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Angleterre-Pologne 1973, une tragédie !

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Angleterre-Pologne 1973, une tragédie !

Vous voulez savoir pourquoi les Anglais ont flippé comme des malades ces dix derniers jours avant de finalement se qualifier pour le Mondial brésilien ? Parce qu'ils affrontaient la Pologne mardi soir en dernier match de qualif. Et la Pologne est un traumatisme national « established since 1973 »…

Drame national, deuil national

40 ans ! 40 ans pile aujourd’hui en souvenir de ce funeste 17 octobre 1973 qui vit la sélection aux Trois Lions se faire cruellement éliminer de la Coupe du monde 1974 en Allemagne. À Wembley, le nul (1-1) qui condamnait les Rosbifs fut vécu à l’époque comme une catastrophe nationale, d’une magnitude émotionnelle qu’on situerait comme un France-Bulgarie bien de chez nous, mais puissance 10 ! Pourquoi ? D’abord parce que cette élimination brutale et inattendue se couplait avec l’autre trauma vécu au Mondial mexicain de 1970 quand les Three Lions s’étaient fait sortir par la RFA (2-3 a.p) après avoir mené 2-0. Deux coups durs pour l’Angleterre qui en fait ne s’en remit vraiment jamais, et ce jusqu’à aujourd’hui. Car après ce crash de 1973 et la non-participation au Mondial 74, l’Angleterre récidiva pour le Mondial argentin de 1978 en se faisant encore éliminer, mais ce coup-ci par l’Italie à la différence de buts (10 points chacune, mais +14 contre +11)… Deux Coupes du monde manquées de suite (plus l’Euro 76), soit un gros trou dans son CV, avaient brisé la belle dynamique du succès en 1966, déjà plombée par le Mondial 1970.

Cet Angleterre-Pologne fut la brisure ultime, forte aussi de symboles importants puisque les deux héros de 66, le coach Alf Ramsay et le capitaine Bobby Moore, étaient de la campagne malheureuse des qualifs de 1973. Deux héros qui faillirent, comme on le verra plu loin… Le mot « brisure » n’est pas trop fort, car la douloureuse « défaite » contre la Pologne marqua ou accentua le divorce de l’Angleterre du foot avec son équipe nationale. Paradoxalement, la décennie 70 vit la montée en puissance des clubs anglais dans les compétitions européennes. La séquence anglaise en C1 entre 1977 et 1982 (Liverpool, Nottingham Forest, Aston Villa) fut renversante ! Cette séquence triomphale avait débuté en C3 et en C2 dès le début des seventies. D’ailleurs en C3 1972 puis 1973, Tottenham puis Liverpool l’emportèrent. Alors ? Phénomène des vases communiquants ? On ne sait pas. Toujours est-il qu’avec les innombrables trophées que les clubs anglais gagnèrent dans les années 70 jusqu’au début des années 80, les supporters anglais se replièrent plus sur leurs clubs respectifs qu’en faveur d’une sélection moribonde à l’époque (Euro 80 et Mondial 82 très moyens). Et tout ça grandement à cause de ce foutu match contre la Pologne qui continue de hanter la sélection anglaise, toujours fébrile dans ses grands matchs cruciaux. L’élimination récente à l’Euro 2008 ravivant même avec effroi les terribles flash-back de 1973… « Ha, ha » said the Clown…

En 1973, l’Angleterre sait bien qu’elle n’est plus la plus grande nation de foot au monde comme elle l’avait longtemps proclamé. Mais elle le croit quand même encore un peu… Le sacre de 1966 l’a un peu confortée dans cette demi-croyance. Et c’est évidemment ce qui la perdra, en grande partie en 1973. Dans un groupe à trois (England, Pologne et pays de Galles), elle doit s’en sortir fastoche. Mais à l’aller, à Katowice, les English tombent de haut en perdant 2-0 contre des Polonais pourtant pas si nuls, puisque vainqueurs de la médaille d’or aux JO de Munich 72. Pis ! C’est sur une grossière erreur du héros Bobby Moore que la Pologne a marqué l’un de ses buts : le chant du cygne… Un match mal négocié contre les Gallois (1-1) qui avaient pourtant aidé Albion en plantant les Polonais (2-0) forcent l’Angleterre (3 points) à la victoire à Wembley pour son dernier match contre la Pologne (4 points). Pour rappel, à l’époque, le nul valait un point, mais la victoire seulement deux… Côté anglais, tout baigne ! Un 7-0 en amical contre l’Autriche a mis le moral au beau fixe. L’impayable Brian Clough se paye le gardien polonais, Jan Tomaszewski, qu’il traite de « clown » à la télé anglaise. Tout le monde acquiesce en rigolant un bon coup… Et puis, une suffisance qui frise le mépris profond pour ces « Polaks » qui ont joué leur dernière Coupe du monde en 1938 achève de faire croire que ça va être dans la poche. Alf Ramsey, qui doute un peu, demande à la FA de zapper la journée de championnat anglais qui précède le match crucial afin de la reporter à plus tard. La fédé anglaise refuse (au nom des foutues traditions ?). Un Alf Ramsey décidément pas très serein décide à la dernière minute de mettre le héros Bobby Moore sur le banc pour lui préférer « l’inconnu » Norman Hunter en défense axiale. Et ça va lui coûter plutôt très cher…

