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Analyse tactique du Brésil de Scolari

Par Markus Kaufmann
Analyse tactique du Brésil de Scolari

Ce match d'ouverture était l'occasion d'analyser l'état actuel de la sélection brésilienne, passée miraculeusement en une année du statut de génération manquée à celui de favori absolu. D'une part, les Brésiliens ont su faire face à l'immense attente de leur peuple, parvenant même à la transformer en force intérieure et même influente… D'autre part, le jeu. Face à un 4-2-3-1 croate intelligent en contre et habile au milieu, la Seleção s'est montrée toujours conquérante sans jamais rassurer à la construction. D'où une question : ce Brésil de Scolari peut-il aller au bout avec Thiago Silva et Dani Alves en meneurs de jeu ?

Tactiquement, cette sélection brésilienne ne joue pas un football de 2014. Après la Coupe du monde 2010 des milieux créateurs positionnés en phase de finition, comme Sneijder, Forlán ou Özil, l’Euro 2012 avait consacré les milieux bâtisseurs, des architectes Pirlo et Modrić aux tours de contrôle Busquets/Alonso et Schweinsteiger. L’apparition des milieux et des défenses à trois ces deux dernières saisons, ainsi que cette place aménagée partout en Europe aux « meneurs reculés » , confirmaient la tendance. Et pourtant, ce Brésil joue quasiment sans milieu de terrain : Luiz Gustavo dialogue plus avec ses défenseurs qu’avec ses attaquants, Paulinho n’a pas d’influence sur la circulation du ballon, et Oscar ne mène pas le jeu. Autre tendance : Fred. Même l’Italie, pays du Bomber, n’a pas sélectionné de vrai attaquant central. Et c’est un choix que Cesare Prandelli assume avec assurance : « Cela fait partie de la transformation du football, c’est un principe dont je suis convaincu. Nous ne voulons pas donner de repères à l’adversaire, nous voulons faire diversion, sinon j’aurais appelé Gilardino et Toni. (…) Le fait de pouvoir changer devient une ressource, c’est pour cela que nous travaillons sur deux-trois systèmes : le 4-3-1-2, le 4-5-1 et le 3-5-2. » (à lire dans le Cahier international du So Foot n°117). Ce Brésil, lui, joue avec un pur numéro 9, sans milieu, et toujours avec le même système. Scolari serait devenu visionnaire ?

La défense mène le jeu

Le Brésil s’installe, mais dans son camp. Thiago Silva et David Luiz jouent si écartés qu’on croirait presque voir une défense à trois. La Seleção alterne alors les phases de possession sans prise de risques et les longs ballons sur les côtés, vers Hulk et Neymar. En clair, on tente de mettre Neymar en position pour déborder, peu importe le chemin emprunté. Néanmoins, dès qu’une phase de transition se présente, comme une récupération sur une touche, les Jaunes foncent vers le but et se montrent dangereux. De même, avant chaque coup de pied arrêté, les locaux prennent deux minutes pour tirer : une façon d’entrer dans le match et de faire peur. La Croatie ne se découvre pas, presse les latéraux et Luiz Gustavo, mais revient dans son camp dès que le ballon fuit, tel un orchestre de tiroirs. De son côté, Neymar est pris à deux, voire à trois à chaque prise de balle. Mais le Brésil n’organise pas sa domination, il attend. À tel point que la Croatie se met à l’aise, et profite de la passivité des locaux sur les côtés. Quelques frissons d’Olić, un centre dangereux, une tête, puis un deuxième centre : explosion de stupeur à São Paulo. 0-1. La Croatie passe devant sans que son trio Modrić-Rakitić-Kovačić ait eu à construire autre chose que quelques relances propres pour ses ailiers.

C’est la crainte majeure qui accompagne cette sélection brésilienne : son centre de gravité est bien trop bas pour dominer son adversaire avec constance. Avec Thiago Silva en meneur, les manœuvres sont trop lointaines, trop lentes. Une statistique rend parfaitement compte de l’approche tactique de cette équipe : les cinq joueurs ayant touché le plus de ballons hier sont les cinq « défenseurs » : d’abord les deux latéraux, puis les centraux et enfin leur serviteur Luiz Gustavo. Comme si l’on avait tellement insisté sur la puissance du secteur défensif brésilien qu’il avait fini par prendre les commandes de l’animation offensive. Il est intéressant de se rendre compte qu’Alves touche autant de ballons qu’avec le Barça (une petite centaine, 105 hier). Mais alors que Xavi, Cesc, Iniesta et Messi en touchent habituellement encore plus que lui, en sélection Alves est le leader du classement. Dans l’entrejeu, Paulinho termine son match à seulement 22 passes (en 62 minutes)…

