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Christian Gavelle : « J’avais acheté une fausse carte de presse pour entrer au Parc »

Par Florian Lefèvre
Christian Gavelle : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J’avais acheté une fausse carte de presse pour entrer au Parc<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Il capture les joueurs, les époques, les grands moments qui font l’histoire du club. Depuis 1986, Christian Gavelle est le photographe du Paris Saint-Germain. À son compteur : plus de 1 400 matchs officiels du PSG. Qui dit mieux ? Ses plus beaux clichés sont désormais compilés dans Culture Club — 30 ans de photographies au cœur du Paris Saint-Germain. Entretien.

Étant jeune, tu avais deux passions : la photo et le PSG. Raconte-nous comment tu en es venu à concilier les deux en devenant photographe du PSG…J’avais un copain de classe dont la cousine était copine avec la fille de Francis Borelli. C’est comme ça que je suis allé au Parc des Princes la première fois. En fait, moi, je suis venu au football avec les années Saint-Étienne. Et puis, j’ai découvert qu’il y avait un club à Paris. Je me suis dit : « C’est con, tu n’as jamais mis les pieds à Saint-Étienne. » Je ne savais même pas à quoi elle ressemblait, cette ville. C’était le début du magazine Onze, et il y avait un supplément sur le Paris Saint-Germain. Je l’ai lu. C’était à la fin des années 70. Il y avait un truc qui s’appelait la carte du jeune supporter. Tu achetais une carte trente francs et tu pouvais voir dix matchs dans l’année – presque un match par mois. J’ai acheté cette carte après être allé au Parc avec mon pote. Je me suis fait un drapeau en achetant du tissu au marché Saint-Pierre et le mat, c’est un mat en bois qui se déplie que j’avais piqué sur la tente de mes parents. Je l’ai toujours : il est bleu, liserés blancs, rouge, liserés blancs, bleu.

Tu as pris tes premières photos en tribune. Où est-ce que tu allais voir les matchs au Parc ?Les dix matchs dans l’année, c’était en tribune K. (D’où le « Kop K » , aux prémices du « Kop of Boulogne » , le groupe rassemblant les jeunes supporters, qui ont ensuite migré en tribune Boulogne en 1978, à cause de la hausse du prix des places, ndlr.) J’étais au lycée. À la mi-temps des matchs, je passais par-dessus les grilles pour aller au bord de la pelouse. Un jour, en enjambant la grille, je me suis ouvert le jean et enfourché un morceau de fesse. Mon père faisait de la photo en amateur, donc on développait les photos dans la cuisine de la maison.

Tu savais déjà que tu voulais devenir photographe ?Non, pas trop. Mais j’ai retrouvé récemment une rédaction que j’avais faite.

À l’époque, tu allais à l’entraînement comme ça, il n’y avait pas de barrières. Tu parlais avec les gars comme si tu parlais avec ton boulanger.

Le sujet, c’était : « Quelle est votre dernière grande émotion ? » Et j’avais raconté un match de Coupe au Parc. On avait des cahiers Clairefontaine, je dessinais le logo du PSG dans les ronds du cahier. C’est parti comme ça. Après les tirages, ça m’arrivait d’aller me faire dédicacer les photos par les joueurs : Dominique Rocheteau, Luis Fernandez, Jean-Marc Pilorget, Dominique Bathenay… À l’époque, tu allais à l’entraînement comme ça, il n’y avait pas de barrières. Tu parlais avec les gars comme si tu parlais avec ton boulanger. On n’était pas beaucoup, peut-être six personnes. Peu de journalistes, il y avait quelques nanas qui venaient régulièrement. J’avais aussi acheté une fausse carte de presse pour entrer au Parc. Je faisais un boulot d’été à la FNAC sport. En parlant avec les mecs, il y en a un qui me dit : « Tiens, je connais un gars qui fait des fausses cartes de presse. » J’ai filé ma photo, et elle avait de la gueule, cette carte ! C’était en 1982. J’arrivais à l’entrée principale du Parc, je montrais ma carte et j’entrais comme ça. J’y allais au culot.

L’incipit de ton livre, c’est une citation de Francis Borelli… « Bienvenue au club, mon fils. » Avec l’accent pied-noir (il imite l’accent, ndlr). Un jour, Christian, l’un des photographes, ne pouvait pas venir à PSG-Bordeaux. Le PSG m’a appelé pour la première fois pour venir couvrir un match. De fil en aiguille, je leur ai proposé de faire des sujets différents. Sur les États-Unis, avec Dominique Rocheteau, par exemple. Je me suis retrouvé chez Dominique Rocheteau à écouter de la musique californienne avec lui. Imagine la même chose aujourd’hui avec Zlatan. À l’époque, je me rends un peu indispensable en proposant des sujets comme ça. Et Les Amis du PSG (l’association de supporters pour laquelle il collaborait, ndlr) n’ont plus les moyens de financer les coûts parce que le mec qui gérait la publicité s’est barré avec les sous. Parallèlement, moi j’ai arrêté mes études. Je bossais dans un labo.

