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Égalité salariale hommes-femmes : une utopie ?

Par Mathieu Rollinger
Égalité salariale hommes-femmes : une utopie ?

Norvégiennes et Américaines ont obtenu le droit de gagner autant que leurs homologues masculins en sélection, les Danoises font le forcing... et pendant ce temps en France, aucune revendication ne filtre. Si l’égalité de rémunération entre footballeurs et footballeuses reste utopique, la question mérite d’être posée alors qu’une Coupe du monde sera organisée en 2019 dans l’Hexagone.

Deyna Castellanos peut finir sur le podium du prix Puskás, Bibiana Steinhaus peut arbitrer un match de Bundesliga, Marija Matuzić peut écraser des records de longévité, des sélections féminines peuvent gagner des titres alors que les hommes n’ont jamais soulevé un seul trophée… Bref, les femmes accomplissent autant de prouesses que les hommes, sans que cela ne se traduise sur leur bulletin de salaire.

D’après L’Observatoire des inégalités, une femme gagne en moyenne 19% de moins qu’un homme. Dans le football, une joueuse de D1 gagne en moyenne 3000 euros bruts mensuels contre 75 000 euros pour un joueur de Ligue 1, soit une différence de 96%. Un gouffre que les Norvégiennes cherchent à combler depuis l’obtention début octobre d’une revalorisation de leurs émoluments en sélection, comme les Américaines avant elles. Ada Hegerberg et les siennes se partageront donc 639 000 euros par an, contre 330 000 auparavant, soit autant que les garçons qui eux ont sacrifié leurs primes commerciales pour permettre cette égalité.

Prime-time

Le geste est fort, même s’il demande à être détaillé. « Les montants évoqués m’ont intrigué, car les Norvégiens savent qu’il n’y a ni économie ni retour sur investissement dans le foot féminin » , s’étonne Brigitte Henriques, vice-présidente déléguée de la FFF chargée du développement du football féminin qui a consulté ses homologues scandinaves. « En fait, avec cette mesure, ils ont rehaussé de 100 000 euros une bourse permettant aux joueuses de poursuivre leurs études en même temps que leur carrière sportive, ainsi que le bonus marketing qui a été alignés sur celui des garçons. » Un accord qui permet d’ouvrir le dialogue sur l’égalité salariale entre hommes et femmes dans le football. Une question posée en des termes inexacts : aucun joueur, fille ou garçon, ne touche de salaire quand il se pointe en sélection. « Ce n’est pas la Fédération qui rémunère les joueurs, mais les clubs. C’est partout ainsi sauf en Angleterre, où la FA rémunère une vingtaine de joueuses » , assure Brigitte Henriques.

Il faut donc s’exprimer en primes. Point sur lequel la FFF affirme faire mieux que l’égalité. « Depuis 2011, le président Le Graët a supprimé toutes les primes, que ça soit dans les catégories jeunes ou chez les seniors, conservant uniquement celles de l’équipe de France féminine » , clame Brigitte Henriques, également ex-joueuse internationale. « Les filles ont des primes de match, même lors des rencontres amicales. Sans donner de montant, je peux vous dire que les Françaises ont touché la saison dernière plus que les 639 000 euros des Norvégiennes. » Pourtant, ces avantages restent plus symboliques qu’autre chose. Car Griezmann et ses petits copains peuvent compter sur des droits à l’image largement supérieurs (15 000 euros sur les matchs qualificatifs) et ont conservé leurs primes de résultat lors des phases finales. Grâce à leur finale à l’Euro 2016, chaque Bleu a ainsi empoché 250 000 euros. Loin des 15 000 promis à Wendie Renard et consorts en cas de titre mondial. « La disparité avec les garçons est importante et le restera encore pendant quelques années » , constate Fabien Safanjon, vice-président de l’UNFP en charge du football féminin.

