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Chisnall, le dernier homme

Par Maxime Brigand et Romain Duchâteau
Chisnall, le dernier homme

Phil Chisnall est le dernier joueur à avoir été transféré directement des Red Devils aux Reds. C'était il y a 50 ans. La chose, au regard de la rivalité entre les deux clubs, serait impensable aujourd'hui. Récit d'une histoire oubliée avec comme acteurs principaux Bill Shankly, Matt Busby ou encore George Best.

En son temps, Sir Alex Ferguson pouvait disserter pendant des heures au sujet de Liverpool. Lui, l’entraîneur emblématique de Manchester United, avait fait du Derby of England un rendez-vous particulier dans la saison. Le genre de rencontres qu’il ne fallait manquer pour rien au monde. Un match entre deux équipes qui se détestent par-dessus tout. Dans son autobiographie, Ferguson avancera même que « son plus gros challenge n’était pas de gérer l’instant présent, mais de faire tomber Liverpool de son putain de perchoir » . L’Écossais avait fait de la double confrontation annuelle contre les Reds un spectacle. Une pièce dramatique qui se joue depuis la révolution industrielle britannique entre deux villes séparées de 55 kilomètres par l’autoroute M62, puis portée à son apogée à partir des années 60 lorsque Bill Shankly remporta son premier titre de champion d’Angleterre avec Liverpool. Une période de l’histoire où Manchester United et son voisin honni rivalisaient pour devenir roi, où le hooliganisme vivait ses premières heures. Et où un homme a décidé de ne pas choisir entre les deux camps. En 1964, Phil Chisnall, alors joueur des Red Devils, signe à Liverpool contre 25 000 £ et ne se doute pas qu’il va faire changer les mentalités.

« Vous n’imaginez pas le plaisir de regarder George Best le matin à l’entraînement »

Durant l’été 64, une image plane comme un souvenir insoutenable du côté de Manchester. Un mauvais souvenir, proche du cauchemar, où le manager de Liverpool, Bill Shankly, soulève le trophée de champion d’Angleterre au milieu de ses joueurs. Une réalité datant du mois de mai précédent. Remontés en Premier League seulement deux ans auparavant, les Reds viennent de remporter leur premier titre depuis dix-sept ans et Shankly peut enfin accéder au rang de héros. De son côté, Manchester United tente de se relever du drame qui a décimé une partie de son équipe lors du crash aérien de Munich en 1958. La saison 1963-64 sera celle du renouveau pour United qui terminera juste derrière Liverpool avec dans ses rangs un jeune prodige nommé George Best, un survivant de Munich, Bobby Charlton, et deux Écossais au talent sans égal, Denis Law et Pat Crerand. Cette année-là, un jeune attaquant fait également beaucoup parler de lui. Phil Chisnall, 22 ans, grignote des bouts de rencontres et inscrit six buts en 20 matchs. Rapidement éclipsé par l’émergence de Best, le jeune Anglais cire le banc, mais se bat.

Historien du football à Manchester, Gary James se souvient d’un « joueur normal qui n’était pas vraiment une grande star » . « Chisnall est arrivé à United dans le sillage des Busby Babes et a réussi à se faire une place dans la tête de Matt Busby assez rapidement, poursuit-il. Son seul problème, c’est que dans sa génération, il y avait une légende : George Best. » Au final, le natif de Manchester disputera 47 rencontres sous le maillot des Mancuniens et inscrira une dizaine de buts. « C’était déjà une grande joie pour moi de jouer autant de matchs avec United. Je peux dire aujourd’hui que j’ai joué avec Law, Best, Stiles, Charlton… Vous n’imaginez pas le plaisir que l’on pouvait prendre à regarder George Best le matin à l’entraînement » , racontera Chisnall au Liverpool Echo en janvier 2013.

« Retrouver les Beatles, je n’ai pas pu refuser »

Son aventure durera trois ans avant un coup de fil de son entraîneur, Matt Busby. Nous sommes en avril 64, et, à la sortie de la séance du matin, Phil Chisnall écoute attentivement son coach : « Shanks te veut dans son équipe » . À cette époque, le plus important, c’est le prestige dans la ville. Liverpool doit être meilleur qu’Everton, et United écraser City. Les négociations ne dureront pas longtemps. Bill Shankly et Busby, dont le respect éternel l’un pour l’autre marque l’époque, se retrouvent dans une petite pièce et tombent très vite d’accord. L’histoire raconte que le rêve du manager historique de Liverpool est d’arracher Bobby Charlton. Faute de mieux, il récupérera Chisnall. « J’avais l’impression d’assister à des retrouvailles entre un père et son fils. Ils connaissaient tout l’un de l’autre, et moi, aller à Liverpool, retrouver les Beatles, je n’ai pas pu refuser » , confie Chisnall. Il ne se doute pas à ce moment-là qu’il deviendra le dernier joueur transféré directement entre les deux clubs.