Tu faisais des études de quoi ?Non, mais je n’ai pas mon bac (rires). J’ai pété les plombs, je suis parti trois mois aux États-Unis. En 1985-86, quand le PSG est le champion, le club remet à chaque joueur une R5 GT Turbo Sport. Le délégué général m’appelle : « Il faut que tu sois demain matin au Parc pour photographier la remise des voitures. » Moi, je lui dis : « Non, non, demain, j’ai un boulot dans une usine, je dois m’occuper de pièces détachées. » Et puis, c’était le père de ma petite copine de l’époque qui m’avait donné le boulot, bien payé. Le délégué général me répond : « Si tu ne viens pas demain, tu ne bosseras plus jamais avec nous. » Et je n’y suis pas allé.

Tu t’es dis quoi à ce moment-là ?Je pensais que j’avais tout perdu. Ça m’emmerdait, mais je ne pouvais pas faire ça. Je galérais pour trouver du boulot et c’était le père de ma copine de l’époque qui me l’avait confié. Finalement, j’ai eu le directeur général après au téléphone : « En fait, c’est bien parce que tu es un mec sérieux, quand tu donnes ta parole, tu t’y tiens. » Donc, je bossais pour le PSG en touchant un peu à chaque numéro du magazine. Au club, il n’y avait pas beaucoup de budget à l’époque. On devait être quinze salariés.

Quelle est ta patte de photographe ?Depuis deux-trois ans, j’aime bien les photos en contre-plongée.

Je me considère comme un photographe d’illustration. Je suis là pour capter un instant.

J’en abuse un peu d’ailleurs. Après, je me considère comme un photographe d’illustration. Je suis là pour capter un instant. Tout le monde ne peut pas être présent, c’est la réflexion que je m’étais faite avant la finale de Coupe de France 2006 : « Il va y avoir 80 000 personnes dans le stade, je suis dans le vestiaire à faire des photos pour les gens qui auraient voulu être là. » Je me sens investi d’une mission de reporter. Je ne cherche pas forcément à ce que ce soit artistique, mais à ce que ce soit au plus près de la réalité.

En parlant de cette finale, avec le coach de l’époque, Guy Lacombe, ça n’avait pas été facile tout de suite…Guy Lacombe, je m’en souviens très bien, il remplace Laurent Fournier à la trêve hivernale. En fait, quand il arrive, tous les joueurs sont dans le vestiaire. Je me suis dit : « Ça va être génial, je vais faire les photos du premier contact avec Guy Lacombe. » J’avais prévu de partir après. Ça ne lui a pas plu. Lui, il avait entraîné à Guingamp, Sochaux… Après, il a un peu compris l’intérêt médiatique pour le club et sur la finale de la Coupe de France 2006, je suis au vert au golf national avec l’équipe et le jour du match, je pars au stade avec les joueurs. J’ai vraiment vécu ça de l’intérieur. Battre Marseille en finale, c’est plus jouissif que de battre Nancy. Je l’ai remercié à la reprise de la saison.

C’est quoi, être dans son match, quand on est photographe au bord du terrain ?Super réceptif à tout. Il y a beaucoup de répétitions des scènes, au bout d’un moment, tu as un peu tout exploré. Il y a un rituel : l’arrivée du bus, l’échauffement, le protocole d’avant-match… C’est vrai que c’est pas évident de se renouveler, surtout que tu as de moins en moins de latitude pour bouger. Au Parc, je suis un peu chez moi. Des fois, je tombe sur des délégués très pointilleux. Pour moi, l’horreur, ce sont les matchs de Ligue des champions. C’est-à-dire que l’UEFA prend ton stade, tu n’es pas chez toi et moi je suis un photographe lambda. Tu es derrière une barrière. C’est cool, mais en même temps très frustrant parce que tu ne peux rien expérimenter.

Est-ce que, comme les joueurs, tu vis les grands matchs avec une émotion particulière ?Objectivement, je ne vis plus les matchs comme je les vivais avant. Aujourd’hui, je vis les matchs un peu froidement. Si on gagne, c’est sympa de faire une photo de la joie dans le vestiaire. Mais c’est devenu le quotidien. J’ai une approche très professionnelle. Au début, quand j’ai commencé à bosser pour le PSG, j’étais subjugué. J’avais des yeux d’enfant. Quand je me suis retrouvé chez Dominique Rocheteau en prenant des photos avec des plaques d’immatriculation américaines que j’avais amenées et des bouquins sur les États-Unis, c’était très fort.

