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« Chez nous, Yaya était souvent remplaçant »

Propos recueillis par Christophe Gleizes, à Abidjan
«<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Chez nous, Yaya était souvent remplaçant<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Avant de percer à l'ASEC Abidjan puis de débarquer en Europe, Yaya Touré a tapé ses premiers ballons dans la rue, dans un petit club de quartier, aux côtés d'Aruna Dindane et de son frère Kolo Touré. Ses deux premiers formateurs, Touré Youssouf et Sako « Badley » Ibrahima, se rappellent un petit garçon timide mais très talentueux, qui fait encore aujourd'hui la fierté des « Inconditionnels d'Adjamé ».

Bonjour Touré. Première question évidente, est-ce que vous avez un lien de parenté avec le joueur ?

Touré : Non, ici en Côte d’Ivoire, nous sommes tous des Touré (rires). Moi je suis Touré Youssouf, ex-président des inconditionnels d’Adjamé, et lui c’est Badley, ancien secrétaire général du club

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C’est donc ici, sur ce terrain en terre, que tout a commencé pour Yaya…

Touré : Oui, sur le terrain qui est juste derrière, là. On est ici à Adjamé, une commune de 322 000 habitants, qui est au centre du district d’Abidjan. La ville est plutôt commerciale, c’est une commune qui reçoit des milliers de personnes par jour pour exercer le commerce. C’est un quartier précaire, un peu comme un village. Mais Yaya n’habitait pas ici, il venait du camp Gallieni, qui fait partie du plateau, dans le centre-ville.

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La première fois que vous l’avez rencontré, c’était quand ?

Badley : La première fois que j’ai vu Yaya, c’était en 1994, il avait tout juste 11 ans. À l’origine, c’était grâce à un de ses camarades du quartier, qu’on appelait « Balbouné » . On avait besoin d’un joueur car l’équipe n’allait pas trop bien, donc Balbouné m’a approché et il m’a dit : « Il y a le petit frère de Kolo qui joue vraiment bien au foot. » Je lui ai demandé comment il s’appelait, il m’a dit : « Yaya » . J’ai donc appelé Kolo, qui était le capitaine de l’équipe à l’époque, et je lui ai demandé : « Eh bien Kolo, qu’est-ce que tu es en train de nous faire là ? On a besoin de joueurs pour aller disputer le tournoi et toi tu as ton frère qui joue bien au football et tu refuses de l’envoyer » . Et là, Kolo, il m’a répondu comme ça : « Tu sais pourquoi je veux pas l’envoyer ? C’est parce qu’il aime trop les histoires, il met des coups de coude partout. » (rires)

C’était un petit nerveux ?

Badley : Effectivement, il aimait bien se bagarrer pour son âge… Enfin pas se bagarrer, mais il se laissait pas faire sur le terrain, ah ça non (rires). Touré : En temps normal, néanmoins, c’est quelqu’un qui est très timide et très calme de nature. Plus jeune, il était toujours dans son coin.

Comment vous l’avez convaincu de venir alors ?

Badley : J’ai dit à Kolo d’amener le petit à un entraînement, pour voir ce qu’il avait dans le ventre. L’après-midi, vers 14h, ils sont venus et Kolo m’a présenté son petit frère. Je lui ai dit : « Ça va petit ? » , il m’a dit « oui » , il était tout petit, vraiment. Je lui ai demandé s’il savait jouer au ballon, il m’a dit « oui » . Après on a fait palabre et je lui ai dit : « Écoute, on va te faire passer un test et si ça se passe bien, on va te faire ta licence et tu vas jouer le tournoi avec nous. » Donc on s’est installés autour du terrain avec mon frère, qui était l’entraîneur. Et le premier ballon qu’il reçoit, il le contrôle du pied gauche, et puis il fait un double contact. Il était aussi bon des deux pieds, il était droitier mais il frappait du gauche. Mon frère m’a dit en rigolant « vraiment lui, il sait jouer » . Et c’est comme ça qu’on l’a recruté.

Quelle relation vous aviez avec lui ?

