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Bonaventure et Salomon Kalou : l’entretien d’Ivoire (2e partie)

Par Christophe Gleizes et Barthélémy Gaillard, à Abidjan
Bonaventure et Salomon Kalou : l’entretien d’Ivoire (2e partie)

D'un côté, il y a Bonaventure. De l'autre, Salomon. Sans jamais s'affronter, les deux frères Kalou ont promené leur classe et leur sens du but sur les terrains d'Europe à sept ans d'intervalle. Posés dans le canapé familial, à Abidjan, ils reviennent avec humour et tendresse sur les liens qui les unissent et sur leurs carrières croisées, passées entre Rotterdam, Londres, Paris, Lille ou encore Berlin.

Pour en revenir au Feyenoord, vous savez que vous avez marqué exactement le même nombre de buts là-bas ?B : C’est vrai ?S : Je ne savais pas.

Oui, 42 buts chacun. Sauf qu’il a fallu 110 matchs de moins à Salomon pour atteindre ce total… S : Bonaventure, il jouait sur un côté en même temps (rires). B : C’est plus difficile de marquer des buts quand tu es excentré.

Tu peux te consoler, Bonaventure, en te disant que tu as remporté des titres en Hollande, contrairement à Salomon… B : Oui, le championnat en 1999 et une Coupe de l’UEFA contre Dortmund. On gagne 3 buts à 2. À l’époque, on fait une très grosse équipe. Le meilleur, c’était Van Hooijdonk, un tireur de coups francs exceptionnel. Quelle que soit la position, quand l’arbitre sifflait, c’était dangereux. À chaque faute, tout le stade se levait et levait les bras en avance parce que 90% du temps, ça faisait but. C’était impressionnant. En plus, il était bon dans les airs, un vrai numéro neuf qui traînait dans la surface…S : Moi, j’ai côtoyé des très bons joueurs aussi, comme Van Persie, Shinji Ono, Dirk Kuyt, Romeo Castelen…

Maintenant, le Parc des Princes, c’est le même problème qu’à Chelsea : ambiance feutrée et compagnie.

Qu’est-ce qui vous a marqué au Feyenoord ?S : J’aime bien ce club parce qu’il y a eu beaucoup de joueurs africains qui ont pu s’exprimer là-bas. C’est un des meilleurs clubs de Hollande, mais il n’y a pas la même pression qu’au PSV ou à l’Ajax. C’est parfait pour un jeune joueur.B : Le Feyenoord, c’est un club très populaire, les supporters sont passionnés, ils adorent leur équipe. L’ambiance au stade est comparable à Liverpool.S : Ils chantent la même chanson déjà.B : Ça change du public français (rires)

Tu as quand même connu le Parc des Princes, à une époque où il y avait encore de l’ambiance…B : Oui c’est vrai, à l’époque, c’était pas mal.S : Mais maintenant, le Parc des Princes, c’est le même problème qu’à Chelsea : ambiance feutrée et compagnie. Nous, le stade était tellement bien placé dans Londres qu’au final, ce sont les gens qui habitent à côté qui prennent les tickets. Ce sont plus des spectateurs que des supporters. B : Ce ne sont pas les gens qui aiment vraiment le club. C’est comme Monaco un peu, c’est pas un public de passionnés.S : Au Hertha Berlin, on a au moins de trois mille supporters qui se déplacent à chaque match, quelle que soit la ville où on va jouer. Tu peux avoir un match contre Hanovre ou Hoffenheim, tu sens quand même la ferveur. En tant que joueur, c’est motivant, ça donne plus de passion que dans un match de championnat de France où il n’y a pas forcément de grosses ambiances.


À vous entendre, on a l’impression que ça ne vous a pas fait rêver la Ligue 1… S : Moi, c’est de jouer pour Rudi Garcia qui m’a plu. Il avait une philosophie du foot qui me plaisait, je pense que c’est pareil pour Bonaventure avec Guy Roux.B : (Rires) Il a cru en moi, il est allé jusqu’en Hollande me chercher, il a vraiment fait le forcing pour que je vienne.

À l’époque, tu étais international ivoirien et vainqueur de la Coupe UEFA, pourquoi tu as choisi d’aller à Auxerre ? Tu ne pouvais pas avoir mieux ? B : Si, mais ce qui m’a poussé à accepter, c’est toujours cette quête perpétuelle de remise en cause, cette envie d’essayer autre chose, de sortir d’un certain confort dans lequel je m’étais installé depuis cinq ans. Et puis j’avais envie de jouer en France, quand même, ça m’attirait. Quand tu es jeune en Côte d’Ivoire, c’est un championnat qui fait rêver tout le monde.

C’est moi qui ai organisé le transfert de Salomon à Lille. J’ai joué le rôle d’agent.