Avantages en nature

Face à cette inégalité, les Bleues pourraient réclamer une part du gâteau plus importante. Les Danoises ont même poussé jusqu’à la grève pour faire valoir leurs droits. Se heurtant à une Fédération récalcitrante, elles ont boycotté vendredi dernier leur match face à la Suède. Un accord temporaire semble avoir été trouvé en attendant de futures négociations. Face à l’éventualité de voir cette contestation arriver en France, la FFF se veut claire sur ses intentions et pragmatique. « Le seul pays où il peut y avoir une vraie discussion, c’est aux États-Unis » , détaille Brigitte Henriques. « Au regard du nombre extraordinaire de titres que la sélection féminine a eus et de leur notoriété, ce sont les Américaines qui permettent à leur Fédération d’engranger le plus de revenus, donc la question de l’égalité salariale peut se poser. Chez nous, les revenus sont issus à 90% des recettes commerciales de l’équipe masculine, donc il ne faut pas se raconter d’histoires. Le foot féminin ne dégage que très peu d’économie : on dépense environ 4 millions d’euros et on en rentre 4 millions. Donc on est tout juste à l’équilibre. »

Plutôt que d’égalité, Brigitte Henriques préfère parler d’ « équité » et de « mixité » . « C’est la manière dont cette équipe est traitée qui a changé. Noël Le Graët a demandé à ce que les hôtels, le staff et le matériel soient d’une qualité égale à celle des hommes. Depuis 2011, il y a 500 000 euros qui sont injectés sur le plan de féminisation du foot. Ce sont des actes aussi forts que l’égalité salariale. » De vrais engagements qui ne répondent pas à la problématique. Comme si un patron disait à un employé qui a du mal à joindre les deux bouts que tout allait bien puisqu’il a une machine à café dernier cri à sa disposition au bureau.

Objectif 2019

Les joueuses elles-mêmes auraient conscience que l’égalité pécuniaire n’est pas d’actualité. « Aujourd’hui, on n’a pas de revendication actée des filles » , rapporte le syndicaliste Fabien Safanjon. « Il y a encore de grands aménagements à faire au niveau structurel pour avoir un championnat qui tienne la route, avec une économie qui tienne la route et pour que les filles puissent être rétribuées à la hauteur de leur talent. Notre objectif est qu’elles aient toutes un contrat de travail digne de ce nom, pour pouvoir cotiser pour leur retraite, pour leur chômage et construire leur après-carrière. » Un rappel s’impose : dans le football féminin, aucun club n’a de statut professionnel, même parmi les locomotives lyonnaises et parisiennes. Les footballeuses évoluent donc la plupart du temps avec un contrat fédéral, pas des plus adaptés à leur condition de sportives de haut niveau.

Pour que les choses évoluent, Fabien Safanjon évoque deux clés interdépendantes : « une volonté politique des clubs et de la Fédération » , ainsi que « trouver un marché économique » . « L’équipe de France féminine n’a pas encore trouvé son audience, ni son marché. Mais on pourrait imaginer que cela soit quelque chose de viable dans les prochaines années. Ce n’est que le début de l’histoire. » Surtout que les pages pourraient se tourner plus rapidement que prévu. Une victoire à la Coupe du monde 2019 à domicile serait un énorme coup de boost : nouveau public, sponsors plus généreux et donc légitimité de reparler de sous. « Après le Mondial, on espère passer à la vitesse supérieure. Si les joueuses engendrent d’importantes recettes, on pourra revoir les choses à ce moment-là » , se projette Brigitte Henriques.

Jouer la prolongation

Derrière la promesse de lendemains meilleurs se cache une conception très méritocratique de l’accès aux droits. Ici, l’égalité se gagne à coups de titres, de médailles et d’audimat. « Ça avance peut-être trop lentement, mais on va dans la bonne direction » , se défend Fabien Safanjon. « De toute façon l’égalité hommes-femmes n’existe pas dans le secteur privé ou public (même si le Code du travail oblige les entreprises à l’appliquer, ndlr). Donc c’est difficile de demander au football d’être un exemple sur ce sujet. » Dommage. Le foot avait pourtant là l’occasion de se poser comme un modèle pour la société. Surtout que ce débat n’est pas le genre de matchs où une égalité peut se régler aux tirs au but.

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Par Mathieu Rollinger

Tous propos recueillis par MR.

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