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Caresse Pujol

Par Ugo Bocchi et Theo Denmat
Caresse Pujol

Il est de ces oiseaux rares que l'on caresse du regard. Grégory, 35 ans, avec son physique à l'ancienne, survole nos pelouses depuis presque quinze ans, sans jamais relâcher la pression. Aujourd'hui, avec 73 réalisations, il est le meilleur buteur français en activité. La consécration pour notre inépuisable, infatigable, inoxydable Pujol à nous.

Du monde, des insultes et des fumigènes. Comme toutes les semaines, l’Ange-Casanova est en ébullition. Et ce, bien avant que l’arbitre ne siffle le début de match. Alors quand les supporters sortent l’artillerie lourde, le Gazélec suit le mouvement avec un départ canon. 33 secondes, le temps pour Clément Maury de balancer une grosse quille dans la surface embrumée des Niçois. Grégory Pujol court, laisse rebondir le ballon et balance le péroné sur sa droite. « Là, je me suis dit : tente-le, raconte-t-il aujourd’hui. C’est vrai qu’on ne tente pas assez depuis le début de saison. » La caméra de beIN a du mal à repérer le ballon à travers le brouillard, mais pas Grégory : « Ça ne m’a du tout gêné. Quand on est dedans, on voit très bien, en fait. Et puis, je savais où les cages étaient situées. Je voulais frapper croisé, en cloche, pour qu’elle lobe un peu le gardien. » Malin. Pas une mine, pas la lucarne. Juste le petit filet. La célébration est à l’image du monsieur : index en l’air, mâchoire fermée et dans les bras des coéquipiers. Teigneux, sobre, lucide.

Noyé par les coups de pagaie de Vahirua

L’équation d’un homme qui préfère rester dans l’ombre : « Je suis loin du côté bling bling, des médias et je préfère garder mes distances avec ce monde-là. Je fais quelques interviews, presse écrite et radio, mais pas de télé parce que je ne suis pas à l’aise devant les caméras. J’essaye de me protéger, de protéger ma famille face à la médiatisation. Vivre caché, ça me va. » En même temps, quand on grandit dans le Jura, c’est un peu inné. Grégory a fait ses premiers pas et ses premières frappes à Vers-en-Montagne, un petit village de 100 âmes en Franche-Comté. Et comme à peu près tous les joueurs de cette planète, il commence dans son jardin. De la maison de famille, son père Serge décrit la scène : « Son frère était gardien de but. Moi, je centrais. Et Grégory frappait. Rien de très compliqué. »
Du jeu tranquille pour un petit bonhomme sans plus de complications : « Il n’a jamais été agressif. Il était plutôt pacifique même. Il a deux frères, un plus grand et un plus petit, et il a toujours essayé de régler les conflits. Il ne rend jamais les coups. C’est un gentil garçon qui n’aime pas la bagarre, ni les confrontations, ni la méchanceté. Il suffit de le regarder sur le terrain pour le comprendre, il veut toujours essayer de séparer les gens. » Pas de bol, dans un monde de requins, jouer les pacificateurs peut parfois vous faire passer pour un poisson-clown. Un vrai talent, caché derrière le nez rouge et la perruque. Car, quand il rejoint le centre de formation de Nantes, Grégory se fait discret : « Au départ, on y croyait sans y croire. Il a mis un certain temps à devenir pro. Tout le monde a été très patient vis-à-vis de lui. Guy Hillion, le recruteur à Nantes, a vraiment eu confiance en lui : « Ça va venir, ça va venir » qu’il disait. Il a mis au moins le double de temps de Marama Vahirua. »

