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Don Alessio Albertini : « Le pape est comme le Baresi de la grande époque »

Propos recueillis par Valentin Pauluzzi
Don Alessio Albertini : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Le pape est comme le Baresi de la grande époque<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Frère aîné de l’ancien milieu de terrain du Milan et de la Nazionale, Demetrio, ce prêtre est lui aussi un grand passionné de football, que ce soit pour sa fonction éducative mais aussi pour un aspect purement technique.

Vous êtes prêtre à la paroisse de Pero, dans la banlieue de Milan, mais aussi et surtout consultant pour Centro Sportivo Italiano (CSI). En quoi consiste ce rôle ?Né il y a 72 ans, le CSI est le plus grand organisme de promotion sportive d’Italie puisqu’il comporte 1,5 million d’adhérents. C’est une association laïque mais liée aux valeurs de la chrétienté. Il y a donc un prêtre référent et c’est moi que les évêques ont choisi.
Église et football ont formé et forment encore un duo inséparable en Italie. Qu’ont-ils en commun ?Le ballon a toujours attiré les jeunes, San Giovanni Bosco, fondateur des patronages, disait : « Vous voulez les enfants ? Jetez un ballon sur le terrain et ils viendront. » Ce sont deux choses similaires, car liées aux êtres humains. Le foot est une activité où une personne sent qu’elle peut se donner et l’Église lui reconnaît cette fonction. Cette dernière s’occupe des hommes et ne peut pas ne pas s’occuper du ballon qui est habité par les hommes. Dans cette alliance, le sport est un moyen éducatif, pour grandir, se comporter en communauté, respecter les règles. Nous reconnaissons cette capacité à éduquer, mais ces deux entités commencent à se séparer quand le sport veut devenir absolu, c’est-à-dire qu’il n’existe que ça et rien d’autre.
On lit souvent que le manque de talents italiens par rapport à il y a quelques années serait la conséquence directe d’une fréquentation moins assidue des patronages, du football de rue, où on joue un foot plus spontané.Bon, cela est en train de devenir une lapalissade pour ne pas assumer certaines responsabilités. Ça ne concerne pas que le football, c’est plus général. Les enfants ne courent plus, ne jouent plus ensemble et cela freine l’émergence de talents purs. Aujourd’hui, beaucoup considèrent être de grands enseignants dans les centres de formation ou les écoles de foot, ils apprennent à jouer au foot sans savoir si les gamins en sont capables. Les patronages prennent aussi cette tournure puisqu’ils sont de plus en plus structurés comme des clubs classiques. Il n’y a plus le temps de jouer spontanément. Quand il entraînait les jeunes, Johan Cruyff les emmenait jouer dans des parkings, là où vous devez travailler votre habileté, anticiper les rebonds imprévisibles, apprendre à rester debout pour ne pas vous faire mal. C’est quelque chose qui se perd. Moi-même, petit, j’y allais à 14h et on jouait jusqu’à la fermeture du patronage, pas besoin d’entraînements. J’insiste, ce n’est pas un problème inhérent au foot ou au sport, mais un problème du monde des enfants actuels qui ne se rencontrent plus spontanément ou alors il s’agit de rencontres organisées avec tous les problèmes qui en découlent, la présence des parents, les horaires. On n’est plus capable d’organiser son temps pour l’amitié.
Il n’y a pas un joueur ou ancien joueur qui ne dit pas « j’ai commencé dans les patronages » , cela faisait office de vraie préformation.
Parce que c’était une formation technique, mais aussi une formation humaine, vous apprenez à jouer simplement avec les autres, il n’y a pas d’entraîneurs. Si vous êtes bons, vous n’êtes pas considéré comme le Dieu sur terre mais simplement le meilleur d’un groupe d’amis.
Les prêtres jouent-ils aussi ?J’ai eu plus de blessures que Demetrio ! Je jouais énormément, mais j’ai arrêté car je commence à vieillir (rires).

Les cours des immeubles sont devenues des ornements plus que des terrains de jeu. À mon époque, le soir, ça grouillait de gamins en bas, on vivait tous ensemble. Maintenant, il y a une envie de se cacher.

