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À São Paulo, en attendant le Mondial…

Par Thomas Goubin, à São Paulo
À São Paulo, en attendant le Mondial…

Des clochards qui traînent dans la Fan Fest, une petite grève devant la mairie, un stade qui commence à prendre des couleurs. Balade dans les rues de São Paulo, à quelques heures du coup d'envoi du Mondial.

Cela fait deux ans qu’Antonio da Silva dort sous un pont du centre de São Paulo. Mais depuis quelques jours, son cadre quotidien a été modifié. Il vit adossé à un mur de tôle. Celui de la Fan Fest de la FIFA, où les ouvriers s’activent pour que le lieu de célébration officiel soit prêt pour Brésil-Croatie, match d’ouverture du Mondial. Antonio, 40 ans, mais qui en paraît au moins dix de plus, lit un ouvrage religieux intitulé L’unique espérance. Pourtant, le sans-abri sait qu’il n’a plus grand-chose à espérer de ce côté-là de la ville : dans les heures qui viennent, des milliers de fans brésiliens et croates devraient venir envahir les environs, et lui devra faire ses bagages. Et si ce n’est pas la foule qui le fera fuir, ce sera la police, qui se charge d’expulser les sans-abris du centre depuis plusieurs semaines. Le vagabond aux cheveux noirs crépus ne sait pas encore où il va déménager – « Je vais bien trouver un endroit par-là » , dit-il, comme s’il s’agissait de trouver une épicerie ouverte un jour férié en province. Fan des Corinthians, Antonio veut « que la Seleção gagne » .

À J-1, São Paulo exhibe ses contrastes, mais n’a rien de la poudrière que certains annonçaient, avec crainte ou jubilation. En cherchant bien, on tombe sur une manif’ d’une cinquantaine de personnes devant la mairie. Des fonctionnaires des services fiscaux qui n’ont pas été augmentés depuis douze ans, renseigne le leader syndical, João Edinson de Santis. « La FIFA va contrôler le pays pendant 30 jours, s’indigne t-il, c’est une véritable porcherie. » S’ils ne s’étaient pas mis en grève, ces fonctionnaires devraient être en train de contrôler et sanctionner les vendeurs à la sauvette qui abondent aux alentours de l’Arena Corinthians, le stade qui va accueillir le match d’ouverture. « La FIFA interdit tout vendeur qui n’est pas lié aux sponsors aux alentours du stade, indique de Santis, mais si on ne se trouve pas d’accord avec le gouvernement, on laissera faire les commerçants ambulants. » Mercredi à la mi-journée, les supporters commençaient à affluer autour de l’Arena Corinthians. Outre les Brésiliens, dont certains chantent ou dansent, comme le veut la FIFA, les fans qui viennent scruter l’arène aux finitions de dernière minute sont avant tout latino-américains. Des Colombiens, Honduriens, Équatoriens, et un paquet de Mexicains. On prend la photo bras dessus, bras dessous, on picole, et on drague. Vu depuis les abords du stade, il semble que la grande fête cosmopolite va avoir lieu. Ali Jeratli, Syrien de 26 ans, n’en doute pas. Arrivé au Brésil il y a seulement trois mois, il assure avoir vu l’attitude des Paulistas vis-à-vis du Mondial évoluer. « Quand je suis arrivé, il y avait beaucoup de haine, mais aujourd’hui les mêmes qui tenaient un discours anti-coupe commencent à porter orgueilleusement leurs maillots de la Seleção. » Ali, qui a fui la guerre et la misère, a obtenu un visa et compte faire venir sa famille. Il est l’un des bénéficiaires de la politique d’accueil du Brésil, l’une des plus généreuses au monde.

Toxicomanes, alcooliques et Anonymous

Ces derniers jours, les deux grands foyers de contestation ont été éteints à São Paulo. Le mouvement des travailleurs sans toit (MTST), qui avait installé aux alentours du stade un immense campement, a fini par obtenir du gouvernement fédéral la promesse de construire 4000 logements dans le quartier d’Itaqueira. Le MTST avait mené les manifs les plus importantes des trois derniers mois (plus de 10 000 personnes). Pour les employés du métro, la pilule a été plus dure à avaler. Le gouvernement local a choisi la manière forte, en licenciant 42 conducteurs, que la loi contraint à assurer une sorte de service minimum. Lundi, la fin de la grève a été votée. Aujourd’hui, les revendications du syndicat des travailleurs du métro, qui réclamaient à l’origine une augmentation substantielle de salaire, se cantonnent à la réintégration des licenciés. La fin de la grève a permis aux artères de la mégalopole de 20 millions d’habitants de mieux respirer. Des difficultés plus importantes qu’à l’accoutumée étaient toutefois encore signalées mardi suite à l’effondrement lundi soir d’un pont en construction qui devait supporter le passage d’un train aérien. Un ouvrier de 25 ans a chuté avec l’immense bloc de pierre de 90 tonnes et a été tué sur le coup.

Dans les rues du centre, les supporters venus de tous pays et notamment de Croatie commencent à fraterniser, bière à la main. À l’intérieur de la Fan Fest, Edson, un autre sans-abri de 48 ans, affiche, lui, une apparente opposition au grand cirque mondialiste. Le slogan « Le peuple de la rue, premier éliminé de la Coupe du monde » envahit son tee-shirt blanc. Jeudi, le contrôle des accès de la zone de célébration gérée par la FIFA devrait l’empêcher de venir traîner sur son terrain de jeu habituel avec ses acolytes, des toxicomanes et alcooliques pour la plupart. L’haleine chargée de bière, Edson assure, malgré son tee-shirt, n’avoir rien contre la Coupe du monde, mais se fout bien que le Brésil remporte le trophée. « Que le meilleur gagne, paix et amour » , répète-t-il. Le collectif « Nao vai ter Copa » (il n’y aura pas de coupe) refuse, pour sa part, de se résigner. Il a programmé une manifestation pour jeudi matin. Le lieu de réunion a été fixé à six stations de métro de l’Arena Corinthians. Anonymous Brasil et le forum populaire pour la santé de l’État de São Paulo seront de la partie.

Génération perdue

Au « laboratoire partagé TM 13 » , le centre culturel alternatif situé entre la Fan Fest et le majestueux théâtre municipal, on s’assume aussi comme opposant au Mondial. « Ce n’est pas possible d’avoir dépensé tout cet argent pour des stades alors qu’on devrait investir dans la santé et l’éducation, s’agace l’un des habitants, Henrique Gomes dos Savios. La jeunesse actuelle est une génération perdue. » Un discours que tiennent nombre de Paulistas, du chauffeur de taxi au gérant d’un magasin spécialisé dans la vente de tee-shirt de metal. Malgré leur opposition à l’organisation du Mondial par leur pays, tous assurent toutefois qu’ils regarderont le match. Même Henrique. « Je veux quand même profiter un peu de la Coupe du monde : au final, je suis quand même brésilien. »

Après la trêve internationale, place au festin !

Par Thomas Goubin, à São Paulo

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