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De l’art de chambrer

Par Mathieu Faure
De l’art de chambrer

Joey Barton qui mime le nez de pélican de Zlatan Ibrahimovic en plein match, c'est drôle. Chez les poètes, on appelle ça chambrer. C'est devenu rare dans le football alors que cela fait partie du jeu. Quand c'est utilisé à bon escient, c'est même un très bon coup tactique. Une botte secrète.

Chambrer : verbe. Se moquer, taquiner quelqu’un [familier]. Synonyme charrier. En NBA, on parlerait de trash talking. A savoir l’art de parler à tort et à travers pendant tout un match. Reggie Miller ou Kevin Garnett avait fait de cette tactique mentale un style de vie. Ou comment prendre l’ascendant psychologique sur son adversaire, même quand celui-ci est beaucoup plus fort. Oui, le chambrage est subtil, frontal, vicieux et jouissif. C’est souvent une méthode de petite frappe mais qu’est-ce que c’est bon. Et chacun a son style.

Ceux qui préfèrent les mots

C’est le plus simple. Pas besoin d’y aller par quatre chemins. On prend un point A – souvent sa propre personne – et on essaie de rejoindre le point B – en général la dignité de son adversaire – et on fait un tout droit. Ceux qui n’assument pas vraiment de le faire en public se lâchent sur le pré. C’est le cas de Xavi, le génial milieu de terrain barcelonais qui, lors de la fameuse manita infligée au Real Madrid, a eu la délicatesse de balancer au visage de Lassana Diarra au moment de lui redonner un ballon : « Vu que vous n’avez pas touché le ballon de la soirée, comme ça tu pourras un peu y goûter » . Simple. Rapide. Efficace.

Quand on a un peu plus de bouteille, on peut s’exercer face aux micros et aux caméras. Le principe est strictement le même. A ce jeu-là, le président lyonnais Jean-Michel Aulas est un chambreur d’exception. Ainsi, alors qu’il a été malmené par certains supporters stéphanois lors d’une victoire dans le Forez, il arrive à retourner la situation à son avantage avec une pirouette. Concentrez-vous sur la chute : « J’ai eu un peu peur. J’ai vu un individu parcourir la tribune officielle, sans doute avec la complicité des officiels parce qu’on ne vient pas en tribune officielle comme ça. Il y avait quelque chose qui faisait tic-tac. Je n’ai pas pensé à une Playstation. J’ai eu peur que ça explose en vol, un peu comme Saint-Étienne ce soir. » . Applaudissements. L’effet est là. Aulas a gagné deux matchs. Le premier, sur le pré. Le second, dans sa bouche. Grosses cojones Jean-Mimi.

Mais le maître absolu des mots reste José Mourinho. Mieux qu’une petite frappe, José est une frapette. Il ne dort jamais. Ainsi, lors de son séjour à Chelsea, il s’était payé, gratuitement, le type qu’il avait remplacé. Un certain Claudio Ranieri. C’est ça, la force de José. Déboiter publiquement des mecs qui n’ont rien demandé et qui ne s’y attendent pas : « J’ai étudié l’italien cinq heures par jour pendant plusieurs mois pour être sûr de pouvoir communiquer avec les joueurs, les médias et les supporters. Ranieri a été en Angleterre pendant cinq ans et peine encore à dire « Good Morning » et « Good afternoon ». Il a gagné une Supercoupe, une petite coupe. Il n’a jamais gagné un grand trophée. Peut-être qu’il devrait changer de mentalité, mais il est trop vieux pour le faire » . GÉNIE.

Ceux qui préfèrent le 2.0

C’est la nouvelle mode. Avec Twitter, le chambrage est passé dans une autre galaxie. Aujourd’hui, on snipe en 140 signes. Et à ce jeu de mots, c’est Mario Balotelli le plus fort. Rien que sur le mois de février, il est en avance sur tous les temps de passage. « Tout le monde dit que Lionel Messi est un magicien. Eh bien c’est vrai, il s’est fait disparaître pendant 90 minutes ce soir » . Première balle. « Joe Cole et Andy Carrol ont marqué dans le même match. Parfois les blagues s’écrivent d’elles-mêmes » . Deuxième balle. « Happy Champions League Day ! Ou si tu es un fan de Chelsea, Happy Pancake Day! » Troisième balle. Bref, Mario est un grand malade qui arrose à tout va.

