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Chine : l’alerte rouge

Par Antoine Védeilhé, en Chine
Chine : l’alerte rouge

C’est écrit : la Chine va devenir une superpuissance du ballon rond. Le président Xi Jinping en a fait une priorité nationale, et les clubs chinois dépensent sans compter pour faire de la Chinese Super League un championnat qui compte. Sauf qu’au milieu de ce plan parfaitement rodé, l’équipe nationale ne suit pas. Pas du tout. Le sélectionneur vient de démissionner, et la Chine risque de manquer la prochaine Coupe du monde. Aujourd’hui, malgré les millions d’euros investis, le constat est sans appel : la Chine du foot va très mal.

Il a quitté son banc de touche furtivement, la tête basse. Pas même un regard pour son homologue Samvel Babayan, à genoux en train d’embrasser la pelouse. Pendant que son équipe s’en va saluer les supporters qui ont fait le déplacement jusqu’à Tachkent, la capitale ouzbèke, Gao Hongbo, le sélectionneur chinois, rentre seul aux vestiaires. Quelques minutes plus tard, il officialisera sa démission devant les journalistes regroupés dans la salle de presse du Bunyodkor Stadium. Officiellement, l’homme dit être « en mauvaise santé » . Mais dans les faits, c’est bien le football chinois tout entier qui est malade. Battue deux à zéro par l’Ouzbékistan, la Chine a connu sa deuxième défaite consécutive dans le cadre des éliminatoires pour la Coupe du monde 2018. Un revers qui intervient une semaine seulement après une défaite concédée à domicile face à la Syrie. Un résultat qualifié de « honteux » par le pays tout entier. Depuis quelques jours déjà, les Chinois demandaient la tête de Gao Hongbo sur les réseaux sociaux. Sitôt sa démission annoncée, le topic « Au revoir Gao Hongbo » est devenu l’un des plus commentés sur Weibo, le Twitter chinois. Pour le remplacer, les internautes suggèrent tout un tas de noms, parmi lesquels Lio Guoling, l’entraîneur national de ping-pong, ou encore Lang Ping, la femme qui a mené l’équipe féminine de volley au titre olympique à Rio. Les Chinois ont de l’humour, mais pas vraiment de solutions. Et leur pays, dernier de son groupe de qualification avec un petit point, est bien parti pour rater le rendez-vous russe de 2018.

2050, le Guatemala, et 70 000 terrains en quatre ans

La Chine, engluée à la 78e place du classement FIFA entre Saint-Kitts-et-Nevis et le Guatemala, ne serait pas un absent de marque si elle venait à rater la prochaine Coupe du monde. Pourtant, dans l’Empire du milieu, une non-qualification serait vécue comme un immense échec. Pourquoi ? Parce qu’en avril dernier le gouvernement a révélé un plan gigantesque qui pose les bases d’une future domination du football mondial. Pour y parvenir, la Chine va construire 20 000 écoles de foot et faire pousser 70 000 terrains d’ici quatre ans. À terme, le pays souhaite voir trente millions d’enfants chausser les crampons. Délirant. « Les investissements réalisés depuis l’an dernier n’auront pas d’effets notables avant de nombreuses années. Mais forcément, les gens oublient ça et pensent qu’étant donné les dépenses massives qui ont été faites, la Chine devrait se qualifier pour la prochaine Coupe du monde » , pose Mark Dreyer, ancien correspondant de la chaîne Sky Sports à Pékin, et désormais analyste averti du football chinois. Dès le début, pourtant, les dirigeants du Parti communiste avaient prévenu : oui, la Chine dominera le monde du foot, mais pas avant… 2050 ! Sauf que les supporters chinois, eux, s’impatientent. « L’équipe nationale a toujours été une source de moquerie pour ses supporters, ajoute Mark Dreyer. Mais il faut se rappeler qu’accéder aux derniers tours des qualifications de la zone Asie, c’est déjà un exploit pour le Chine ! Ça n’est arrivé que très rarement. » En plus de soixante ans d’existence, le pays n’est parvenu qu’une seule fois à se qualifier pour une Coupe du monde. C’était en 2002.

« Ils manquaient d’un peu de talent »

Il y a une question que tout le monde se pose : pourquoi un pays de plus d’un milliard d’habitants est-il incapable de trouver un réservoir de onze joueurs capables de rivaliser avec les meilleures nations mondiales ? Un homme, un Français, tient peut-être la réponse. Didier Notheaux a été l’un des tout premiers entraîneurs tricolores à tenter l’aventure chinoise. En 2005, inspiré par l’expérience de son ami Claude Le Roy à Shanghai, l’ancien milieu de terrain de Rouen et du RC Lens s’expatrie à Canton où il devient directeur technique de l’équipe alors en deuxième division. « Ce que j’ai tout de suite vu, c’est que les Chinois étaient très disciplinés. Ils ne rechignaient jamais à la tâche, se souvient-il. Ils ne manquaient pas d’envie, simplement d’un peu de talent. Ils n’avaient aucune créativité. » Et si, dix ans plus tard, le constat était toujours le même ? Les joueurs chinois ne sont-ils pas tout simplement mauvais ? « En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’à l’époque, ils travaillaient mal, enfonce Didier Notheaux. L’entraîneur passait son temps à faire de la mise en place. On ne travaillait jamais sur le fond et physiquement, on n’était vraiment pas terribles. » Le temps ne semble pas avoir amélioré les choses. Le niveau affiché par les joueurs locaux sur les pelouses de la Chinese Super League n’est pas très rassurant pour l’avenir. En ouvrant grand les vannes du recrutement pour attirer des stars étrangères, les décideurs du football chinois en ont oublié les joueurs locaux. « Le développement du football chinois et le développement des footballeurs chinois sont deux choses totalement différentes, rappelle Mark Dreyer. Quand les clubs du championnat investissent massivement dans des joueurs étrangers, ça n’améliore le niveau de leurs coéquipiers chinois que d’une façon infime. Cependant, beaucoup d’observateurs continuent de penser qu’investir dans le football chinois, c’est aussi améliorer les footballeurs chinois. Mais c’est faux. »

Rendez-vous en 2030

Pendant que les richissimes propriétaires de club flambent leur fortune dans les transferts, ils ne se consacrent pas à la formation de leur nouvelle génération. Les joueurs chinois, parents pauvres de leur propre football ? Oui, à en croire Didier Notheaux. Et cela ne date pas d’hier : « En 2005 on offrait déjà de bons salaires à nos joueurs étrangers. Et on leur payait un appartement. Les Chinois, eux, dormaient tous dans un dortoir. Ils n’avaient le droit de rentrer chez eux que le week-end. Même ceux qui étaient mariés. » En attendant de former une équipe nationale à la hauteur de ses ambitions, la Chine a peut-être trouvé une solution pour disputer la Coupe du monde : organiser elle-même la compétition. Le pays souhaite se porter candidat en 2030. À cette date, selon les plans du gouvernement, le pays devrait compter un terrain de foot pour 10 000 habitants. Ensuite, si les souhaits du président Xi Jinping sont exaucés, la Chine devrait donc être en mesure de soulever le trophée en 2050. Interrogés sur la faisabilité du projet en avril dernier par le très sérieux South China Morning Post, les internautes chinois avaient répondu « non » à 72%. Mark Dreyer, lui, est carrément plus pessimiste : « Je serais vraiment sur le cul si la Chine remportait la Coupe du monde de mon vivant. »

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Un nouveau sélectionneur au chevet du patient chinois
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Par Antoine Védeilhé, en Chine

Tous propos recueillis par AV.

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