Pologne en rouge total contre Angleterre en blanc. Le Clown Tomaszewski est bariolé… comme un clown ! Un maillot jaune, un short rouge et des chaussettes blanches. Mais le Clown ne fait pas rire : il fera pleurer les Anglais en stoppant tout, ou presque (le péno du 1-1 transformé par Alan Clarke). Pour So Foot, on avait rencontré Jan Tomaszewski chez lui, à Lodz, en mai 2012. Le héros national qu’il devint ce soir-là était revenu pour nous sur ce match à Wembley avec une grande modestie : « Ce n’était pas moi, le héros. C’était Gorski, le vrai pape du football polonais (sélectionneur de l’équipe de Pologne 1971-1976, ndlr). Il n’avait que deux grands joueurs et il a réussi à former l’une des meilleures équipes du monde. Gorski a démontré la célèbre phrase de Napoléon : « Le plus dangereux c’est le groupe de moutons dirigé par un lion et pas le groupe de lions dirigé par un mouton… » Ce match de Wembley, nous l’avions vécu intensément, nous les Polonais, contre la grande Angleterre, à Wembley. Nous étions morts de trouille. Déjà parce que l’Angleterre avait balayé l’Autriche 7-0 et qu’on craignait de prendre nous aussi une raclée. Et puis à l’époque, nous n’étions pas encore aussi bons que nous le serions pour la Coupe du monde 1974 où nous avions fini troisièmes. Gorski nous avait bien motivés pour cette rencontre et on en avait bien eu besoin, parce que dès qu’on est arrivés sur la pelouse, le public anglais faisait un vacarme assourdissant. Un truc de fou : on n’arrivait même pas à communiquer entre nous et se parler sur le terrain à cause du brouhaha monstrueux des supporters anglais ! On se demandait comment on allait s’en sortir… En plus, dès le début du match, ça avait vraiment mal commencé pour nous. Je m’étais fait salement amoché la main gauche par Alan Clarke : j’avais vraiment mal au point de me demander si je devais me faire remplacer. Le soigneur m’a frictionné, ça allait et j’ai pu continuer… Moi, j’ai simplement fait mon boulot, comme les autres. On a fait match nul et on s’est qualifiés. On était fous de joie et après, on a fait une fiesta entre nous une bonne partie de la nuit. Le lendemain, je me suis alors levé tôt. Je suis sorti dans la rue et j’ai vu les manchettes des journaux anglais qui titraient sur le match de la veille… Et c’est là que je me suis rendu compte qu’on avait réalisé un exploit historique. Tous ces titres, toutes ces unes : l’Angleterre éliminée par la Pologne. C’était inconcevable. (…) Figurez-vous que plus tard, j’ai rencontré Brian Clough ! On ne parlait pas la même langue, mais il m’a salué chaleureusement. J’en étais très heureux et de toute façon, je n’avais jamais éprouvé de rancune envers celui qui m’avait appelé « le clown ». Moi, j’avais rencontré ce jour-là un mec sympa, et c’est tout. » Les larmes de Sir Bobby Charlton

Après une première mi-temps où Tomaszewski a sauvé plusieurs fois les siens face à une Angleterre excellente, mais inefficace (malchance, maladresse et gardien adverse en état de grâce), les Polonais ont ouvert la marque à la 55e. À cause d’un tacle raté de Norman Hunter qui laisse filer Lato côté gauche d’où il transmettra au buteur Domarski : 1-0 ! Wembley fait silence comme le Parc lors de France-Bulgarie. Mais les Anglais reviennent à 1-1 à la 73e par Clarke sur un péno douteux que Shilton ne veut même pas voir (il tourne le dos à l’action égalisatrice). Wembley exulte et les Anglais repartent à l’assaut… On comptera 35 tirs au but côté anglais pour deux seulement pour les Polonais. Sur le banc de touche, Bobby Moore pousse Alf Ramsey à effectuer d’urgence un changement : le côté droit polonais est le plus vulnérable, c’est là qu’il faut faire entrer un joueur de couloir. Mais Ramsey n’est pas habitué à ce genre de coaching nouveau, puisque les changements de joueurs ne sont autorisés que depuis peu. L’Angleterre pousse toujours et Ramsey ne se décide à faire entrer Hector à la place de Chivers qu’à une minute trente de la fin… Ramsey déclarera plus tard que sa montre déconnait et qu’il ignorait donc qu’il restait si peu de temps à jouer ! Le match s’achève sur un dernier ballon kick and rush dans la boîte adverse. L’Angleterre est éliminée. Les joueurs anglais pleurent. Dans les tribunes, Bobby Charlton pleure aussi.

Great shock ! La presse nationale titre avec des « disaster » à la Une, comme 20 ans plus tôt après la défaite contre la Hongrie de Puskás… Elle rend hommage à Tomaszewski, « The man who stopped England » . Un journal anglais titre le lendemain « The death of football » , preuve ultime que même après pareille défaite, Albion s’imaginait quand même reine du monde et du foot. Incorrigibles Anglais ! Commentateur sur ITV, Brian Clough enrage ( « C’est un crime contre le foot anglais » ) avant de se faire moucher par l’animateur TV : « Arrête un peu, Brian ! Tu continues de traiter le gardien polonais de clown alors qu’il a fait des arrêts sublimes !? » Et Brian de s’enfoncer profond dans son fauteuil… Alf Ramsey sera emporté dans la tourmente, « forcé » à la démission quelques mois plus tard. Une erreur tragique pour beaucoup d’observateurs, et ce, malgré l’élimination. Idem pour Bobby Moore, qui raccrochera en sélection après un dernier match contre l’Italie (0-1 à Wembley, but de Capello)… Mardi soir, Rooney et Gerrard ont planté les deux buts de la victoire contre la Pologne et ont qualifié l’Angleterre pour le Brésil. Fin de la parenthèse maudite ? Time will tell… À voir :

Par Chérif Ghemmour
PS : la Coupe du monde 2022 etc.

Après la trêve internationale, place au festin !

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