L’état d’esprit et le talent, sans l’élaboration

Et pourtant, le Brésil est toujours dangereux. Effet maison ou pas, le Brésil obtient des corners, des fautes, gagne ses duels. Une sorte de Chelsea, avec Thiago Silva. Même dans ses temps faibles, la Seleção reste dangereuse. Parce que dix joueurs sur onze sont des buteurs, et parce que ces joueurs n’ont pas besoin d’aide pour faire sauter les lignes. La verticalité de Paulinho est un spectacle, Neymar et Oscar savent aussi bien éliminer leur adversaire que servir leur coéquipier. Et donc, sans créer de décalage collectivement, les Brésiliens continuent à pousser, insistent sur les centres et libèrent peu à peu l’axe. En fait, on se rend vite compte que le Brésil ne contrôle pas le jeu parce qu’il n’en a pas besoin. Tout un paradoxe : le Brésil est aussi prévisible que possible à la construction, quasiment sans appui dans le cœur du jeu, et pourtant la machine offensive crée des situations dangereuses. Oui, le Brésil manque d’un organisateur à une hauteur de terrain respectable – Thiago Silva et David Luiz ne peuvent espérer mener le jeu contre les gros poissons de la Coupe du monde – et Luiz Gustavo n’a pas les extérieurs du légendaire Dunga, mais il compense tant bien que mal.

Grâce à la maîtrise technique de sa défense, la Seleção ne se fait jamais asphyxier très longtemps. Un premier test réussi : le Brésil aura donc remonté un score face à une équipe technique. L’état d’esprit et le talent, sans l’élaboration. Il faut noter que la Croatie se sera montrée craintive dans sa surface, alors que ses milieux et latéraux avaient de quoi la protéger. Dégagements, panique, erreurs au marquage. L’effet Brésil, évidemment. Dommage, parce que les Croates semblaient avoir les armes pour contrôler le jeu. Au contraire, une fois son but marqué, la Croatie facilite la tâche des Brésiliens en reculant. Et paradoxalement, c’est sur un trop grand pressing qu’elle se fait piéger. Sur une nouvelle prise à deux sur Neymar, le Brésilien trouve une brèche et marque un but de « fuoriclasse » alors qu’aucun des centraux croates ne décroche pour le contrer.

Une équipe destinée à souffrir ?

En deuxième mi-temps, le Brésil a faibli à chaque fois que la Croatie a tenté de mettre le pied sur le ballon. Sans le peuple, sans les mêmes convictions, mais avec de très bons pieds. Ainsi, quand Scolari fait entrer Hernanes pour Paulinho à l’heure de jeu, on s’attend à une prise de contrôle du jeu par le milieu de l’Inter. Mais de façon étonnante, sa participation à la possession brésilienne n’est pas plus importante que celle de Paulinho, ce qui confirme que ce système construit peu par choix. Alors, est-ce tenable ? Ce manque d’élaboration fait souffrir une défense loin d’être imperméable. En finale de la Coupe des confédérations, ces mêmes onze joueurs avaient triomphé de l’Espagne 3-0, mais avaient aussi subi 15 tirs et 8 corners, se faisant sauver par David Luiz peu avant la mi-temps. Hier, le Brésil a subi 11 tirs et 3 corners, face à une équipe pourtant bien moins dominatrice. Les espaces laissés dans les couloirs inquiètent plus que tout : avec Marcelo et Dani Alves, Scolari peut-il aligner Hulk en ailier sans se faire punir ?

Mais Scolari a des ressources. La question est de savoir ce qu’il veut de cette équipe. Hernanes pourrait faire le lien entre le contrôle de Thiago Silva et la folie de Neymar. Mais si Scolari veut tenter de s’installer dans le camp adverse avec plus de facilité afin d’améliorer son équilibre défensif, alors l’option Willian pour Hulk semble évidente. Avec la rigueur, le volume et les bons pieds de la pile électrique de Mourinho, l’animation offensive brésilienne gagnerait du mouvement, au risque d’empiéter sur le côté droit d’Oscar. Ce dernier, véritable lieutenant de Neymar à la création, aura été sanglant en deuxième mi-temps, aussi sérieux défensivement que dangereux devant. Mais toujours sur le côté, et rarement dans l’axe, là où le Brésil en aurait le plus besoin. Enfin, il faut souligner que le rythme lent de la rencontre n’a pas facilité la tâche des Brésiliens. Lorsque les transitions se sont accélérées, on a vu pu voir les effets de l’impact physique de David Luiz et Paulinho. Obligé de faire le jeu, le Brésil a quand même gagné. Sans cette lourde tâche, il pourrait être encore plus dangereux.

Veretout, leader à tout faire

Par Markus Kaufmann

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