus doivent manifester respect et disponibilité avec les partenaires. L’image de marque de l’équipe de France que vend Noël Le Graët aux partenaires et sponsors pâtit financièrement des « affaires » qui émaillent la vie des Bleus. Pas sûr que son refus de sanctionner Évra améliore cette image : il lui serait délicat par la suite de se plaindre que les Bleus ne « fassent pas recette » … Avant l’entrevue avec Évra, Le Graët avait même manifesté une mansuétude étonnante à son égard : « Nous avons deux matchs importants à disputer, on a besoin de tout le monde. (…) Ce n’est pas si grave que ça. (…) Je connais Évra depuis longtemps : c’est un écorché vif, assez facile à mettre en colère. » Noël Le Graët a même contacté Luis Fernandez et Bixente Lizarau pour leur présenter les excuses de la FFF ! Normal : Évra n’avait pas à s’excuser. Bonjour l’autorité, M. le président…

Plus grave, deux jours avant le jugement, Évra avait reçu le soutien de l’UNFP, le syndicat des joueurs « professionnels » . Surtout, il avait le support indirect de Deschamps et de pas mal de sélectionnés, dont Ribéry, intouchable à l’heure actuelle. À ce propos… Juste après France-Australie, dans les couloirs du Parc des Princes, Ch’ti Franck aurait pris à partie verbalement de « façon assez violente » Gérard Houllier. « Gégé » , ex-coach des Bleus et ex-DTN, quand même ! Un membre du staff des Bleus a même dû intervenir pour empêcher que les choses ne s’enveniment. Mais, chuuuuut… Quelque part, les joueurs ont gagné, ils ont encore pris le pouvoir en équipe de France. D’autant plus que l’opinion publique, qui exècre aussi fort les journalistes que les Bleus, avait pris partie pour moitié en faveur de Patrice… Ajoutez à cela le climat d’euphorie qui a précédé la convocation d’Évra à la FFF : deux belles victoires contre l’Australie et la Finlande, ainsi qu’un tirage miraculeux contre l’Ukraine (faudra les battre !) et vous obtiendrez ce non-lieu grotesque. Pire : une affaire classée sans suite… Joueurs de l’équipe de France, futurs sélectionnés, apprenez que ce ne sont pas des règles de droit qui régiront le règlement de vos écarts envers les journalistes. Mais plutôt des circonstances diverses et arbitraires qui vous feront condamner (jurisprudence Nasri) ou non (jurisprudence Évra).

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