Quelles sont les alternatives qui éloignent les jeunes des patronages ?Déjà, le temps libre a diminué. Chez les plus jeunes, un enfant va à l’école jusqu’à 16h30. Une fois terminé, il a le cours de danse, le cours privé d’anglais, le dentiste, l’entraînement du club de foot, les réseaux sociaux. Aujourd’hui, un enfant a plus de mal à se déplacer en liberté, il faut qu’il soit accompagné. Les cours des immeubles sont devenues des ornements plus que des terrains de jeu. À mon époque, il y avait trois bâtiments, et le soir, ça grouillait de gamins en bas, on vivait tous ensemble. Maintenant, il y a une envie de se cacher, de s’exclure plutôt que s’exposer dans la masse. C’est peut-être un comportement adulte qui se répercute sur les enfants : j’ai fini le boulot, je reste chez moi, je fais ma vie.
Le foot des patronages sert aussi à créer une communauté chrétienne. Ce n’est pas totalement désintéressé, non ?L’intérêt n’est pas seulement de faire venir des chrétiens ou amener les gens à l’église, il s’agit de créer une communion parmi les habitants du coin. Bien évidemment, nous proposons des valeurs évangéliques, mais tout le monde reconnaît leur bien-être, comme la fraternité, le respect de l’autre, la disponibilité envers autrui. Voilà pourquoi il y a beaucoup d’extracommunautaires ou de personnes d’autres religions dans nos patronages. On ne les envoie pas balader. Et le foot est une langue universelle, surtout pour les enfants. Le message passe sans devoir expliquer quoi que ce soit.
Les clubs des patronages disputent des compétitions. Cet aspect compte ?Je suis un peu révolutionnaire là-dessus, mais le pape me soutient de ce point de vue. Lors de son discours pour les 70 ans du CSI, il a dit de ne pas se contenter d’un nul médiocre, mais de toujours chercher la victoire. La compétition est l’âme de l’éducation du sport. S’il n’y avait pas l’envie de gagner, d’atteindre d’un objectif, tout le monde jouerait à l’économie sans donner le meilleur de soi-même. Il s’agit aussi de comprendre ce qu’on entend par victoire, juste la volonté de la médaille de la première place ? Dans ce cas, attention aux dérives des parents et des entraîneurs. Or, si la victoire est perçue comme un accomplissement de soi, une volonté de progresser, alors la compétition devient fondamentale.
Beaucoup de joueurs exécutent une prière avant le début des rencontres. Une étude scientifique en a fait un facteur anti-stress servant à éliminer la peur de perdre et à relever le niveau de participation et performance.Disons que les techniques de yoga peuvent être similaires, la concentration à travers la respiration est aussi une technique pour prier, donc je ne peux pas démentir. Mais d’un point de vue du prêtre, il y a un risque d’en faire une sorte de superstition, la limite est très subtile. Toutefois, quand un croyant s’apprête à faire quelque chose d’important, il fait une prière, il s’en remet à Dieu. Même nous, avant une réunion ou un repas, on récite toujours un « notre père » . Le sport est leur profession et j’aime le voir de cette façon, je prie Dieu, car ce que je suis sur le point de faire est donner le meilleur de moi-même.
Vous avez écrit un livre, In gol con il Papa Francesco. Dans une récente interview, Conte a déclaré : « Dans une éventuelle équipe de foot, le pape jouerait devant la défense, dans le cœur de l’équipe, le rôle de celui qui doit se sacrifier. »
Je suis convaincu que c’est le poste de Papa Francesco, car il veut impliquer tout le monde dans cette phase importante de l’Église et du monde. C’est comme s’il distribuait le jeu. J’aime penser que la grandeur d’un playmaker ne se limite pas seulement à mettre le ballon dans les pieds, il doit aussi effectuer de longues ouvertures qui vous obligent à courir, à vous démarquer. C’est son rôle, comme pour dire : « On doit tous aller de l’avant, sinon c’est compliqué. » Je l’imagine à la Baresi de la grande époque, défenseur qui n’hésitait pas à se projeter vers l’avant pour secouer ses partenaires. On peut voir le pape comme un fuoriclasse qui risque quelque chose pour toute l’équipe.

Maintenant, je suis confronté à des générations qui ne savent même plus qui est Demetrio. Mais quand il jouait, j’étais considéré parce que j’étais le frère d’un joueur et j’ai toujours utilisé cet aspect à bon escient, pas pour crâner.

Depuis quelques années, la profération d’un blasphème est punie par une journée de suspension dans les championnats italiens. En revanche, le carton bleu a été instauré dans les compétitions CSI.Il correspond un peu au carton orange du jargon des commentateurs. C’est une expulsion temporaire comme on voit déjà dans d’autres disciplines. Puisque le devoir du CSI est d’éduquer à travers le sport, on a estimé que renvoyer le joueur quelques minutes sur le banc l’aiderait à réfléchir. En effet, un joueur expulsé continue de blasphémer en rentrant dans les vestiaires. Là, on veut lui faire comprendre pourquoi il est exclu, on lui offre une autre opportunité, d’être plus attentif à son retour sur le terrain. Mais attention, pour la commission disciplinaire, cela équivaut à deux cartons jaunes et la suspension pour le match suivant est automatique.
Quel est votre rapport personnel avec le foot, en plus d’être le frère de Demetrio ?C’est le sport le plus beau, je le suis tant que je peux. Dans les patronages, j’ai toujours installé des écrans pour suivre les Coupes du monde ou Euros. Le foot m’émeut parfois, mais attention, je n’en fais pas une maladie ! C’est devenu aussi une occasion pour dialoguer avec les enfants. Maintenant, je suis confronté à des générations qui ne savent même plus qui est Demetrio. Mais quand il jouait, vous étiez considéré parce que vous étiez le frère d’un joueur et j’ai toujours utilisé cet aspect à bon escient, pas pour crâner.
Il paraît que vous étiez juventino et que vous êtes devenu milanista
Par intérêt, et de façon assez lâche, je n’ai pas honte de le dire (rires).
D’ailleurs, il y a un troisième frangin Albertini.Le pauvre, personne ne se rappelle Gabriele ! C’est le « normal » de la famille et le plus petit. Il a été joueur amateur jusqu’en Serie D, et est directeur général de la Pro Sesto, un bon petit club de la banlieue milanaise. Il était juventino lui aussi jusqu’à ses 18 ans, quand il a compris que le sponsor du Milan était Opel et que c’était intéressant de devenir milanista.

Enfin, un mot aussi sur la fameuse Clericus Cup dont vous faites partie du comité organisateur et qui est arrivée à sa 10e édition.
Les collègues sont de plus en plus demandeurs. 380 prêtres sont concernés. Alors des curés qui jouent, c’est plutôt drôle, mais si vous ne savez pas qui ils sont, vous voyez un match de foot normal avec des joueurs en short et certains qui ont un excellent niveau. Il y a très peu d’Italiens. Beaucoup viennent de pays difficiles, en Asie et en Afrique, et le plus beau, c’est que dès leur retour, ils mettent les enfants au sport, car ils en reconnaissent la capacité attractive pour enseigner quelque chose d’important.

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Propos recueillis par Valentin Pauluzzi

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