Lors de victoire en Coupe des coupes, tu prends peut-être ta plus belle photo en capturant la joie de Bruno N’Gotty. Parle-nous de cette soirée…

En 96, j’ai un peu pété les plombs. J’ai récupéré le maillot de Raí, le short de Youri Djorkaeff que j’ai mis par-dessus mon jean et j’ai pris les chaussettes de Paul Le Guen. Quand je descends de l’avion, je suis habillé comme ça…

En 96, j’ai un peu pété les plombs. J’ai récupéré le maillot de Raí, le short de Youri Djorkaeff que j’ai mis par-dessus mon jean et j’ai pris les chaussettes de Paul Le Guen. Quand je descends de l’avion, je suis habillé comme ça et je fais toutes les célébrations comme ça. J’étais content que ce groupe de joueurs gagne une Coupe d’Europe. J’étais là pour la première. Même si demain, le PSG gagne la Ligue des champions, la première Coupe d’Europe restera toujours celle de 96.

Dans le livre, il y a beaucoup de clichés hors-terrain qui sortent de l’ordinaire. Comme la photo de Bernard Lama, Serge Lama et deux lamas au Jardin des Plantes…L’idée au départ est de Guy Sitruk, qui était journaliste à L’Équipe. Il s’occupait de Serge, moi de Bernard. On a appelé le Jardin des Plantes et puis il fallait une date. Bernard, il a trouvé ça marrant. Et moi, j’ai appris que Serge Lama avait choisi son nom de scène en prenant un dictionnaire et en pointant le doigt au hasard sur un mot : « lama » .

Aujourd’hui, au PSG, il y a un staff élargi autour de l’équipe, mais avant tu devais être très proche des joueurs…Quand on partait sur un match, ou un stage, tu avais le staff technique, le staff médical et moi. Même pas d’attaché de presse. J’étais un peu l’électron libre qui venait se greffer sur la grappe.

Comment établis-tu une relation de confiance avec les joueurs ?J’ai toujours gardé les mêmes principes depuis le début : être le plus discret possible et le moins perturbateur possible. Faire des images sans intervenir verbalement. Ne pas rester trop longtemps au même endroit quand tu fais des images, s’il y a une conversation que je ne dois pas entendre, quitte à revenir. Tout ça en douceur. Ce qui fait que beaucoup de joueurs ont cru que j’étais un mec introverti, timide. Alors que ce n’est pas du tout ma personnalité. Mais tu es obligé d’être en retrait. Les projecteurs sont sur les joueurs.

Comment fait-on pour se réinventer quand on photographie le PSG depuis une trentaine d’années ?Tu mets le doigt sur quelque chose qui n’est pas facile. Il y a des fois où tu as plus ou moins la pêche. Hier, je n’avais pas la pêche à Bordeaux (l’entretien s’est déroulé après la victoire du PSG à Bordeaux, en Coupe de la Ligue, 1-4, ndlr). Je n’étais pas dans le match du tout. Les premières années, je pouvais me laisser à regarder le match, aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Si je rate un but, c’était le cas à Nantes, c’est parce que j’avais des gants et que j’ai appuyé à côté du bouton. Je n’ai plus l’émotion qui peut me faire rater le truc.

Tu dis : Le vestiaire, je n’y vais que lorsqu’on gagne des matchs. » Du coup, en ce moment, ça va, mais dans les années 2000… (Rires) Je n’y suis pas allé pendant plusieurs matchs de suite. Des fois, je me disais : « Putain, c’est bon d’y retourner. »

C’est plus compliqué pour toi de travailler quand il y a des mauvais résultats ?Quand tu perds un match, les gars sont frustrés. Même si ça peut faire de belles photos, c’est délicat. Tu dois aussi t’adapter au profil de l’entraîneur. Maintenant, les joueurs donnent leurs photos au kiné et ils la postent tout de suite.

Est-ce que les joueurs sont demandeurs de tes photos même s’ils ont leur smartphone ?Avant, je leur envoyais les photos quand j’arrivais chez moi, mais je me rends compte que maintenant, je pense que c’est trop tard. J’ai prévu d’aborder ça avec les joueurs parce qu’il y a un nouvel aspect qu’il va falloir que je devance avant justement d’être devancé par les joueurs.

Culture Club — 30 ans de photographies au cœur du Paris Saint-Germain, édition Solar, 44,90 €

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