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Colo-Colo et le lourd héritage de Pinochet

Par Ruben Curiel
Colo-Colo et le lourd héritage de Pinochet

Le 11 septembre 1973, jour du coup d'État d'Augusto Pinochet, le football chilien tombe entre les griffes du dictateur, toujours président d'honneur du club. Aujourd'hui, le club de Colo-Colo et les socios veulent oublier cet héritage pesant.

« Vamos a romper, vamos a romper, vamos a romper el estadio de Pinochet ! » ( « On va détruire le stade de Pinochet » , ndlr). C’est le chant principal qu’entonnent les supporters de la Universidad de Chile quand ils affrontent leurs rivaux de Colo-Colo. Ce sempiternel refrain fait référence à l’histoire qui lie le dictateur chilien et le club de Santiago, vieux de 90 ans. Aujourd’hui, dirigeants et supporters du club veulent se défaire de ce néfaste héritage. Des abonnés du club ont même lancé une campagne nommée « Fuera Pinochet » ( « Dehors Pinochet » ), afin de retirer le titre de président d’honneur de l’instance au défunt dictateur.

Le désastre économique du « mandat » Pinochet

Rien d’honorant dans le 12 septembre 1973 effectivement. Au lendemain de son coup d’état, Augusto Pinochet transforme le stade Nacional de Santiago en centre de détention. Plus de 7000 personnes y seront retenues et torturées. C’est le début de l’instrumentalisation du football par la dictature militaire, avec un Pinochet ciblant particulièrement un club : Colo-Colo. L’équipe la plus populaire du pays tombe sous le joug d’Augusto, en 1976. La dictature annule tout simplement les élections de la direction du club et impose un nouvel organigramme, composé essentiellement d’employés d’une banque (Banco Hipotecario de Chile), proche du général.

José Miguel Sanhueza De la Cruz, sociologue et supporter de Colo-Colo à l’origine de la campagne « Fuera Pinochet » , décrit pourtant la gestion catastrophique du club : « Ils ont endetté le club. La faillite était proche et ces dirigeants ont tous abandonné le club. La dictature a donc décidé de changer de plan, et a investi pour rattraper le désastre laissé par le groupe BHC » . En 1984, le président colocolino de l’époque, Patricio Vildósola, offre – en guise de remerciement – le poste de « président d’honneur » à Pinochet, pourtant connu comme un supporter de Wanderers. « Une nomination illégitime et antidémocratique, puisque la désignation de socios d’honneur du club a toujours appartenu à son Assemblée de socios » explique le sociologue.

« Il était difficile à l’époque de refuser une offre de Pinochet »

Le club se transforme en outil de propagande du général. Par exemple, le gouvernement de Pinochet programmait des matchs télévisés de Colo-Colo afin de contenir les manifestations. À quatre jours du référendum de 1988 (pour décider de la prorogation au pouvoir jusqu’en 1997 du général), Pinochet annonce que le gouvernement va investir 300 millions de pesos pour terminer la construction du stade Monumental de Colo-Colo. Une annonce démago’, visant à gagner le « oui » d’une majeure partie des supporters du club pour le référendum. Le président de l’époque, Peter Dragicevic, concède « qu’il était difficile à l’époque de refuser une offre de Pinochet » . Le dictateur a aussi participé aux élections de la direction du club en 1994.

Les supporters de Colo-Colo, souvent attaqués sur ce thème par leurs rivaux, tiennent eux à rectifier l’histoire. « Pinochet n’a jamais donné la somme promise, à cause du « non » au référendum » , conteste José Miguel Sanhueza De la Cruz. Le stade aurait même été terminé grâce au transfert (500 000 dollars) d’Hugo Eduardo Rubio à Bologne en 1988. Augusto Pinochet Molina, petit-fils de, n’en démord pas : « Le stade de Colo-Colo n’existerait pas sans l’apport de mon grand-père » , dans le journal chilien Hoy por hoy. L’actuel président de Colo-Colo, Fernando Monsalve, refuse ce travestissement de l’histoire : « Cette personne ignore l’histoire du club et cherche à faire comme son grand-père, utiliser politiquement le club le plus populaire du Chili » . L’ombre de Pinochet plane toujours sur Colo-Colo. Et c’est bien dommage, car le club connaît une période faste sur le terrain : deuxième du championnat chilien et toujours en course en Copa Libertadores.

Le retour des classes populaires

Mais les supporters du champion du tournoi de clôture 2014 ne veulent plus de cette ombre encombrante. Dès 2006, à la mort du dictateur, un groupe de socios alertent le club sur la présence honteuse d’Augusto dans les registres du club. « Le mythe qui associe Pinochet à notre club représente une tache immense pour notre institution, liée aux crimes atroces commis par la dictature militaire » , peut-on lire sur leur page web, qui recueille aussi des signatures pour une pétition. José Miguel Sanhueza De la Cruz est évidemment signataire afin de forcer à « réparer cette énorme injustice historique » . Et d’ajouter : « Colo-Colo a toujours été une équipe soutenue par la classe populaire chilienne, qui ne mérite pas de porter le poids de cet héritage honteux sur ses épaules. Surtout quand il provient de décisions illégitimes prises dans une logique de politique interventionniste » .

C’est cette même classe populaire justement que le sociologue veut convaincre aujourd’hui : « Nous avons été endettés par Pinochet, les secteurs de la santé et de l’éducation ont été détruits par les privatisations et de nombreux droits ont été bafoués. Nous ne devons absolument rien à Pinochet » . La campagne « Fuera Pinochet » a pour objectif d’intégrer la motion lors de la prochaine Assemblée des socios, qui aura lieu à la fin du mois de mai. « Nous espérons avoir un vrai débat à l’assemblée. Là, nous pourrons montrer que Colo-Colo est un club démocratique, géré avec une politique différente de celle du passé » ajoute l’homme à l’origine de la campagne. Selon De la Cruz, la demande a bien été accueillie par la présidence du club. Fernando Monsalve confirme et applaudit l’initiative : « Pendant la dictature, le peuple colocolino a été exclu du club. Aujourd’hui, nous avons ouvert les portes afin que tout le monde participe. Ainsi, de telles propositions peuvent être écoutées, débattues, et finalement, la décision revient à la majorité » .

Les socios comme bouclier

Si l’Assemblée accepte cette motion, une élection sera organisée et les socios décideront du retrait du nom de Pinochet des registres de l’institution. Monsalve affirme lui que le club « cherche à se refonder et oublier cette mauvaise gouvernance, pour donner le plein pouvoir aux socios » , gage de protection pour ne plus « jamais connaître ce modèle d’intervention politique qui a fait couler le club » . Le président de Colo-Colo met de toute façon les choses au point : « Je dois mon rôle de président à tous les socios. Si nous pouvons effacer l’héritage de Pinochet, ce sera le résultat d’un débat entre tous, pas une récompense individuelle » .

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Par Ruben Curiel

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