Badley : Franchement, moi j’ai tout de suite été très proche de lui. Étant donné mes fonctions de secrétaire et d’intendant, on était tout le temps ensemble. Pendant cinq mois, je me suis occupé de lui, j’allais le chercher pour les matchs. C’était vraiment mon chouchou, Kolo peut en témoigner, j’ai toujours été le papa de Yaya. Si tu lui montres ma photo, il va te dire que c’est vrai. À chaque fois que j’allais le voir chez lui, au camp Gallieni, il était avec son ballon. Devant sa maison, il faisait des jongles pendant des heures, et il tapait le ballon contre le mur, pour s’entraîner à faire des amortis de la poitrine. Je lui disais « Eh mais Yaya tu fais quoi ? Viens on t’attends pour l’entraînement » . Souvent, je devais aussi aller le chercher en ville où il faisait des maracanas, c’est des matchs sur petit terrain avec des buts très petits, entre deux pneus.

Et alors, ça se voyait déjà qu’il était appelé à une grande destinée ?

Badley : On ne va pas mentir, il savait très bien joueur au football, il était très doué, mais le problème, c’est qu’il était encore très petit. On l’a très vite surclassé en cadets mais il était souvent remplaçant, on a voulu l’épargner parce que les autres joueurs étaient plus âgés. On faisait beaucoup de tournois mais il ne jouait pas très souvent.Touré : Mais tout de suite, on a senti que c’était un grand joueur, il était tellement petit mais il savait déjà taquiner la balle. D’ailleurs, il ne lui a suffi que d’un seul match à Sol Béni (le centre de formation de l’ASEC Abidjan) pour être retenu dans la deuxième promotion de Jean-Marc Guillou.

Racontez-moi cette journée où il a été recruté par l’ASEC…

Badley : C’est lors d’un match amical qu’on a joué à Sol Beni. Étant donné que ça ne comptait pas pour le championnat inter-quartiers, je l’ai fait jouer pendant plus d’une heure de temps, je pouvais me le permettre. Au final, il a joué contre trois équipes au moins, et il a été très bon. Les gens de l’académie, en revanche, n’ont pas été trop bien, ils l’ont pris tout de suite sans nous prévenir… Ils sont passés directement par son frère Kolo, qu’ils avaient déjà recruté quelques mois auparavant, en compagnie d’Aruna.Touré : La manière n’était pas irréprochable mais bon on a quand même ressenti un vrai sentiment de joie quand il a été recruté. Dans notre club, on montait une équipe de minimes pour l’animation du quartier, pour amuser les jeunes, mais là, c’était pour passer professionnel, c’était un autre niveau.

Au final, il est resté combien de temps chez les inconditionnels d’Adjamé ?

Touré : Je dirai entre quatre et cinq mois… il a fait une saison de championnat.

Il n’a pas vraiment joué avec son frère alors ?

Badley : Si! Si! Son frère est entré plus tôt à l’académie, mais on continuait à se voir très souvent puisqu’il traînait tout le temps dans le quartier, on était souvent ensemble, on se voyait tout le temps. Kolo, lui aussi, était très fort, c’était le capitaine de l’équipe, il a passé près d’un an avec nous. À l’époque, on le faisait jouer milieu offensif et Yaya était milieu défensif. Aruna Dindane, lui, était ailier… on avait une génération exceptionnelle. Touré : Tiens regarde ! (il montre des photos d’époque) C’était en 1996, à une réception du maire d’Adjamé car on avait remporté un trophée. On a Yaya qui est là, Kolo Touré est derrière. Il y a Aruna Dindane qui est ici, avec le maillot de l’académie… ils sont tous là. Moi, je suis là (très fier), au fond, je suis le plus grand (rires).

C’était qui le meilleur des trois à l’époque ?

Touré : Aruna était le meilleur buteur mais ils étaient tous bons, seulement ils ne jouaient pas dans le même registre. Mais honnêtement, ce n’étaient pas les seuls à savoir manier la balle, sauf que les autres ont moins bien percé. Il faut de la chance aussi hein, parfois malgré le talent, ça ne passe pas…

Cela vous inspire quoi, ce qu’ils sont devenus aujourd’hui ?

Touré : C’est une fierté. Même si quelque part, on nous reconnaît pas dans cette histoire, on les a quand même formés en partie. Concernant Yaya, il évolue au très haut niveau, il n’a rien à envier aux meilleurs joueurs mondiaux. Badley : Moi, je ne rate aucun match de Manchester City ! Le voir jouer comme ça, c’est un régal.

Vous les avez revus depuis qu’ils ont quitté le club ?

