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Derby de Budapest, police et petit peuple

Par Régis Delanoë
Derby de Budapest, police et petit peuple

Direction la Hongrie ce week-end, où va se disputer le vieux derby de la capitale entre Ferencváros et Újpest. Chaque saison, la double confrontation entre les clubs les plus populaires du pays reste le temps fort du championnat local, même si les deux rivaux peinent aujourd'hui à assumer leur glorieux héritage.

Faisons un peu de football fiction si vous le voulez bien. Essayons d’imaginer à quoi aurait pu ressembler la Ligue des champions si elle avait eu lieu dans les années 1930, à une époque où les confrontations européennes entre clubs étaient rares et non structurées (il faudra attendre le milieu des années 50 pour ça). Qu’aurait donné la C1 avant la Seconde Guerre mondiale ? À la vue des résultats des équipes nationales lors des coupes du monde 1934 et 1938, on peut imaginer que les Italiens de la Juventus auraient bien cartonné. Pareil pour Schalke 04, meilleur club allemand de l’époque, Arsenal pour l’Angleterre, le Sparta et le Slavia pour la Tchécoslovaquie, ou encore Marseille et Sète – oui, Sète – pour représenter le football français. Mais probablement que les Hongrois de Ferencváros, Újpest et du MTK Budapest auraient aussi fait partie des prétendants sérieux à la coupe aux grandes oreilles. Car à cette époque, le football magyar est en plein développement. Pour l’apogée, il faudra attendre l’après-guerre, mais ça régale déjà pas mal la chique à Budapest au cours de cette décennie 30. Toutes les meilleures équipes du pays sont concentrées dans la capitale Budapest et l’émulation est intense. Premier gros club de Hongrie dans les années 10 et 20, le MTK amorce déjà son déclin et laisse place à l’émergence de deux formations de quartier : Ferencváros, du nom du 9e district de la ville, située plutôt au sud, et Újpest, à l’extrême nord, qui deviendra le 4e district lors du développement de la ville après-guerre.

Le déclin du MTK, la comète Honved

Les deux secteurs ne se touchent pas et les deux clubs n’ont a priori rien au départ qui les différencient vraiment, ni sociologiquement, ni politiquement, ni démographiquement. Tous deux sont majoritairement soutenus par un petit peuple d’ouvriers et l’opposition est d’ailleurs au départ plus forte avec le MTK et ses fans bourgeois et commerçants du centre-ville. « La rivalité entre Ferencváros et Újpest n’en est d’ailleurs pas vraiment encore une à cette époque, ou alors seulement sur un plan géographique : quartier de ville contre village de la périphérie, éclaire Dániel Hegyi, journaliste au quotidien local Nemzeti Sport. La relation entre les deux clubs était bonne, les joueurs des deux équipes composaient la majorité de l’équipe nationale finaliste de la Coupe du monde 1938. Chaque camp avait sa star : György Sárosi à Ferencváros, Gyula Zsengellér à Újpest. » Le derby entre les deux équipes devient le rendez-vous de la saison pour voir du beau football et savoir laquelle terminera championne (les deux se partagent 13 des 16 titres mis en jeu entre 1925 et 1941). Mais l’après-guerre change la donne, avec l’arrivée au pouvoir du Parti communiste, qui souhaite s’immiscer dans tous les pans de la société, football compris. Kispest AC, modeste club de la banlieue de Budapest, est récupéré par le régime et renommé Honved Budapest. Avec des appuis haut placés, le Honved récupère tous les meilleurs joueurs du pays et devient l’espace de quelques années une machine à gagner, avec Puskás, Bozsik, Czibor, Kocsis and co, qui font parallèlement le bonheur de la meilleure sélection du monde.

Újpest sous contrôle de la police

Mais en 1956, suite à l’insurrection de Budapest contre l’URSS, l’équipe du Honved, alors en tournée en Occident, finit par se désagréger, certains joueurs choisissant de fuir, les autres retournant au pays dans des conditions rocambolesques, sans que la grande formation de Honved puisse se remettre de ce soubresaut de l’histoire. Petit à petit, les anciens clubs phare Ferencváros et Újpest vont en profiter pour revenir sur le devant de la scène, la rivalité prenant cette fois une tournure plus politique, comme l’explique Dániel Hegyi : « À partir des années 50, Újpest est passé sous contrôle du ministère de l’Intérieur, tandis que Ferencváros est toujours resté farouchement dans l’opposition. » Les violets de l’Újpest, équipe de la police, contre les verts de « Fradi » , surnom de Ferencváros, équipe du petit peuple : le derby prend une allure de match entre le système et l’antisystème, l’élite du pouvoir face aux travailleurs. « C’est l’âge d’or du derby de Budapest, estime Dániel Hegyi, les deux équipes étaient revenues à leur meilleur niveau et le stade était toujours plein. » Dans ces années-là, chaque camp a droit à son exploit : la Coupe des villes de foire (ancêtre de la Ligue Europa) pour Ferencváros conquise en 1965, les sept championnats consécutifs raflés entre 1969 et 1975 côté Újpest.

Le 6-0 de 2010

Mais dans ces mêmes années, le football hongrois entame déjà un lent déclin, aggravé après 1989 et le démantèlement du rideau de fer. Il perd ses repères, le niveau sportif baisse et la popularité du championnat national diminue en conséquence. Le derby de Budapest n’échappe pas à la règle, d’autant que les deux anciens clubs référence sont rentrés dans le rang : Újpest n’a plus remporté le championnat depuis 1998 et Ferencváros depuis 2004. Ce dernier est même tombé par la suite pendant trois saisons en D2, avant de revenir en élite en 2010. « Mais c’est encore aujourd’hui la plus grosse rivalité du pays et le derby le plus important de la saison, affirme Dániel Hegyi. Même s’il n’y a plus rien de politique en jeu, les fans des deux camps se haïssent et ne manquent jamais l’occasion de se provoquer. » Comme en 2010 justement, où Újpest a dominé son adversaire sur le score historique de 6-0. Depuis, le club violet a décidé de renommer son fanzine distribué avant chaque match d’un sobre « 6-0 » . « Il y a souvent des bagarres aussi bien sûr, ajoute le journaliste local. Chaque derby est un prétexte pour essayer de se taper dessus, ce qui n’est pas facile avec l’impressionnant déploiement policier. Mais c’est souvent que les visiteurs arrachent les sièges du stade rival. » Plus de 10 000 spectateurs sont attendus dimanche pour ce match entre Ferencváros, actuel 3e au classement, et Újpest, classé 11e. C’est peu, vous trouvez ? Pas tant que ça, dans un championnat où beaucoup de matchs se disputent désormais devant souvent guère plus de 1000 à 2000 personnes…

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