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Engelaar ou la transformation du monstre

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Engelaar ou la transformation du monstre

Titulaire lors des deux premiers matchs des Pays-Bas, et grand homme du milieu de terrain face à l'Italie, Orlando Engelaar, 28 ans et 1m98, revient de très loin. Il y a deux ans, il cirait le banc à Genk, en Jupiler League.

A première vue, le bestiau a des mensurations à labourer le terrain férocement. A grands coups de sabots. Et ce n’est pas son cou de taureau qui semble péniblement traîner le reste de sa grande carcasse (1m98, pour plus de 90 kilos), comme un boeuf une charrue, qui ferait penser le contraire. Mais Orlando Engelaar est un monstre gentil et un citoyen hollandais avant tout. Le combat physique, peu pour lui, c’est bien balle au pied qu’il fait la différence.

« Ce qu’il aime, c’est le football de son pays, le 4-3-3, disposer d’espaces. En revanche, le contact, les duels, ce n’est pas trop pour lui » . C’est Hugo Broos, son entraîneur à Genk pendant un exercice (2005-2006), qui formule cette synthèse. En Belgique, Engelaar n’est pas le brillant milieu défensif qu’il est devenu aujourd’hui en orange, mais un deuxième attaquant qui s’éteint progressivement, jusqu’à finir sur le banc. « Il n’aimait pas le football belge, le marquage individuel, continue de brosser le portrait Hugo. Il n’aimait pas la vie à Genk et ses 30 000 habitants, lui qui venait d’une grande ville comme Rotterdam. Pour moi, le problème était mental » . Broos opte quand même, en désespoir de cause, pour l’éprouvée technique de l’electro-choc. Mais en vain. « Pour le faire réagir, je l’ai mis sur le banc, mais il a subi » regrette l’ancien vainqueur de la Coupe UEFA avec Anderlecht. L’allergie à la Belgique était incurable.

Pays-Bas – Italie : la révélation

Une partition aussi sublime que celle jouée par les Pays-Bas face à l’Italie ne pouvait accoucher que d’un prix pour un joueur offensif. Et c’est Wesley Sneijder, le lutin aux pieds d’or, qui emporta la mise. Reste que le key man de la réussite batave fut bien Orlando Engelaar. Sous son ombre de géant et avec l’aide de De Jong, Gattuso et Ambrosini disparurent tout bonnement de la circulation. Omniprésent à la récupération, c’est par l’admirable qualité de ses relances qu’il se distingua et amorça les meurtriers contres bataves. Obnubilés par Van der Vaart et Sneijder, les Italiens avaient snobé le bon gros géant. Mal leur en a pris. Au terme de la partie, on lui demanda de nous expliquer comment il avait éteint le milieu italien : « Je ne sais pas. C’est toute l’équipe qui a été bonne » . Une réponse insipide, prononcée toutefois avec un sourire avenant qui tranche avec son physique de videur de boîte.

Impuissant face à l’impossible acculturation du Hollandais en terre flamande, Hugo Broos n’est pour autant pas surpris plus que ça de sa tardive explosion au plus haut niveau. « Quand je suis arrivé à Genk, Engelaar était là depuis un an, et on me disait que le club n’aurait pas dû l’acheter, mais quand je l’ai vu à l’entraînement, j’ai tout de suite compris que c’était un très bon joueur, très technique » . Enfin tiré du guépier belge, Engelaar retrouve en 2006 son cher pays et son 4-3-3 au FC Twente. Repositionné comme milieu défensif, poste qu’il avait occupé à l’occasion à Genk, il retrouve le moral et sort instantanément de sa médiocrité. Avoir le jeu devant lui et profiter des espaces, Engelaar kiffe. Un an plus tard, il reçoit ses premières convocations signées Marco. A 28 ans.

Lors des trois matchs de préparation de l’Euro qui lui ont permis de doubler son nombre de capes sous le maillot oranje, Engelaar est le joueur qui a perdu le moins de ballons. Contre l’Italie, celui qui a avalé le plus de kilomètres : plus de douze. Face à la France, il ne joue que 45 minutes. Remplacé par Robben à la mi-temps. Broos a son explication : « Contre l’Italie il a bénéficié d’une certaine liberté, et vu ses qualités techniques il en a profité. Mais contre la France, il a été mis sous pression, et a commencé à perdre quelques ballons » .

Ses qualités, tout de même plus nombreuses que ses défauts, lui valent aujourd’hui l’intérêt de Schalke 04, dont l’entraîneur connaît bien la bête. Et pour cause, Fred Rutten, embauché de fraîche date par le club de la Ruhr, est aussi l’alchimiste de Twente qui vient de qualifier le club pour la prochaine Ligue des Champions et a transformé le pivot d’attaque lymphatique en un milieu défensif à l’aura internationale. Mais le club hollandais rechigne à céder la bête, et s’accroche à son maillot XXL. Car, à défaut de le garder, il sait, après ce début d’Euro(s), qu’il peut faire monter les enchères.

Par Thomas Goubin, envoyé spécial à Berne

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