Le transfert de Chisnall à Liverpool n’émeut personne à l’époque. Car, d’une part, la rivalité entre les deux clubs les plus titrés du Royaume ne se situe pas à son acmé. D’autre part, celui qu’on appelle à l’époque « the kid from the school around the corner » s’érige comme un modeste attaquant dans les rangs de Manchester United, malgré sa participation à la victoire lors de la FA Cup de 1963. « Quand j’ai rejoint Liverpool, la rivalité avec Manchester United ne ressemblait en rien à ce qu’elle est aujourd’hui, expliquait-il au Guardian en 2007. Personne n’a vraiment rien dit au sujet de mon transfert et j’ai d’ailleurs eu un bon accueil quand je suis retourné à Old Trafford avec Liverpool » .

Les Reds, le flop et l’usine

Sous la tunique des Reds, le jeune attaquant entend enfin donner l’élan escompté à sa carrière : « Je n’avais que vingt-deux ans et, à tort ou à raison, j’avais pris la décision de partir. Je pensais que j’aurais l’occasion de réussir quelque chose dans l’équipe de Liverpool et que ma carrière pourrait vraiment décoller. » Un objectif qui ne demeura qu’un doux songe. Si les Reds signent avec maestria leur retour sur la scène internationale (deux championnats et une FA Cup remportés), Chisnall ne marquera pas l’histoire du club. Seulement neuf matchs et un petit but entre 1964 et 67. Un échec qui s’explique en partie par ses limites évidentes en tant que joueur. Mais aussi, et surtout, par une philosophie du football en désaccord avec celle de Shankly, laquelle était plus passionnée, plus exaltée : « Je n’étais pas assez agressif. Je voyais le football comme un jeu, comme un bon moyen de se faire payer et comme un moyen de se faire plaisir. Pas comme une question de vie ou de mort. »

Phil Chisnall partira alors de Liverpool dans l’indifférence générale en quatrième division anglaise, à Southend United. Le début d’un crépuscule à la fois rapide et brutal. En dépit de quelques coups d’éclats sporadiques (28 buts en 142 rencontres), le bonhomme quitte le Sud-Est de l’Angleterre par consentement mutuel avec son club. Une dernière expérience d’une année sans saveur à Stockport County entre 1971 et 1972 viendra sonner le glas d’une carrière aux promesses non tenues. À vingt-neuf ans, l’ex-espoir déchu des Three Lions range les crampons ainsi que la ferveur d’Old Trafford et d’Anfield pour une vie moins excitante, plus ordinaire. L’ancien attaquant court un temps après les bureaux de paris avant de devenir ouvrier dans une usine de fabrication de pain industriel.

La jurisprudence Chisnall

Aujourd’hui retraité à Urmston, un quartier situé à dix kilomètres du centre de Manchester, Phil Chisnall jette un regard amusé sur cette rivalité depuis portée à son paroxysme. « Je suis étonné qu’aucun transfert n’ait eu lieu depuis, assure-t-il. Je me sens privilégié d’avoir représenté ses deux grands clubs, d’avoir connu Busby et Shankly, et j’ai pris beaucoup de plaisir à le faire. » Le gamin de Manchester ne devait être qu’un détail dans la quête de suprématie intergénérationnelle entre Liverpool et United. Il en sera finalement l’un des symboles les plus prégnants. Depuis ce transfert, des clauses ont été ajoutées dans les contrats afin d’éviter l’éventuel départ d’un joueur des Reds à Manchester, et inversement. Michael Owen, Peter Bradsley ou Paul Ince ont connu également les deux maillots, mais sans un voyage direct entre les deux équipes. Gabriel Heinze fut interdit de rejoindre Liverpool par Manchester United en 2007. Simple coïncidence ou destin déjà tracé, son petit-fils fait aujourd’hui partie de l’académie des Red Devils. L’histoire de la famille Chisnall n’est peut-être pas encore tout à fait terminée.

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Par Maxime Brigand et Romain Duchâteau

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