Toi aussi, Salomon, tu as signé en France pour te remettre en cause ? S : Oui. Il faut comprendre que quand je suis arrivé à Chelsea, j’étais très jeune. Je me suis retrouvé dans une équipe de joueurs confirmés, entourés de mecs comme Ballack ou Lampard, avec de l’expérience et le nom qui va avec. Pour me recruter, Mourinho était venu me voir en personne en tribunes à Rotterdam. « Cela fait longtemps que je te suis, ça t’intéresserait de venir jouer pour moi ? » Forcément, j’étais ravi. Il a ajouté : « Tu sais à Chelsea, il y a beaucoup de stars. Toi, tu es jeune, tu arrives, tu as à peine 20 ans, je ne te promets pas que tu vas être titulaire, mais je te promets que tu vas jouer tous les matchs ! Même s’il reste une seconde avant la fin, je te ferai rentrer. » Et à chaque fois, même si c’était pour deux minutes, il me faisait entrer. Il a tenu parole. Je pense que s’il était resté plus longtemps, j’aurais pu jouer davantage et vraiment m’imposer sur la durée. Au final, je suis quand même resté plus de six ans au club, j’ai gagné la Ligue des champions, j’ai vécu de grands matchs. Mais au bout d’un moment, pour moi, l’important, c’était de retrouver le terrain régulièrement. D’aller jouer là où je pouvais être titulaire et prendre du plaisir. Et avec Rudi Garcia, j’en ai pris, c’est le principal. B : C’est moi qui ai organisé le transfert, j’ai joué le rôle d’agent. À l’époque, personne n’avait compris ce choix-là, passer de Chelsea à Lille. Le public voyait ça comme une régression. D’autant plus que ça s’est mal passé au début, car il est arrivé blessé. S : J’avais mal à la cuisse, les choses ne se passaient pas comme je l’aurais souhaité, on m’a mis plusieurs fois sur le banc. B : Je me sentais doublement responsable, parce que c’est moi qui l’avais encouragé à signer au LOSC. Mais grâce à mon expérience personnelle, j’ai su trouver les mots pour qu’il ne sombre pas. Avec le recul, c’est la meilleure décision qu’il ait prise, d’aller là-bas, de se remettre en cause, de montrer à tous ceux qui suivent le foot qu’il valait mieux qu’un simple remplaçant de luxe à Chelsea.

Ce n’était pas trop dur quand même de passer de Didier Drogba à Nolan Roux ?B : C’était une expérience à vivre (rires). S : Je ne regrette pas, je voulais changer.B : C’était dur à cette époque, mais j’ai toujours cru en lui. Quand on touche le fond, on ne peut que remonter.


Pourquoi tu lui as conseillé de venir en France si tu n’as pas trop aimé ? B : Si, je suis un peu critique, mais en France, j’ai eu pas mal de bons moments quand même. Avec Auxerre, on était une équipe que tout le monde craignait, on ne perdait presque jamais à domicile. On a fait de très belles choses. Avec le PSG, en revanche, ça s’est moins bien passé. Malheureusement, c’était une époque où le club n’avait pas autant d’argent que maintenant pour faire une équipe compétitive. Il y a eu des périodes difficiles, c’était instable avec le retrait de Canal +, la mort du supporter contre l’Hapoël Tel-Aviv… Mais si le PSG est ce qu’il est aujourd’hui, c’est aussi parce qu’il est passé par ces moments-là. Après, tout n’était pas à jeter non plus à Paris ! J’ai quand même gagné une Coupe de France, qui plus est contre Marseille. S : Je m’en souviens bien, j’étais à Rotterdam, devant ma télé. Récupération de Cissé, passe en retrait et frappe sous la barre avec Barthez dans le but ! B : Ce sont des choses qui ne s’oublient pas. Même aujourd’hui, quand je suis à Paris, il y a des supporters qui m’en parlent encore.

C’est le moment où Bonaventure t’a le plus impressionné ? S : Non, il y a eu beaucoup d’autres moments comme ça, en sélection, à Auxerre ou à Paris. Je regardais tous ses matchs (rires). Après, il n’y a pas à dire, gagner deux fois d’affilée la Coupe de France en marquant à chaque fois un but victorieux en finale, c’est très fort. B : L’année d’avant, je marque à la 94e minute contre Sedan. La veille, je jouais un match avec les Éléphants en Libye, Guy Roux a affrété un jet privé spécialement pour moi, pour que je revienne et que je participe au match. Je n’ai joué que quinze minutes de cette finale, mais le coach savait que je pouvais changer le match. Il a cru en moi, et il a eu raison (rires).

À l’inverse, quel est le moment où Salomon t’a rendu fier ? B : Il y a plein de moments. Il y a tous les jolis buts qu’il a marqués avec le Feyenoord. Mais mon préféré, c’est son but en sélection contre le Maroc, il part en face à face et termine le gardien par un ballon piqué.


Ce n’est pas quand il soulève la Ligue des champions en 2012 avec Chelsea ?B : Si, c’était bien aussi (rires). S : Moi, je continue de penser que si on devait gagner la Ligue des champions avec Chelsea, c’était à Moscou en 2008 où on perd en finale contre Manchester aux tirs au but. À l’époque, on était nettement meilleurs dans le jeu. En 2012 à Munich, on était plus un bloc, un groupe, mais ce n’était pas le plus beau match de l’histoire du club.