La crème de la crème

Et même quand vient le temps de se jeter enfin à l’eau, il faut un coup du destin pour pousser l’animal dans le grand bain. Ángel Marcos, à la tête des Canaris depuis décembre 2001 et le départ de Raynald Denoueix, manque à l’époque de passer à côté du timide : « Quand j’arrive, on me donne une liste de trois ou quatre noms avec des joueurs sur lesquels on ne comptait pas. Ils n’avaient pas le niveau. Sur cette liste, il y avait Pujol. À ce moment-là, je préfère me fier à mon opinion, on peut quand même attendre la semaine ou dix jours pour prendre une décision. J’ai attendu quelques entraînements et je suis venu vers le président pour lui dire : « Pujol, il reste ! » Autrement il allait partir à Valenciennes en quatrième division (CFA, ndlr). » « Moldovan, Vahirua, Pierre-Yves André, Ziani, Da Rocha, Quint… Il y avait du monde quand même. Mais je considérais qu’il avait son mot à dire. »
Ce qui fait la différence ? Son intelligence de jeu. Grégory le dit lui-même : « Quand on n’est pas rapide, on anticipe. » Qu’importe si le profil ne se fait plus en Ligue 1, petit poisson devient un oiseau rare : « C’est un joueur qui se déplace remarquablement bien, se souvient son ancien coach argentin, à l’accent délicieux. Jusqu’à preuve du contraire, ça reste la première qualité d’un footballeur (rires). Il faisait beaucoup d’appels, il était extrêmement collectif, très bon de la tête, et en plus il avait un pied gauche à la hauteur de son pied droit ! » Ce à quoi s’ajoute sa personnalité de diplomate : « Un gars positif, réservé, bien élevé, structuré, poli, respectueux, à la limite un peu effacé. Les gens comme ça on se dit : « Ils sont avocats ou gardiens de la paix »… Mais pas joueur de football ! Et lui, c’est quand même un footballeur… Bon, c’est une boutade, hein, mais pour un entraîneur, c’est la crème ! »

Charbon, poneys et berger suisse

Seulement, pour finir sa formation d’attaquant, reste au bonhomme à travailler une finition trop régulièrement sacrifiée sur l’autel du jeu collectif. Et ça, Marcos l’a vite compris : « On l’a convaincu à tort qu’il était limité et qu’il fallait toujours qu’il rende le ballon pour que les autres fassent mieux que lui. À un moment donné, on ne peut pas systématiquement faire des appels, créer des espaces, sauter pour les autres, se replacer pour les autres et ne jamais être en position de faire mal à l’adversaire. Il a eu beaucoup de mal à comprendre ça. » Car à travailler à la mine et au charbon, on pourrait presque reprocher à l’homme d’avoir laissé partir le train qui embarquait au-dessus de sa tête. Ángel Marcos, toujours : « À mon époque, on disait toujours qu’il y avait deux types de footballeurs : un brésilien qui vaut potentiellement 9/10 et un argentin qui vaut 7/10. Le brésilien va jouer deux matchs à 9/10 et le reste de la saison à 4 ou à 6. L’argentin lui, il va jouer toute l’année à 6 ou 7. Pujol, il avait cette qualité d’être sur le papier à 6, mais de tout le temps jouer 6 ! Quand je le prenais pour jouer, je savais que j’avais une bonne quantité d’appels intelligents, qui allaient donner du souffle à ses partenaires. Lui, au minimum, il allait le faire. »
En dehors des terrains, le champion de Belgique 2006 – coucou Anderlecht – est un amoureux des chevaux, comme pour profiter du calme qu’il aime à percevoir dans les clubs qu’il choisit : « Il possède des chevaux et des poneys, mais il ne peut pas faire de balades, ironise son père. Les clubs de foot ne veulent pas qu’il fasse d’équitation parce que c’est trop dangereux. En revanche, sa fille de 10 ans tourne pas mal en saut d’obstacles. C’est mon frère qui était fanatique des chevaux, il en avait une quarantaine ! Grégory aimait aller chez lui. La balade, découvrir la nature, se promener avec ses enfants, son chien… un gros chien berger suisse. Jaliwa ? Quelque chose comme ça. » La truffe du buteur. Le flegme du vétéran. La langue pendue de celui qui trime. Les puissantes canines du meilleur buteur français encore en activité dans le championnat. « César ne vieillit pas, il mûrit » , disait Alain Delon. À 35 ans dans la vraie vie et quatre en âge canin, voilà bien la preuve qu’entre poisson d’eau douce, oiseau rare, poneys et chien de berger, le vieux bougre a encore de belles années à galoper.

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