En France, on commence tout doucement à s’y mettre et force est de constater que ce sont les Ritaliens qui ont importé le truc. Auteur d’un doublé face à Lyon (victoire 3-1), Adrian Mutu se la raconte aussi sur Twitter. Le Roumain en a profité pour échanger quelques messages en italien avec son ami Kader Ghezzal, qui joue à Bari et frère du milieu lyonnais Rachid. « Bravo à ton frère. Il a un pied. Meilleur que le tien » . Forcément, ça donne des idées au frangin en question. Mardi soir, alors que l’ASSE se qualifie pour les quarts de finale de la Coupe de France contre Lille (3-2), les jeunes pousses lyonnaises se sont laissées aller sur Internet. « Apparemment, Saint-Étienne est champion de France » , s’en est ainsi ouvertement amusé Rachid Ghezzal, avant qu’Alassane Pléa n’y aille également de sa petite drôlerie littéraire : « Je rêve ou c’était une demi finale de ligue des champions ? #cinema » . Attention, le chambrage sur Twitter peut vite prendre une vilaine tournure si la première salve est teintée d’aigreur.

Ceux qui préfèrent le faire en public

Mais bon, on va l’avouer, rien n’est plus respectueux et couillu qu’un chambrage en live. A la face des caméras et des spectateurs. Un peu comme Luis Suarez qui profite de son caramel dans un derby entre Liverpool et Everton pour aller dire à David Moyes, le coach des Toffees, ce qu’il pense de ses propos sur les plongeons. L’Angleterre n’est d’ailleurs pas le dernier pays pour faire dans la compétition phallique. Entre un Mario Balotelli qui sort son tee-shirt floqué « Why always me ? » après un but à Old Trafford ou Craig Bellamy et Jon-Arne Riise fêtant leur but contre le Barça en invoquant une sombre histoire de golf, on a de quoi faire. Pour en revenir à Bellamy-Riise, on est dans le subtil. Quelques jours avant la rencontre, le Gallois et le Norvégien, complètement torchés, se sont frités dans un bar à karaoké. Histoire d’être dans le move, Bellamy s’est servi d’un club de golf pour régler son différent avec Poil de carotte. La scène est donc pleine d’auto-dérision. On est clairement un niveau au-dessus.

La subtilité n’est pas trop le truc de Mourinho. On l’a bien vu. Alors, quand il s’agit de faire dans le chambrage de compétition en public, José n’y va pas avec le dos de la cuiller. Dans la défaite, José est mauvais. On se souvient de son doigt dans l’œil de l’adjoint de Josep Guardiola telle une petite racaille. Et dans la victoire, José est immense. Ainsi, quand il vient éliminer héroïquement le Barça avec son Inter Milan de cabochards, il ne se fait pas prier pour laisser exploser sa joie sur la pelouse du Nou Camp. Tout le monde en profite. C’est cadeau. Un peu comme un Luis Fernandez dansant de joie au Parc des Princes après que Ronaldinho a fini de s’amuser avec la défense de l’OM. Dans ce genre de moment, la décence n’existe plus. Il n’y a plus de retenue. On se torche le cul avec.

Francesco Totti l’a bien compris, lui qui demande poliment aux joueurs de la Juventus de se taire après une défaite 4-0 face à sa Roma : « Chut, 4-0, rentre chez toi ». Le chambrage dans toute sa splendeur. Classe. On est dans l’instant. Il n’y a ni gros mot ni geste obscène. Bien loin des deux monuments qui nous permettent de clôturer ce papier. Le classique « main au panier » de Carlos Valderrama. Ou comment le palmito colombien se fait humilier en direct. Et le non moins classique but de « chambreur » qu’on a tous marqué un jour ou l’autre dans un match entre potes. Mais oui, le fameux but de merde qui consiste à pousser la balle dans le but vide avec la tête. A quatre pattes.

Une chose est certaine, le chambreur a généralement une grosse paire de couilles, un minimum de talent, une certaine vivacité d’esprit et une bonne dose de folie. Jérémy Morel n’est pas un chambreur. Dommage, il est très drôle.

Après la trêve internationale, place au festin !

Par Mathieu Faure

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