C’est comme pour la CAN que tu as remportée, Salomon. Vous n’avez pas gagné au moment où la Côte d’Ivoire était la plus forte… S : C’est vrai. B : La CAN, on aurait dû la gagner dès 2006, on était largement au-dessus. C’est un gros regret. On avait la meilleure équipe ivoirienne de tous les temps. J’en ai justement parlé avec Drogba il y a deux jours au téléphone. On s’est ratés, mais je crois que ce n’était tout simplement pas notre heure. Parce que perdre deux finales aux penaltys, sur des petits détails, ça veut dire que ça ne devait pas se faire… Pourquoi Didier, qui marque toujours, rate subitement un ou deux tirs au but aussi importants ? C’est inexplicable. Mais c’est dommage, vu tout ce qu’il a apporté à la sélection, qu’il n’ait pas été récompensé par un titre. Cela aurait été plus logique qu’il la gagne, la cerise sur le gâteau. Mais bon, c’est comme ça.S : C’est ça, la magie du foot.

Pour en revenir à vos carrières en club, les choses ont commencé à se compliquer pour Bonaventure après son départ du PSG…B : Oui, j’ai signé à Lens, pour rejoindre Guy Roux, mais ça s’est très mal passé. Il a été licencié et je suis parti au bout de six matchs. Derrière, je suis allé aux Émirats arabes unis, à Al Jazira, mais là aussi, j’ai eu des problèmes, je ne suis resté que cinq mois. Du coup, je me suis retrouvé au chômage. C’était pas facile.

Tout évolue à vitesse grand V à Abidjan. Il suffit de partir deux mois, et quand tu reviens, tout a changé. Sauf la bouffe et la musique

Alors que toi, Salomon, c’est vraiment à ce moment précis que tu exploses à Chelsea. Comment vous avez vécu ce parcours croisé à ce moment-là ?B : Avec du recul, peut-être que j’aurais dû m’accrocher et ne pas partir comme ça de la France. Aujourd’hui, je regrette ces décisions. Cela ne s’est pas passé comme je voulais. Mais bon, ces mauvaises choix ont été bénéfiques quelque part pour Salomon. Cela nous a servi de leçon à tous les deux. Maintenant, je sais qu’en football, comme dans la vie en général, il ne faut jamais prendre de décisions quand on est déçu ou euphorique. S : À chaque tournant de ma carrière, Bonaventure était présent, il m’a permis de faire les bons choix. Moi, je me souviens quand j’ai quitté Chelsea, plein de gens me disaient d’aller aux Émirats ou dans les pays du Golfe… C’est quelque chose que Bonaventure a pu me déconseiller avec son vécu personnel. B : Là-bas, la FIFA n’est pas aussi regardante qu’en Europe. Il y a des promesses qui ne sont pas tenues et des contrats qui ne sont pas honorés. Il faut aller là-bas quand on est vraiment sur la fin. Là, Salomon a encore de belles années devant lui, ce n’est pas le bon moment. S : J’irai peut-être plus tard.

En parlant d’avenir, vous avez beaucoup de projets sur le feu actuellement ?S : Oui, c’est important, on ne reste pas footballeur à vie, donc il faut songer à faire autre chose. Lui, il est installé ici, il sent les bons coups. B : J’ai des opportunités, j’essaye de lui en parler, mais pour l’instant, il n’y a rien de décidé.

Après les Kalou footballeurs, on va donc avoir affaire aux Kalou entrepreneurs ?B : Oui sûrement, il y a énormément de choses à faire ici.S : La Côte d’Ivoire est en train de progresser sur tous les plans, Bonaventure voit plein de projets ici…B : Tout évolue à vitesse grand V. Il suffit de partir deux mois d’Abidjan, quand tu reviens, tout a changé.S : Ce qui ne change pas, quand même, c’est la bouffe, la musique. Ici, ça va à 100 à l’heure, les gens vont manger, après ils vont danser dans les bars ou les maquis, c’est typique de la Côte d’Ivoire.B : L’hospitalité des gens aussi, les étrangers sont très vite adoptés ! Il y a une certaine joie de vivre, malgré les événements difficiles qu’on a traversés, on ne la perd jamais.S : Les journées passent vite !

Pour finir, qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter à l’avenir ? S : Pour moi, vu que je suis encore en activité, ce serait de durer le plus longtemps possible.B : Voilà, jusqu’à 36 ou 37 ans, et qu’il se retire en étant encore en haut de l’affiche… S : J’ai une lourde pression familiale sur les épaules. B : Oui, car je suis les matchs de Bundesliga à distance ! Le championnat allemand ne passe pas sur Canal +, mais je m’en sors sur internet avec Live TV. Je suis là dans mon salon, avec mon grand ordinateur, et je regarde mon frère jouer en streaming. Des fois ça se coupe, ça revient, c’est galère. Mais je l’ai à l’œil, Salomon ! Comme toujours !

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