Badley : Plus maintenant qu’il a signé en Angleterre, depuis Barcelone, il a changé de dimension… Mais quand il était encore joueur à Beveren, il repassait souvent me dire bonjour à Abidjan et me demander des conseils. Touré : Moi, personnellement, je n’ai aucun contact avec eux depuis qu’ils sont partis à Sol Beni. Kolo, je l’ai revu une seule fois, il est venu me dire bonjour chez moi. Aujourd’hui, ils viennent parfois à Abidjan mais on ne les voit plus.

Quels souvenirs est-ce que vous conservez d’eux ?

Touré : Le souvenir que j’ai, c’est qu’à chaque fois que les inconditionnels devaient jouer, ils arrivaient à vider le marché d’Adjamé, tous les commerçants s’arrêtaient de travailler pour venir les voir jouer car ils pratiquaient du très bon football. Une année, on a été frustrés car on nous avait volé le titre, et en ma qualité de président, j’ai demandé à me retirer du comité mais les gens sont venus me soutenir en disant : « Laissez tombez président, laissez les enfants jouer au ballon, nous, le titre, on s’en fout » . Quand ils venaient et qu’ils ne voyait pas Kolo, Yaya ou Aruna, ils me demandaient à chaque fois où étaient les enfants. Badley : Il faut dire que parfois, ils ne pouvaient pas venir parce qu’ils étaient à l’école ou que leurs parents les empêchaient de jouer…

Cela arrivait souvent ?

Touré : Oui les parents de Kolo et Yaya misaient beaucoup sur les études. Moi, j’ai bien connu son père, il était adjudant dans l’armée, et sa mère était ménagère. Ça n’a pas été facile de les convaincre, surtout pour Yaya, il était en CM1 et il se cachait pour venir jouer… C’est pour ça qu’il ne jouait pas dans son quartier et que Badley venait le chercher, son père ne voulait pas qu’il joue, il disait qu’il était trop petit pour ça et qu’il devait étudier. Je me souviens même d’un jour où ils ont eu un accrochage et que son papa l’a poursuivi hein ! Ensuite il est venu me voir et il m’a dit « Qu’est ce que vous voulez à mon fils ? Vous faites chier, lâchez-lui les baskets! » (rires) Mais moi, je n’ai pas lâché et c’est ma satisfaction aujourd’hui (rires). La vie est ce qu’elle est.

La morale de l’histoire, c’est qu’il faut mentir à ses parents…

Touré : (rires) Il faut laisser les enfants choisir, il faut laisser les enfants faire. Mais bon, il s’est laissé convaincre quand Jean-Marc Guillou est venu le voir personnellement. Quand tu as le grand Jean-Marc Guillou en face de toi qui vient chercher ton enfant… C’est ce jour-là qu’il a cru en son fils.

En reparlant de Guillou, c’est vrai qu’il se baladait dans une camionnette avec des sandwichs pour appâter les enfants ?

Badley : Oui bien sûr! Il avait un 4×4, il venait observer là au terrain, il s’asseyait dans les tribunes de 8h à 12h puis de 14h à 18h, et il recrutait des joueurs. Il donnait à manger à ceux qui l’intéressaient. Il en a recruté beaucoup, même en dehors des inconditionnels. Touré : C’est un bon père de famille mais il était très catégorique. Un jour, après un tournoi, je me suis amusé à dire que j’avais donné 200 CFA à chaque joueur pour les féliciter mais il est venu m’engueuler : « Qu’est-ce que vous faites ? Ne donnez pas ça aux enfants ! Ils ne vous ont rien demandé donc ne leur donnez rien il ne faut pas les payer pour leur passion » . J’ai répondu : « Excusez-moi monsieur, vous êtes un professionnel, moi je suis amateur » et on a suivi ses conseils, les enfants n’avaient plus de primes, on leur faisait comprendre que c’était pour leur bien. Il m’apprenait à éduquer les enfants, et en particulier Yaya.

Avec du recul, qu’est-ce que vous lui avez apporté ?

Touré : La sagesse (rires). Non, tout simplement, on l’a fait jouer au ballon, et on a vu le résultat… Badley : Pour moi, c’est avant tout Kolo qu’il doit remercier. Je peux en témoigner, il aime tellement son petit frère, je n’ai jamais vu ça. Kolo a toujours protégé Yaya. S’il en est là aujourd’hui, c’est d’abord grâce à lui.
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Propos recueillis par Christophe Gleizes, à Abidjan

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